Civils de la Marine, une longue histoire
Depuis la création par Richelieu de la Marine royale en 1626, le monde civil des arsenaux est inséparable de l’histoire de la Marine. La politique de Jean-Baptiste Colbert, ministre d’État de Louis XIV, a permis à la France d’acquérir la plus forte marine du continent européen dans les années 1670-1680.
Les arsenaux, « lieux où l’on construit, entretient, répare et prépare les flottes de guerre, [réunissent] tout un univers de métiers dédiés à la construction navale, foyers de l’innovation technique et logistique. Selon les époques, s’y côtoient l’intendant et le charpentier, le matelot, le soldat, l’officier, le portefaix, mais aussi les ouvriers, les dockers, les contremaîtres et les métallurgistes… ». Ils sont les « coeurs battants de l’histoire militaire » 1.
L’arsenal de Brest est créé en 1631, celui de Rochefort en 1665, et celui de Toulon, qui existe depuis Henri IV, est étendu. D’autres établissements suivront tel l’arsenal de Lorient en 1778 ou encore l’acquisition des forges royales de Guérigny en 1781. Colbert met également en place une administration de la Marine pour gérer les arsenaux, destinés à soutenir les marines du Ponant et du Levant. Cette organisation va rapidement porter ses fruits. Les arsenaux produisent des bateaux de guerre français d’une qualité reconnue hors des frontières du royaume. Mais pour les ouvriers, les conditions de travail se révèlent parfois extrêmement dures.
Ouvriers volontaires et ouvriers "levés"
Parmi les ouvriers employés dans les différents ateliers ou sur les chantiers, on distingue les volontaires des ouvriers « levés ». Les premiers habitent Toulon, Brest, Rochefort ou Lorient et se rendent chaque jour « au parc », tandis que les deuxièmes sont levés dans les villes et villages des provinces côtières, à l’instar des marins et des pêcheurs. Pour pallier les difficultés liées au recrutement du personnel militaire et civil, le roi Louis XVI signe une ordonnance « des classes », le 31 mai 1784, qui oblige les hommes de plus de 18 ans, exerçant comme charpentier, perceur, calfat, voilier, poulieur, tonnelier, cordier et scieur de long, à se faire connaître de l’administration. La durée de l’enrôlement varie alors selon l’affectation du « classé ». Ouvriers et marins sont traités de manière identique.
Une réputation d'excellence
Cette réputation d’excellence des arsenaux français perdure après la Révolution. Les « ouvriers de la Marine » s’illustrent ainsi lors des campagnes napoléoniennes. Dans une lettre au général Bertrand du 29 mai 1809, Napoléon rappelle leur rôle dans « la construction des pontons, péniches et radeaux destinés aux troupes » 2.
Pour la petite histoire, le romancier Guy de Maupassant intègre la Marine en tant que civil en 1872 au poste de surnuméraire en titre à la direction du personnel au bureau des équipages de la flotte. Deux ans plus tard, alors qu’il est nommé commis de 4e classe, son chef le décrit comme « intelligent, bien doué [et] animé du désir de bien faire. Lorsqu’il aura acquis l’expérience qui lui manque, il fera un très bon employé. 3 »
En 1900, le ministre de la Marine Jean-Marie de Lanessan instaure des « commissions chargées des aptitudes professionnelles des candidats à l’embauchage », sachant que de nombreux recrutements s’effectuent également par la voie de l’apprentissage.
Achèvement de la construction du cuirassé Richelieu
Lors de la guerre 1914-1918, tous les arsenaux participent à l’effort de guerre et les effectifs atteignent 70 000 agents en 1917, pour l’ensemble des arsenaux. Le ministre de la Marine Georges Leygues, oeuvre à accroître les libertés de « l’embauchage et du débauchage des ouvriers de la Marine en fonction des besoins », et crée des dispositions sociales novatrices concernant les malades, les accidentés du travail et les congés payés.
De la direction des constructions et armes navales à Naval Group
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une direction centralisée – la Direction centrale des constructions et armes navales – est créée par décret. Des réformes supplémentaires concernant le personnel civil sont mises en oeuvre. Désormais, des fonctionnaires travaillent aux côtés des ouvriers de l’État. En 1961, ils sont regroupés sous l’appellation de « personnel civil du ministère de la Défense, employé par la Marine nationale » et l’inscription maritime est définitivement supprimée en 1965.
En 1991, la Direction des constructions et armes navales (DCAN) devient Direction des constructions navales (DCN). En 2007, afin de lui permettre de s’ouvrir à l’international, l’entreprise est privatisée, l’État restant toutefois actionnaire majoritaire. Elle acquiert la branche activités navales de Thales et est rebaptisée DCNS. Le 28 juin 2017, 400 ans après la création des premiers arsenaux, elle change à nouveau de nom. C’est la naissance de Naval Group. Cette société privée a intégrée une partie des anciens ouvriers de l’État et de nombreux ingénieurs. Elle reste néanmoins détenue majoritairement par l’État français (à hauteur de 62,25 %) quand Thales en détient 35 %.
1. Caroline Le Mao – Les Arsenaux de la Marine du xvie siècle à nos jours, Sorbonne université Presses, 2021.
2 Paul Coat – Les arsenaux de la Marine de 1631 à nos jours (Éditions de la cité, Brest-Paris, 1982).
3. In Les Amis de Flaubert – Maupassant fonctionnaire de ministère (Bulletin no 49, p., 46, 1976).
Un ouvrier civil dans le magasin général de pièces détachées de la DCAN de Papeete
Recrutement
La Marine séduit de plus en plus de civils
En augmentation chaque année depuis 2018, le nombre de postes de civil ouverts au recrutement dans la Marine était de 228 (contre 118 départs) en 2023. Cette dynamique positive témoigne d’une attractivité indéniable de la Marine chez les civils. Qui sont-ils ?
Constitués pour 62 % d’hommes et 38 % de femmes, ils étaient 2 773 en 2023. On les trouve essentiellement sur les façades maritimes (à 95 %), les deux pôles principaux étant la base navale de Toulon et celle de Brest. Largement et historiquement présents dans les filières techniques et administratives, les civils révèlent une appétence de plus en plus marquée pour les métiers des systèmes d’information et de communication (SIC), les opérations en milieu maritime et le maintien en condition opérationnelle aéro. Les SIC sont par ailleurs la famille professionnelle qui recrute le plus de civils au sein de la Marine depuis 2023.
Fonctionnaire, contractuel ou ancien militaire
Soutien opérationnel des marins, le personnel civil s’adapte aux nouveaux besoins des unités de la Marine. Cette adaptabilité se traduit par des créations de postes mais aussi de recrutement. D’où viennent- ils ? La majorité d’entre eux sont des fonctionnaires (75 %) recrutés via des concours de la fonction publique. Selon leur grade et catégorie, ils occupent des postes d’encadrement supérieur (catégorie A), intermédiaire (catégorie B) ou d’exécution (catégorie C). Depuis trois ans, des agents de catégorie B sont essentiellement recrutés, alors que les agents civils sont traditionnellement en majorité, agents de catégorie C (39 %) et ouvriers de l’État (17 %).
Les contractuels (8,4 %), en contrat à durée déterminée ou indéterminée, se révèlent un bon choix pour pallier les manques lorsqu’un besoin spécifique se fait sentir, par exemple dans les domaines du numérique, du nucléaire ou de la formation. Depuis la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique élargissant le recours aux contractuels, ce mode de recrutement est même devenu le premier mode de pourvoi (47 %), dépassant le recrutement d’anciens militaires (29 %) via les articles L.4139 du code de la défense, et les concours de la fonction publique (13 %).
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