Interview croisée : « Attirer et fidéliser le personnel civil »
« La Marine nationale est riche de ses marins civils, militaires et réservistes. Notre action collective est de bâtir une marine prête pour vaincre en opérations. Je compte sur chacun des 2 800 civils de la Marine. »
Amiral Nicolas Vaujour, chef d’état- major de la Marine
L’ingénieur général de l’armement Guillaume de Garidel-Thoron (service de soutien de la flotte), le vice-amiral Serge Bordarier (aéronautique navale) et le capitaine de vaisseau Charles-Henry Orcel (service logistique de la Marine) ont autorité sur près de la moitié des civils de la Marine. Leurs force et services sont les trois principaux employeurs de civils dans la Marine. Pour Cols bleus, ils croisent leurs regards au sujet de cette spécificité.
Cols bleus : Quel est le pourcentage de civils dans chacune de vos forces ?
IGA Guillaume de Garidel-Thoron (SSF) : 60 % soit 552 civils. Cette situation est stable et, à mes yeux, ce pourcentage est satisfaisant.
VA Serge Bordarier (ALAVIA) : En juin 2024, 8 %, soit 388 civils (pour 4 585 militaires d’active). En légère hausse par rapport à juin 2023. La variété des missions opérationnelles de la force de l’aéronautique navale nous oblige à conserver un vivier de militaires projetables en opérations. Parmi le personnel à terre, en charge notamment de la maintenance, il est essentiel de conserver des militaires afin d’alimenter au besoin le premier vivier mais également de compter sur des civils très qualifiés.
CV Charles-Henry Orcel (SLM) : Actuellement, 35 %. Cette population civile est stable. Colonne vertébrale de la compétence au sein du SLM, elle forme une ossature solide et durable des savoir-faire techniques et assure la continuité du service.
C. B. : Considérez-vous les civils comme des marins à part entière ?
IGA G. G. T. : Les civils du SSF sont, je crois, très attachés au SSF et à la Marine. Pour ma part au quotidien, je ne fais pas de différence, à poste équivalent ; tous appartiennent au même équipage, avec des rôles et des statuts – donc des droits et aussi des sujétions – différents.
VA S. B. : Je ne fais aucune distinction.
CV C. H. O. : Aux côtés de nos marins militaires, nos marins civils contribuent avec force, engagement et compétences à la disponibilité des bâtiments de la Marine.
C. B. : À quels postes trouve-t-on des civils dans vos forces ?
IGA G. G. T. : On peut les retrouver à des postes opérationnels comme responsable d’opération, ou ingénieur responsable bâtiments, des postes d’encadrement comme sous-directeur ou chef de bureau, des postes spécialisés dans des domaines techniques, logistiques, achats, ou des postes administratifs.
VA S. B. : 73 % des civils d’ALAVIA exercent des missions à dominante technique (26 % dans le domaine de la maintenance en condition opérationnelle, 22 % en logistique, 15 % en administration, 10 % en santé et sécurité au travail…). Avec une moyenne d’âge de 49,7 ans et une longévité dans les postes, ils apportent une expérience et une expertise indéniables.
CV C. H. O. : Aujourd’hui, il est important de ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier, d’où notre effort pour une mixité des postes. Cependant, certains domaines sont spécifiquement choisis pour chaque groupe. Par exemple, l’artillerie navale est principalement occupée par des militaires, tandis qu’en expertise de plongée humaine, nous retrouvons souvent des civils pour garantir une compétence continue dans le temps.
C. B. : Ces postes correspondent-ils à des spécialités où ne peuvent pas être recrutés des militaires ?
IGA G. G. T. : Certains postes sont spécialisés dans des domaines peu courants dans le reste de la Marine, je pense aux achats, à la comptabilité, à l’exécution budgétaire ou à la logistique où la présence de civils est importante. Ces postes qui nécessitent une formation assez longue ne pourraient pas être facilement tenus par des militaires qui sont mutés tous les 2 ou 3 ans. Pour un acheteur sur des dossiers complexes par exemple, une procédure prend environ 2 ans, et c’est donc le temps pour former quelqu’un avant de le « lâcher ».
VA S. B. : Certains domaines nécessitent des compétences techniques particulières. Bien que la majorité des postes pourrait être occupée par des militaires, le recrutement civil reste plus flexible (vivier civil plus large, possibilité de recruter sur contrat de projet) et permet un pourvoi des postes plus facile, notamment sur des fonctions très techniques (expert développement logiciel, architecte systèmes d’information, expert en infrastructures et organisations de défense…).
CV C. H. O. : En théorie, tous les grands domaines d’activité sont ouverts aux civils et aux militaires, mais la répartition se fait en fonction des besoins et des compétences nécessaires.
C. B. : Comment se passe la collaboration entre marins civils et militaires ?
IGA G. G. T. : Elle se passe bien. Évidemment il faut que les uns et les autres aient conscience de la différence de leurs statuts, et il faut prendre soin en particulier de la gestion des ressources humaines. Je crois que ce sont les compétences des uns et des autres qui sont reconnues, plus que le fait d’être civil ou militaire.
VA S. B. : La répartition géographique de la force crée un état d’esprit familial et un sens de la mission partagé. Sur les quatre bases d’aéronautique navale de l’Hexagone, civils et militaires sont quotidiennement au contact des opérations. Cette proximité permet aux civils d’être témoins des résultats opérationnels et d’en comprendre les enjeux.
CV C. H. O. : Ce qui prévaut est l’esprit d’équipage. C’est ma responsabilité, ainsi que celle de chaque directeur, d’y veiller. Tout le monde doit y être engagé avec sa personnalité, ses difficultés et ses qualités. Je constate qu’il existe et qu’il est fort.
C. B. : Quelle est la recette pour une mixité civilo-militaire réussie ?
IGA G. G. T. : Une bonne connaissance de l’autre, de ses contraintes et de ses règles de fonctionnement, une compréhension mutuelle, et quand la compétence est là et comme il y a du travail au SSF, cela ne pose aucun problème.
VA S. B. : Un commandement fédérateur, intégrant les personnels civils à l’ensemble des activités de l’unité (y compris les moments de cohésion/cérémonies) ; un accompagnement des civils lors de leur embarquement et une collaboration au quotidien entre militaires et civils, sans distinction de statut.
CV C. H. O. : Il n’y a pas de recette miracle. Chacun doit se sentir à sa place en fonction de son expérience et de l’importance de son rôle, comprendre le sens de son travail et de sa mission. Notre objectif commun est d’être arrimés aux opérations de la Marine et de faire appareiller le plus rapidement possible un bateau qui en a besoin.
C. B. : Les civils restent plus longtemps à un même poste : avantage ou inconvénient ?
IGA G. G. T. : Cette stabilité est un atout de taille au SSF. Certains sont là (tout en ayant évolué au sein du service) depuis la création du SSF en 2000, et en sont une véritable mémoire vivante.
VA S. B. : Les civils d’ALAVIA occupent leur poste en moyenne 4 ans et 10 mois. En 2024, les flux prévisionnels anticipent le départ de 20 agents d’ALAVIA.
C. B. : Les civils de la Marine sont-ils aussi engagés et loyaux que les militaires ?
IGA G. G. T. : Oui, très franchement je pense que la majorité des civils au SSF sont très attachés à la Marine et au service, et très motivés par la mission, essentielle pour la Marine : si les bateaux n’étaient pas en état technique de naviguer, la Marine s’arrêterait vite !
VA S. B. : Bien sûr ! Le mois dernier, à l’occasion de la cérémonie de commémoration de l’appel du 18 juin, j’ai remis à un agent civil de l’état-major d’ALAVIA la médaille de l’aéronautique navale. Il serait dommage de se priver des civils. Chez nous, près d’un tiers d’entre eux sont d’anciens militaires. Leur expérience est une véritable plus-value pour la force. Enfin, nous intégrons chaque année des stagiaires et apprentis. Cela fait naître des vocations. Autant de bonnes raisons pour attirer et fidéliser les civils au sein de la force !
CV C. H. O. : Un certain nombre de civils cherchent à intégrer la réserve. Cet intérêt spontané témoigne de leur volonté de contribuer davantage à nos missions. En devenant réservistes, ils participent ainsi encore plus activement aux opérations, renforçant ainsi notre capacité opérationnelle globale.
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