Transition FRA - EMAR(FR) vers les EMAR/FR

 Conduire le changement de référentiel en souplesse

Nous avions les FRA et bientôt nous seront passés aux European Military Airwor thiness Requirements (EMAR). Si le passage aux FRA a été considéré comme une épreuve difficile, l’aviation d’État a finalement su la passer. L’introduction des EMAR apparaît pour de nombreux utilisateurs comme une nouvelle épreuve voire une contrainte inutile dans la mise en oeuvre de la navigabilité.

Mécanicien

Cette appréhension légitime face à un changement de référentiel disparaît dès lors que l’on s’approprie le sujet. Pour mémoire, les FRA constituent les règles spécifiques développées dans le cadre de la mise en oeuvre de la navigabilité au profit de l’aviation d’État. La première version des FRA a été introduite par une instruction interministérielle de 20066. En réalité, ces règles sont, à quelques détails près, un « copier-coller » des règles de navigabilité en vigueur dans l’aviation civile européenne, les PART7. Il convient cependant de rappeler que les FRA ont été adaptées aux besoins spécifiques de l’aviation d’État et en particulier de l’aéronautique militaire.

La grande subtilité des différences entre FRA et PART échappera aux non-initiés, les deux textes étant rédigés, organisés et structurés de manière quasi-identique. On retiendra comme principale différence que les FRA distinguent trois spécialités de mécaniciens aéronautiques : les vecteurs, les avioniques et les armuriers. Les PART ne mentionnent quant à elles que les deux premières. Un cadre d’emploi spécifique et, de manière plus évidente, la mise en oeuvre de systèmes d’armes, différencient aviation civile et militaire et justifient cette spécificité des règles de navigabilité étatique propres.

Calquer les FRA sur les PART procédait de deux justifications concomitantes. En premier lieu, il s’agissait de se rapprocher un maximum du modèle civil afin de rendre le modèle étatique à la fois lisible de l’extérieur, compréhensible et comparable, tout en asseyant sa légitimité. En second lieu, La construction d’un référentiel à partir d’une feuille blanche était hors de portée. Au final, le développement de règles très fortement inspirées du monde civil a permis de disposer d’une base de travail très appréciable et s’est avéré une approche rationnelle.

La première version des FRA a été rédigée par la DSAÉ à partir des PART dans leur version de 2006. Dans une logique de construction d’une sécurité aérienne tournée vers l’avenir, ce développement franco-français mené sous l’égide de la DSAÉ était en avance sur la démarche identique qui sera initiée par l’Europe et en particulier l’Agence européenne de défense (AED) quelques années plus tard. Avec la création d’un forum dédié aux autorités de navigabilité militaire européennes, le military airworthiness authorities forum (MAWA FORUM), l’AED s’empare du sujet de la navigabilité militaire à l’échelle de l’Europe et au profit de 27 États participants. Le MAWA FORUM définit ainsi une politique et des objectifs à atteindre.

Sur les pas de la France et s’inscrivant dans la même démarche, le MAWA FORUM développe des règles de navigabilité adaptées au monde de l’aviation militaire : les EMAR. La France participe naturellement à ces travaux et bénéficie d’un réel leadership qui lui permet d’orienter les débats en s’appuyant sur l’expérience acquise au travers de son propre modèle. Comme c’était le cas des FRA, les EMAR sont une copie assez fidèle des PART.

Même si les EMAR ont été développés à partir d’une version plus récente des PART (2008) que les FRA, il n’en demeure pas moins que les différences entre les FRA, les EMAR et les PART sont très ténues. Les EMAR en tant que tels sont uniquement des standards proposés à la communauté militaire européenne, sans obligation d’adoption ou d’implémentation, à la différence du règlement européen PART de l’aviation civile européenne. Ces standards ou normes ne deviennent des règles qu’à partir du moment où elles sont transposées dans la réglementation nationale.

EMAR/FR : en souplesse

La France, sous l’impulsion de la DSAÉ, a fait le choix d’adopter les EMAR FR, c’est-à-dire une version française et adaptée aux exigences de son cadre national, et se situe ainsi dans le peloton de tête au niveau européen. De nombreux autres états membres de l’UE, ou non, participant au MAWA FORUM, ont suivi l’exemple français en adoptant à leur tour les EMAR sous des appellations ou dénominations nationales spécifiques, en particulier : l’Allemagne, l’Espagne, les Pays bas, la Belgique, l’Italie, le Royaumes Unis, la Suède, la Finlande, le Portugal ainsi que prochainement la Suisse .

Le succès des EMAR dépasse de surcroît les frontières de l’Europe, en effet des pays très éloignés du continent ont également décidé de les adopter, notamment l’Australie ou la Nouvelle Zélande. L’intérêt d’adopter des normes communes reconnues internationalement dépasse assez largement les seuls aspects de sécurité liés à la navigabilité. En effet, elles permettent de partager un langage ou un référentiel commun à tous les utilisateurs ou acteurs de l’aviation militaire, qu’il s’agisse des forces aériennes ou de l’industrie. Elles facilitent en particulier la construction et le développement de programmes aéronautiques internationaux, la coopération des organismes militaires et les échanges au sein d’un tissu industriel dont les ramifications vont fréquemment au-delà du cadre national.

La France est une nation majeure dans le secteur de l’aéronautique militaire et l’adoption des EMAR doit être considérée comme un principe fondamental, en particulier pour l’industrie. Aujourd’hui, il n’existe presque plus de programme aéronautique Français ne reposant que sur une industrie exclusivement nationale. Ainsi, qu’il s’agisse de l’A400M, du NH90, du TIGRE, du MRTT, du CARACAL, du RAFALE , ,ou encore, de programmes plus modestes tels que le PC21, le PATROLLER, voire de programmes futurs comme GUEPARD, ARCHANGE, ALBATROS, EUROMALE, tous sans exception revêtent une dimension internationale, notamment au regard des enjeux en matière d’exportations. En somme, les EMAR constituent le liant réglementaire permettant ou facilitant la mise en oeuvre de ces programmes.

En France, les FRA et les EMAR cohabitent réglementairement. Les utilisateurs donc ont actuellement le choix entre deux jeux de règles. Considérant que les différences très ténues entre ces règles ne justifient pas en soit cette coexistence, tout en n’induisant pas pour autant de risque majeur, la DSAÉ a proposé d’introduire les EMAR progressivement. Soucieuse de conserver l’adhésion des utilisateurs déjà fortement impliqués et sollicités dans la mise en oeuvre parfois difficile de la navigabilité et des FRA en particulier, et de prévenir une éventuelle hostilité à l’égard de la démarche elle s’est attachée à ce que cette transition se fasse sans contrainte.

Constituant une source de complexité inutile, cette coexistence de règles si proches serait contreproductive sur le long terme et, de surcroît, incompréhensible vue de l’extérieur. Ainsi, en accord avec les autorités d’emploi, il a été décidé d’abandonner progressivement le référentiel des FRA pour un tout EMAR. Dans les faits, l’ensemble du système français de navigabilité pourrait d’ores et déjà être considéré comme compatible EMAR, bien qu’il reste à le formaliser et à l’acter, ce qui sera réalisé sur les deux prochaines années.

En résumé, l’ensemble de l’aéronautique d’État française est déjà EMAR sans le savoir. D’ici 2022 et sans requérir d’efforts particuliers de la part des utilisateurs hormis quelques modifications de textes, transformant notamment la désignation FRA en EMAR, la France sera à l’heure de la navigabilité militaire européenne.


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