Interview - Florence Parly, Ministre des Armées

Fonds -marins : La compétition sous la mer

Florence Parly, ministre des Armées © ECPAD

Florence Parly, ministre des Armées

COLS BLEUS : Pourquoi la France se dote-t-elle d’une stratégie de maîtrise des fonds marins ?

FLORENCE PARLY : Parce que nous en avons besoin ! Nous remarquons de plus en plus d’activités dans les grandes profondeurs, activités qui ne sont pas toujours bien intentionnées. Les fonds marins recèlent des enjeux importants comme les câbles de communications, les ressources et aussi la liberté d’action de nos forces. Nous devons donc être capables de mieux les connaître et de surveiller ce qu’il s’y passe et y agir si besoin. La Marine nationale porte déjà une compétence reconnue au fond des mers, comme en témoignent notre force de guerre des mines, l’action de notre Service hydrographique et océanographique ou encore l’expertise de la Cephismer. Je veux désormais donner aux marins les moyens de porter une ambition relevée. De manière générale, la France investit dans les nouveaux espaces communs que sont l’espace exo-atmosphérique, le cyberespace et l’espace maritime qui s’étend aujourd’hui jusqu’aux grandes profondeurs. Ce sont des espaces propices aux actions hybrides. Nous investissons pour ne pas être en retard dans dix, vingt ou trente ans.

C.B. : Quelles menaces spécifiques pèsent sur cet espace ?

F. P. : Concrètement, nous devons protéger ce qui nous appartient pour garantir notre souveraineté. Je ne peux accepter que certains compétiteurs agissent de manière unilatérale à la frontière du droit international. Demain, si plusieurs câbles de communication qui traversent l’Atlantique étaient endommagés, une grande partie de l’internet européen serait ralentie ou hors d’usage. Un autre risque consiste à se faire doubler dans la recherche d’un objet en particulier si jamais nous n’avons pas les bons équipements. Les récents crashs de F35 britannique et américain illustrent bien cet enjeu : plusieurs pays suivent de très près les recherches, même si ce n’est pas leur avion.

C. B. : Comment y garantir notre liberté d’action en étendant la maîtrise de l’espace maritime aux fonds marins ?

F. P. : La Marine nationale a toujours été pionnière dans l’exploration des fonds marins. Mais nous devons aujourd’hui aller plus loin, c’est tout l’objet de la stratégie de maîtrise des fonds marins que j’ai voulu ambitieuse et cohérente. Tout d’abord, la nouvelle génération de matériels de guerre des mines, dans le cadre du programme SLAMF, sera livrée à partir de 2023, c’est une excellente nouvelle. Ensuite, nous attendons avec impatience la modernisation de nos capacités hydrographiques et océanographiques (CHOF), qui nous permettra de mieux connaître les fonds marins dans leur ensemble. Enfin, et c’est un point clé de notre stratégie, nous allons sans attendre acquérir des robots et des drones capables d’atteindre les 6 000 mètres de profondeur. Aujourd’hui, la Marine peut aller jusqu’à 2 000 mètres avec ses propres moyens, nous devons aller plus profond. J’en profite pour féliciter la Marine pour la récente démonstration qui a vu un officier de Marine atteindre 2 152 mètres de profondeur. Des opérations à des immersions à 4 chiffres vont donc se renouveler de plus en plus fréquemment. 

 


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