La création de Cols bleus
Cols bleus est le plus ancien des magazines des armées toujours publié. Cela fait huit décennies que le magazine parle de la Marine et des marins, retour sur ses origines.
En 1780, la force expéditionnaire du comte de Rochambeau, chargée d’aller soutenir les insurgés américains, embarque une presse d’imprimerie. Débarquée à Newport et placée sous la direction du chevalier édouard de Maulévrier, commandant la corvette La Guêpe, l’imprimerie de l’escadre éditera entre 1780 et 1781 huit numéros de la Gazette Françoise(1) destinée à soutenir le moral des troupes. Ce tout premier magazine est sans doute le premier journal publié par un corps expéditionnaire français en campagne. Il est en quelque sorte l’ancêtre de Cols bleus.
Une Marine à rebâtir
Lorsqu’en novembre 1943 le Comité français de libération nationale désigne Louis Jacquinot ministre de la Marine, il doit faire face à de nombreux défis. En effet, il lui faut amalgamer(2) deux types de marins, ceux issus des forces navales françaises libres (FNFL) et ceux de la Marine de Vichy. Deux marines qui se sont affrontées dès 1940. Si, pour tous, l’objectif est de vaincre l’Allemagne nazie, des inimitiés persistent. L’objectif du ministre est de souder les équipages. L’une des solutions consiste à créer un journal qui pourrait s’exprimer d’une seule voix pour tous les marins, œuvrant ainsi à la cohésion. Mais en cette fin 1944 les moyens manquent. Le ministre fait appel à l’un de ses amis, Paul-Jean Lucas, pour mettre en œuvre cette idée. Ce journal devra pouvoir s’auto-financer, ce qui laissera une certaine liberté de manœuvre éditoriale à son rédacteur en chef, la Marine gardant un droit de regard sur les publications. Le 23 février 1945, le premier numéro de Cols bleus paraît.
Des débuts héroïques
Les premiers numéros de cet hebdomadaire vont relater la fin du deuxième conflit mondial. Paul-Jean Lucas couvre par exemple dans le numéro du 11 mai 1945, les combats de la réduction de la poche de Royan et se joint aux fusiliers marins chargés de débarquer sur Oléron. « J’ai l’honneur d’avoir été admis à embarquer avec les premières vagues d’assaut […] La vitesse augmente, le petit bateau paraît s’emballer vers la ligne sombre du rivage. Puis il ralentit soudain, choc de l’échouage.[…] Les hommes sortent précipitamment, sautent dans l’eau jusqu’aux genoux, trébuchent un peu ; quelques-uns tombent et se relèvent ruisselants.
On prend pied et on suit son chef dans l’aube naissante. L’effet de surprise sur ce coin de la plage a été total. Les boches nous attendaient sans doute ailleurs... ». Il se rendra aussi dans le Pacifique sur le Richelieu, pour couvrir les opérations contre le Japon. à cette époque Cols bleus relate la vie dans les unités de la Marine. Il devient aussi, par ses petites annonces, un outil indispensable aux marins : « On recherche Daussy Robert, matelot mécanicien sur le Jean Bart. A quitté ce bâtiment pour rejoindre les Forces Françaises Libres. Dernières nouvelles reçues, à la fin de septembre 1942. Adresser renseignements à Dekindt Pierre, matelot canonnier » (CB n° 28 du 31/08/1945). Le magazine couvre aussi les opérations, en Indochine et en Algérie. Même s’il soumet ses articles aux autorités de la Marine, Paul-Jean Lucas garde une grande liberté de ton. En 1958, alors que la IVe République est minée par l’instabilité ministérielle et la crise algérienne, Cols bleus titre en une du numéro 551 : « Dix-huit ans après l’appel du 18 juin 1940, c’est la France qui appelle aujourd’hui le général De Gaulle ». Au décès de Paul-Jean Lucas, c’est Claude Chambard qui reprend ses fonctions. Il gardera le même franc-parler, notamment pour relater les combats de la guerre d’Algérie. Ce n’est qu’a son départ que la Marine prend la main sur Cols bleus. Le magazine est placé sous l’autorité du service d’information et de relations publiques des armées (SIRPA) Marine en 1972.
Du fond et aussi de la forme
Dans son premier éditorial Cols bleus précisait qu’il avait pour objectif de « fournir aux marins une lecture choisie spécialement pour eux et de tenir le public au courant de la vie de notre Marine nationale », l’objectif n’a pas changé. Évidemment le magazine n’est plus la seule source d’information des marins mais il conserve l’objectif de les rendre fiers de leur outil de travail. Cols bleus est aussi envoyé aux parlementaires, aux ministères, aux mairies, aux établissements scolaires et universitaires, aux médias, etc. En cela il remplit toujours l’objectif de tenir le public au courant de la vie de la Marine.
à l’origine au format d’un quotidien, Cols bleus a adopté celui d’un magazine, dont la couverture est colorisée dès 1968. En 1973, la maquette évolue : figure désormais sur sa couverture un encart carré où le O de Cols bleus prend la forme d’un bâchi. Il y restera jusqu’à l’été 2000. En 2014, dernier changement de maquette et il devient mensuel. Depuis, il n’est plus vendu en kiosque, restant accessible sur le site internet colsbleus.fr qui propose également d’autres contenus. Depuis dix ans la maquette n’a évolué que très légèrement jusqu’à ce numéro qui célèbre les 80 ans du magazine et présente à ses lecteurs une nouvelle formule.
(1) Pages 46 et 47 du Cols bleus n° 3051 d’août/septembre 2016.
(2) Un amalgame militaire est une fusion de différents corps, par incorporation, en une seule troupe. Les plus connus sont ceux de 1793 et de 1796 qui avaient pour but de fusionner les soldats issus des régiments royaux avec ceux des volontaires nationaux pendant la révolution française.
Paul-Jean Lucas, fondateur de Cols bleus
Né à Paris le 17 février 1893 et venant d’une famille d’artistes, Paul - Jean Lucas commence sa carrière de journaliste en 1912 au quotidien Gil Blas ; rappelé sous les drapeaux en 1914, il ne sera démobilisé qu’en 1919. Il revient de la guerre avec une blessure, une citation et la croix de guerre. Il poursuit sa carrière de journaliste dans divers journaux et sera de 1932 à 1936 rédacteur en chef du Quotidien. Élu maire de Croissy-sur-Seine (78) en mars 1939, il le restera jusqu’en août 1944, pendant la guerre il fit également partie du réseau de résistance F2. Appelé fin 1944 par le ministre de la Marine à créer et prendre la direction de Cols bleus, il y resta jusqu’à son décès en décembre 1961.
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