Dans le sillage de... Eve-Lise Blanc-Deleuze
Son surnom « Madame Nintendo » lui colle à la peau depuis qu’elle a lancé en France la marque Nintendo en faisant grimper son chiffre d’affaires de 0 à 2 milliards d’euros.
Sa carrière se poursuit ensuite dans de grands groupes médias : Canal+ multimédia (directeur général), le groupe Lagardère (directeur général adjoint des activités de Télévision interactive), la Chaîne parlementaire (secrétaire générale) puis à France Télé numérique où elle a piloté le passage à la télévision tout numérique. Depuis, elle navigue dans le milieu du cinéma comme un poisson dans l’eau. Dans son bureau décoré avec les affiches Cœurs noirs, dont la saison 2 va sortir, Sentinelles, Le Bureau des légendes ou le Chant du loup, elle tient la barre de la Mission cinéma du ministère des Armées depuis 2019, à laquelle elle a ajouté les industries créatives.
Dans quel but a été créée la Mission cinéma et industries créatives (MCIC) ?
Eve-Lise Blanc-Deleuze : La Mission a été créée en 2016 au sein de la Délégation à l’information et à la communication de la Défense, afin de favoriser la création et le développement de projets de films, séries, jeux vidéo et bandes dessinées en lien avec la Défense. Le but est de contribuer au rayonnement des armées.
à votre arrivée, quelle était votre feuille de route ?
E-L B. D. : élargir les compétences de la Mission cinéma aux autres créateurs de contenus de divertissement. Quand je suis arrivée, je me suis appuyée sur mon carnet d’adresses personnel pour étoffer le réseau des producteurs et des diffuseurs susceptibles de travailler avec les armées et de les sensibiliser à nos sujets et nos enjeux. Le scénariste c’est le créa, celui qui a les idées, mais il ne peut rien faire sans un producteur, qui est en charge de réunir les fonds pour permettre le développement du programme, ni sans diffuseur. Cinq ans plus tard, le résultat est là puisque nous sommes de mieux en mieux considérés. Nous collaborons aujourd’hui avec la plupart des gros producteurs français : le groupe Mediawan, qui couvre 100 % du marché, Tétra, Mandarin, Quad Production, et des personnalités comme Dimitri Rassam (le Comte de Monte-Cristo, les Trois Mousquetaires). Il vient de créer un fonds avec Pathé et va sortir en juin un nouveau film, Treize jours, treize nuits, sur l’opération Apagan à Kaboul, lorsque l’Afghanistan est tombée aux mains des Talibans le 15 août 2021. Aujourd’hui encore, le secteur du cinéma occupe à peu près 70 % de notre temps.
Quel est l’intérêt de la Mission cinéma pour le ministère des Armées ?
E-L B. D. : Les Français adorent leurs armées : 80 % d’entre eux déclarent avoir une très bonne ou une bonne image de leurs armées (source : sondage mensuel pour le MINARM). En revanche, quand on creuse, ils n’ont aucune idée de comment cela fonctionne. La fiction est un outil de soft power extrêmement puissant. Elle permet de faire passer de multiples messages, faire découvrir un univers méconnu. Au cinéma, ce n’est pas l’Institution qui parle mais le réalisateur.
Quelle est l’image des armées dans le milieu artistique ?
E-L B. D. : Dans le domaine de la culture, il existe une défiance vis-à-vis des militaires encore très forte, alors que c’est un terreau fascinant et exceptionnel. Ce sentiment antimilitariste chez les scénaristes est en train d’évoluer. Les producteurs et les diffuseurs sont plus ouverts.
Comment faire pour provoquer des rencontres entre scénaristes, producteurs et diffuseurs d’un côté et militaires de l’autre ?
E-L B. D. : Nous travaillons beaucoup en amont, en organisant des opérations découvertes. Accompagner des artistes sur le terrain pour rencontrer des spécialistes pouvant inspirer ou illustrer un sujet en cours d’écriture. Cela a été le cas sur le porte-hélicoptères amphibie Mistral pendant 48 heures, où ils avaient assisté à un entraînement de débarquement. Idem sur le Comcyber à Rennes. à court terme, j’aimerais réitérer l’expérience sur l’enjeu des fonds marins. En interne, la Mission cinéma a un rôle de conseil : expliquer qu’une fiction ou un documentaire ne peut pas être une œuvre de propagande. Exit la censure, il faut laisser aux artistes une totale liberté de création. Si j’utilise une métaphore, je dirais qu’un train qui arrive à l’heure ne fait pas une bonne histoire, en revanche un train qui déraille, c’est beaucoup plus intéressant.
Êtes-vous êtes suffisamment présents dans la bande dessinée ?
E-L B. D. : Dans la bande dessinée de genre militaire classique, oui mais c’est une niche déjà acquise. Nous cherchons plutôt à toucher le grand public. C’est le cas avec Les Galons de la BD (123 ouvrages reçus cette année). En parallèle, nous sommes en train de monter des accords de partenariats avec des écoles de manga (à Angoulême et Toulouse) pour toucher de jeunes auteurs et les biberonner à nos sujets militaires. L’idée de créer des pépinières de jeunes auteurs se retrouve dans l’audiovisuel : la MCIC travaille avec «La Grande Fabrique de l’image» (appel à projets ouvert aux écoles de cinéma européennes).
Quels sont les nouveaux secteurs qui vous permettent de rayonner ?
E-L B. D. : Tout d’abord, le e-sport qui touche 12 millions de Français. Notre équipe interarmées joue sur LOL (Legal of Legends), un jeu de stratégie assez proche de ce que l’on retrouve dans le monde militaire. Cela montre au public que les militaires partagent les mêmes centres d’intérêt avec eux, renforçant le lien armées-nation. Le Webtoon, de la bande dessinée style manga, adaptée aux écrans de téléphones portables : un secteur en pleine ébullition, similaire à celui du marché du manga il y a 25 ans. Le ministère s’y investit avec l’ECPAD.
Bio express
1988-1995 Responsable Marketing puis directrice de la communication chez Nintendo
1995-2000 Directeur général de Canal + Multimédia
2001-2002 Directeur général adjoint des activités de Télévision Interactive chez Lagardère Active
2003-2008 Secrétaire générale de La Chaîne parlementaire, LCP- Assemblée nationale
2008-2013 Directeur délégué (Expert transition numérique) chez France Télé Numérique
2013-2019 Directeur chez ZALIS et Senior advisor chez Grant Thorntorn Executive (activités de conseil en stratégie)
2017-2021 Présidente de la commission recherches et innovations en audiovisuel et multimédia du Conseil national du cinéma
Juin 2019 Chef de la Mission cinéma et industries créatives au ministère des Armées (DICoD)
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