Valérie Béthouart : « Le courage et l'abnégation dont le général Béthouart et d’autres ont fait preuve sont des valeurs qui pourraient séduire une jeune génération en perpétuelle recherche de sens »

Direction : SGA / Publié le : 08 mai 2025

Petite-fille du général Béthouart, héros de la bataille de Narvik durant la Seconde Guerre mondiale, Compagnon de la Libération, Valérie Béthouart revient sur le parcours de son grand-père à l’occasion du 80e anniversaire de la Victoire du 8 mai 1945.

Valérie Béthouart © Valérie Béthouart

Valérie Béthouart

Propos recueillis par Marguerite Silve-Dautremer

Valérie Béthouart, vous êtes la petite-fille du général Antoine Béthouart ; nous fêtons cette année les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale dans laquelle votre grand-père a pris une part active, notamment lors de la bataille de Narvik, première victoire militaire des forces alliées, où son rôle fut décisif. Beaucoup de conflits armés surgissent aujourd'hui – quel regard, selon vous, porterait-il sur la situation actuelle ?

Valérie Béthouart : Mon grand-père, le général Béthouart, a écrit deux livres pour raconter ses mémoires de guerre de la Première et de la Seconde Guerre mondiale : « Des hécatombes glorieuses au désastre, 1914-1940 » (réédité aux éditions des Presses de la Cité en 2020), et « Cinq années d'espérances, mémoires de guerre 1939-1945 » (chez Plon). Je les ai relus récemment et j'ai été frappée par son analyse très fine des causes géopolitiques de ces conflits et de leurs similitudes avec la période actuelle : une forme d'aveuglement, ou dit autrement, de non-discernement des gouvernants, une non préparation au conflit pour préserver la paix jusqu'au bout, avec les conséquences que l'on connaît. 

Que représente le 8 mai pour vous-même et votre famille ?

C’est une date importante pour tous les Français, pour tous les militaires, et bien sûr pour ma famille qui fut totalement engagée au sein de ce conflit : mon grand-père et mon père (saint-cyrien lui aussi) ont tous les deux débarqué en Provence, au sein d'unités différentes et ont combattu de longs mois jusqu'à la Libération. Nous avons d'ailleurs dans notre album de famille de nombreuses photos du général Béthouart au pied du célèbre lion de Belfort* avec le général de Lattre de Tassigny, ainsi qu’au milieu des généraux de Lattre de Tassigny et Eisenhower, en 1945. Il est à noter qu'avant le débarquement, le général Béthouart était au Maroc aux côtés du Général de Gaulle, qui l'avait nommé chef d'état-major de la Défense nationale. Il a demandé à de Gaulle de le relever de ses fonctions pour revenir auprès de ses hommes et combattre pour libérer son pays. Je suis pleine d'admiration pour son courage et son sens de l'abnégation. Il n'avait plus rien à prouver.

*En novembre 1944, le général Béthouart est chargé de l'attaque de la trouée de Belfort ; il libère ainsi Héricourt, Montbéliard, Belfort et Mulhouse. 

 

Le général Béthouart (1889-1982) © Levy / SCA / ECPAD / Défense

Le général Béthouart (1889-1982)

Le général Béthouart (1889-1982)

Le général Béthouart a puissamment œuvré au rapprochement entre les Forces Françaises Libres et l’armée d’Afrique. Racontez-nous, quelle a été l’importance de cette initiative ?

Concernant le rapprochement des Forces Françaises Libres (FFL) et de l'armée d'Afrique, je n'ai pas beaucoup d'éléments sur le sujet, si ce n'est que ce ne fut pas une période facile. Les militaires de cette génération, que ce soit mon père ou mon grand-père, ont livré peu de choses à leur famille sur ces épisodes cruciaux. Ce que je sais en revanche, c'est que le général Béthouart était un très fin négociateur et qu'il n'a pas été choisi par hasard pour cela. Il avait déjà été envoyé à Washington par le Général Giraud en 1943 pour négocier le réarmement de l'armée française. Une qualité qui sera aussi déterminante pour sa nomination de Haut-Commissaire de la République en Autriche, où il est resté cinq ans après la guerre.

Votre aïeul termine la guerre le 6 mai 1945 au col de l’Arlberg, en Autriche, où vous vous êtes récemment rendue pour inaugurer un pont à son nom. 80 ans après la Libération, pourquoi sa mémoire est-elle restée vive sur place ?

Sur le pont qui traverse la rivière d'Innsbruck que j'ai inauguré l'automne dernier figure la phrase : « Arrivé en vainqueur, resté en protecteur, rentré dans son pays en ami. » Sa mémoire reste très vive là-bas, beaucoup plus qu'en France. Il a œuvré pour que l'Autriche ne tombe pas sous le joug de l'URSS et qu'une partie de son territoire ne subisse pas celui de l'Allemagne. Il a également mené une politique culturelle très active : il est à l'origine du lycée français de Vienne, a rencontré Le Corbusier pour la reconstruction de certains édifices autrichiens, a protégé les fameuses statues de l'église impériale d'Innsbruck, en empêchant les Russes de les détruire. Pour lui, la culture était un élément essentiel pour la paix et le rapprochement entre les peuples. 

Pour terminer, j'aurais un souhait : que les grands militaires de cette génération, que ce soit lui, Diego Brosset ou d'autres, soient mis à l'honneur auprès des jeunes générations. Ils ont en commun d'avoir mené des opérations qui relèvent aussi de la diplomatie, d’une vraie ouverture d'esprit sur les autres cultures et d’un amour des pays qu'ils ont libérés. L’Autriche était la seconde patrie du général Béthouart. Il avait également conservé des liens forts avec la Norvège où il se rendait régulièrement. Le courage et l'abnégation dont ils ont fait preuve sont des valeurs qui pourraient séduire une jeune génération en perpétuelle recherche de sens.

Biographie du général Antoine Béthouart

Lire sur le site de l'Ordre de la Libération

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