États-majors opérationnels - Conduire les opérations
La situation conflictuelle en Europe de l’Est a indéniablement eu un impact sur nos opérations. Pour s’en rendre compte, il suffit de prendre le pouls des états-majors en charge des opérations, et plus spécifiquement des cellules chargées du suivi et de la conduite des opérations aéronavales tant au niveau stratégique qu’opératif.
L’état-major opérations (EMO) de l’EMM est placé sous l’autorité du sous-chef d’état-major opérations de l’état-major de la Marine (ALOPS). Il est constitué de trois grandes entités ; une première consacrée à l’action de l’État en mer (AEM), une deuxième en charge de la doctrine et de l’emploi (ED) et enfin de celle dédiée aux opérations aéronavales (OAN). Cette dernière est elle-même subdivisée en dix cellules numérotées de N1 à N10, chacune étant en charge d’un domaine spécifique des opérations. Pour s’immerger au cœur de l’activité opérationnelle et en comprendre sa complexité, rien ne vaut un coup de projecteur sur le bureau N3 « conduite des opérations » de l’EMO.
LA CELLULE N3, INTERLOCUTEUR PRIVILÉGIÉ DU CPCO
La cellule N3, dirigée par le CF Lucas, est armée par une quinzaine de marins dont un officier de suppléance état-major assurant une permanence 24 heures sur 24. Le bureau a deux missions principales : informer les hautes autorités de la Marine des opérations en cours, que ce soit au fil de l’eau ou lors des briefings qu’il organise régulièrement, et être le conseiller du centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’état-major des Armées (EMA).
Afin de dialoguer de façon plus aisée avec le CPCO, le bureau N3 de l’EMO est organisé en quatre cellules : Europe, Afrique, Territoire national et enfin Monde. « Chacune de ces cellules a une double casquette », précise le CF Lucas. En effet, elles conseillent le CPCO sur les moyens Marine disponibles et utilisables en fonction des missions dans leur zone de compétence géographique respective et elles sont chacune en liaison avec les états-majors organiques afin de s’assurer de la disponibilité des moyens.
Pour être en mesure d’informer les hautes autorités de la Marine sur les opérations en cours, la cellule N3 est en lien avec les contrôleurs opérationnels, comme le centre opérationnel de la Marine (COM) à Toulon. Enfin, la cellule N3 dispose d’une cellule missile de croisière naval (MdCN) en charge de la préparation des plans de vols de ces derniers dès qu’un tir est envisagé.
RÉORGANISATION ET PRÉPARATION
La situation en Ukraine a naturellement eu des conséquences sur le rythme de travail de la cellule N3. Si l’entrée en action des armées russes n’a pas surpris la cellule, compte tenu des échanges quotidiens qu’elle avait avec le CPCO, le choix de renforcer le dispositif français dans l’Est de l’Europe l’a amenée à proposer la réorganisation du déploiement des éléments de force maritime. Outre la réarticulation du GAN en Méditerranée, la frégate de type La Fayette Aconit, qui devait par exemple être déployée en océan Indien dans le cadre de la mission Agénor a été réassignée en Méditerranée centrale. C’est toute la chaîne logistique de la frégate prévue pour l’océan Indien qui a dû, en liaison avec le bureau N4 de l’EMO, être transférée sur ce nouveau théâtre. Mais il a fallu aussi imaginer comment articuler les moyens à disposition, afin d’assurer la mission Agénor sans l’Aconit.
Les cellules N3 et N5 doivent aussi se projeter vers l’avenir. Aujourd’hui, des Atlantique 2 (ATL2) sont déployés en Méditerranée pour effectuer des missions de surveillance maritime. Demain, leur mission pourrait évoluer en mission de combat. Pour s’y préparer, les différentes cellules N3, N4 s’assurent de l’ouverture des canaux diplomatiques et logistiques pour être en mesure de déployer des munitions aux ATL2 sur la base aérienne concernée. De même, en fonction de l’évolution du conflit, il se peut que, d’ici quelques mois, des actions de déminage soient nécessaires en mer Noire ou en Méditerranée. Dans cette perspective, N3 s’assure dès maintenant avec la cellule N5 que les chasseurs de mines ou les groupes de plongeurs-démineurs (GPD) disposent de suffisamment de potentiel opérationnel pour pouvoir être déployés si et lorsque cela sera nécessaire.
Le bureau « conduite » de l’EMO est également à la croisée des chemins des opérations. Pour accomplir sa mission d’information des hautes autorités de la Marine, il est en permanence en contact avec les contrôleurs opérationnels des différents théâtres et avec le CPCO. Il conseille ce dernier dans sa prise de décisions et peut lui suggérer l’emploi d’une solution Marine auquel il n’aurait pas pensé pour traiter un objectif.
Les états-majors opérationnels sont structurés en 10 bureaux, chacun en charge d’une tâche définie. Ils commencent par la lettre J ou la lettre N. J signifie joint et désigne un état-major interarmées. N signifie navy et désigne un état-major consacré aux opérations navales.
N ou J 1 : effectifs, ressources humaines
N ou J 2 : renseignement
N ou J 3 : conduite des opérations
N ou J 4 : logistique opérationnelle
N ou J 5 : planification
N ou J 6 : transmissions
N ou J 7 : exercices et retours d’expériences
N ou J 8 : finances, budget
N ou J 9 : actions civilo-militaires
N ou J 10 : cyberdéfense

Témoignage
CF Thomas, chef du bureau J3 du COM TOULON
Je suis à la tête du bureau conduite des opérations, plus communément appelé J3, du COM Toulon. Le J pour « joint » car notre périmètre d’opérations est interarmées, comme ce fut par exemple le cas lors de l’opération Amitié au profit du Liban. Notre zone de responsabilité géographique s’étend de la Méditerranée occidentale à la Méditerranée orientale et comprend également la mer Noire. Pour chaque mission, le principe est relativement similaire : le CPCO nous fixe un cadre « mission, objectifs et moyens ». Nous assurons ensuite le contrôle opérationnel des moyens pour cette mission.
Au bureau J3, composé d’une trentaine de marins, nous agrégeons des compétences multiples des différents domaines de lutte afin d’être capables de conseiller et de cadrer l’emploi de nos unités opérant dans les différents milieux face à tous les types de menaces : lutte sous la mer, lutte au-dessus de la surface, lutte antiaérienne, opérations côtières, en lien avec l’action de l’État en mer (AEM), cyberdéfense... Ici on pense, on vit Méditerranée tous les jours de l’année : nous sommes garants du temps long. Cela nous permet, en s’appuyant sur l’expertise de chacun et sur le recul lié à notre connaissance d’ensemble de la zone et de ses acteurs, d’orienter, de renseigner les unités déployées et de proposer au CPCO des analyses sur ce que nos unités observent : c’est l’expertise de théâtre.
Le COM Toulon est armé 24 heures sur 24 par un officier de permanence et trois marins qui assurent la veille dans « la cuve », surnom donné à notre salle de suivi des opérations en cours.
Depuis le début du conflit en Ukraine, le volume de l’activité opérationnelle en Méditerranée a augmenté et notre volume de travail également ! Nous avons notamment été renforcés par deux stagiaires de l’École de guerre. Ils contribuent à la réflexion du bureau J3 pour proposer des options afin de durer dans la crise actuelle.
Très concrètement, lorsque le CPCO a décidé de basculer le groupe aéronaval (GAN) de sa mission en Méditerranée orientale d’appui à la lutte contre les groupes terroristes au Levant à une mission en Méditerranée centrale pour soutenir les opérations interalliées de renfort de la posture dissuasive de l’Otan sur son flanc Est, il nous a fallu augmenter la cadence. En lien avec l’état-major du GAN, une boucle de travail consistant à concevoir, planifier, faire valider par le CPCO, préparer et enfin conduire les opérations, a été réalisée en un temps réduit par les équipes. C’est le rôle du contrôleur opérationnel. Il est capable d’élaborer des plans pour adapter l’emploi des moyens dont il dispose dans sa zone. Avoir un outil comme le GAN, capable d’effectuer une bascule de mission de façon rapide quand les circonstances l’exigent, constitue un réel avantage dans la conduite des opérations.
Aujourd’hui, les Rafale Marine et les avions de guet aérien Hawkeye du GAN patrouillent tour les jours au-dessus de la Bulgarie et de la Roumanie pour assurer la protection du ciel au profit de l’Otan. Les Rafale Marine volent également au-dessus de la Bosnie-Herzégovine pour soutenir l’opération européenne Althea et les unités du GAN sont en patrouille de la mer Ionienne à la Méditerranée orientale.
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