Quelles suites possibles pour la guerre à Gaza ?

Direction : ACADEM / Publié le : 27 mars 2024

Une table ronde du Paris Defence and Strategy Forum (PDSF) s’est penchée sur les suites possibles du conflit en cours. Selon les intervenants, aucune paix ne sera possible en présence des protagonistes actuels des deux côtés.

Table ronde sur les conséquences de la guerre à Gaza pour le bassin méditerranéen  © ACADEM

Au premier jour du PDSF, le 13 mars, s’est tenue une table ronde sur « les conséquences de la guerre à Gaza pour le bassin méditerranéen », qui a finalement plus porté sur les suites possibles du conflit entre Israël et le Hamas. Animée par le vice-amiral d'escadre (2S) Pascal Ausseur, directeur général de Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES), elle a rassemblé quatre intervenants très au fait de la situation sur place.

Pierre Razoux, directeur académique et géopolitique de la FMES, a qualifié ce « nouvel épisode d’un conflit qui dure depuis plus de 80 ans » comme « sans doute celui avec la plus haute intensité ». Et « là, il y a eu une surprise stratégique » : personne ne s’attendait au Hamas. « Tout le monde s’attendait, moi compris, à ce que ça éclate, mais en Cisjordanie. »

Selon lui, côté israélien, « si les combats s’arrêtent, [le Premier ministre Benyamin] Netanyahu est politiquement mort ». Lui et ses ministres les plus « faucons » Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir ont donc « intérêt à ce que la guerre continue » et « sont sur une logique d’étendre le conflit ».

En face, « la mouvance palestinienne est fondamentalement divisée, et engagée dans une lutte de pouvoir à mort pour savoir qui va succéder [au président de l’Autorité palestinienne] Mahmoud Abbas, qui, lui, est totalement délégitimé ».

Table ronde sur les conséquences de la guerre à Gaza pour le bassin méditerranéen © ACADEM

Céline Touboul-Gal, co-directeur de l’Economic Cooperation Foundation (ECF), explique qu’en Israël, les directives actuelles sont « No Hamas, no Abbas » : « On a un gouvernement en Israël pour qui l’Autorité palestinienne est autant un risque stratégique que le Hamas », puisque la première « représente le risque de la création d’un État palestinien ».

Mais il y a aussi « cette crainte que, si finalement on tente de démanteler le Hamas, on se retrouve avec plein de petites factions militaires et personne pour mettre de l’ordre entre elles ». En attendant que cette question se pose, la chercheuse considère qu’actuellement, « on est dans une impasse car Israël n’a toujours pas de plan pour sortir de cette guerre ».

Le nom du très populaire Marwan Barghouti, emprisonné en Israël depuis 2001, revient souvent quand on évoque la suite côté palestinien. Il « est vu un peu comme une sorte de Nelson Mandela », commente Céline Touboul-Gal, qui se demande ce qu’il fera « quand il sortira de prison ».

Le diplomate en retraite Eric Danon, ambassadeur de France en Israël entre 2019 et 2023, n’entrevoit pas vraiment de paix à court terme : « La guerre va continuer parce que les deux protagonistes souhaitent qu’elle continue. » En conséquence, « il n’y a pas de paix possible tant que vous gardez les mêmes protagonistes » : Netanyahou, le Hamas et Abbas. « La première condition de la paix, c’est donc de changer les hommes et les femmes qui sont au pouvoir des deux côtés. » Concernant le chef du gouvernement israélien, Eric Danon considère d’ailleurs que « la paix n’intéresse pas Netanyahou, ce qui l’intéresse, c’est la sécurité ».

L’ancien ambassadeur estime aussi que « les gouvernements arabes du pourtour méditerranéen n’ont pas envie que le conflit s’arrête », pour deux raisons : ils veulent garder Israël comme ennemi, comme « repoussoir », et c’est d’ailleurs selon lui « ce qui les lie le plus entre eux ». Il cite un haut responsable algérien lui ayant déclaré : « Les Palestiniens sont les idiots utiles de la cohésion du monde arabe. » Deuxième raison, si le conflit israélo-palestinien se termine, « alors Israël devient la vraie superpuissance de la région ».

Selon lui, « il y a une solidarité des populations arabes vis-à-vis des Palestiniens, mais les gouvernements arabes sont très contents qu’Israël fasse le sale boulot, parce que la dimension de l’extrémisme religieux du Hamas leur fait très peur ».

Table ronde sur les conséquences de la guerre à Gaza pour le bassin méditerranéen © ACADEM

Amélie Ferey, responsable du laboratoire de recherche sur la défense à l’Institut français des relations internationales (IFRI), estime que « les gouvernements arabes sont quand même contraints par leur population, qui sont extrêmement exposées aux images qui parviennent de Gaza ». Elle note que « la question du double standard » et de « l’hypocrisie de l’Occident sur la question du respect du droit international » revient « tout le temps » quand elle parle du conflit en cours avec d’autres « think-tankers » issus des BRICS.

Eric Danon a constaté que « les accords d’Abraham ont échaudé les Palestiniens quant à la médiation des Américains, qu’ils trouvent tellement orientée du côté israélien qu’ils n’en veulent plus ». Selon lui, la Chine, la Russie, l’Union européenne, « ça ne compte pas » pour une médiation dans ce conflit. Restent donc les pays arabes, sauf qu’ils « ne sont pas intéressés à la paix », sauf un : l’Arabie saoudite. L’ancien diplomate appelle donc, après le conflit, à un « protectorat » des puissances arabes sur la Palestine « pour que le système palestinien puisse grandir ».

Pour Amélie Ferey, une chose est sûre : « Il y a un retour de la question palestinienne, qui avait été ringardisée avant. » Elle a aussi pris une autre dimension, selon Eric Danon : « D’un point de vue symbolique, dans le monde, la figure du Palestinien a totalement changé […]. Il est devenu le symbole de la résistance à l’américanisation du monde, à l’occidentalisation du monde. »


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