Auschwitz-Birkenau : 80 ans après sa Libération, un symbole de mémoire et d’histoire

Le 27 janvier 1945, les troupes soviétiques pénètrent dans Auschwitz-Birkenau, découvrant l’horreur du plus grand camp de concentration et d’extermination nazi. Aujourd’hui, alors que les derniers témoins directs disparaissent, la transmission de cette mémoire devient un enjeu majeur.

Des soldats soviétiques soutiennent des survivants. © Olga Vsevolodovna Ignatovitsj, Public domain.

L’horreur révélée au monde : la Libération d’Auschwitz

Source : Conseil scientifique et d’orientation de la Mission Libération

Le 27 janvier 1945, les Soviétiques pénètrent dans Auschwitz. Ils libèrent quelques 7000 détenus malades et mourants, laissés à l’abandon lors des marches de la mort, et découvrent l’ampleur du crime nazi. Avant cette date, 1,3 million de victimes ont été acheminées de tout le continent européen vers Auschwitz. 1,1 million d’entre elles y sont mortes, en majorité juives, mais aussi Roms, résistants polonais, français et d’autres nationalités, prisonniers de guerre soviétiques… Ces chiffres font d’Auschwitz le plus important des camps de concentration et le plus meurtrier des centres de mise à mort de la « solution finale ». Auschwitz-Birkenau s’est imposé au cœur des représentations du système concentrationnaire allemand et de l’assassinat des Juifs d’Europe, jusqu’à en devenir le symbole, voire la métonymie.

Au camp d'Auschwitz-Birkenau

1,3 M

de déportés

1,1 M

de morts

90%

de Juifs

La date du 27 janvier est devenue en 2005, par résolution des Nations Unies, la Journée Internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste. En France, elle est aussi nommée Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité.

Le 80ème anniversaire de la Libération d’Auschwitz-Birkenau est sans doute le dernier auquel pourront encore être associés des témoins directs, survivants de la Shoah et rescapés d’Auschwitz. Il marque un moment charnière dans la transmission de la mémoire de la Shoah.

Auschwitz-Birkenau est un site singulier dans l’exécution des politiques nazies de répression et d’anéantissement des Juifs déportés de toute l’Europe. De France, 69 000 Juifs, hommes, femmes et enfants y ont été déportés, sans retour pour une immense majorité d’entre eux. Transformé en 1947 par l’État polonais en un musée dédié à la mémoire des victimes, le site occupe aujourd’hui une place centrale tant d’un point de vue historique que mémoriel.

La singularité d’Auschwitz-Birkenau dans la « solution finale » et le système concentrationnaire nazi

Déportés derrière les barbelés, libération d'Auschwitz, 27 janvier 1945 © Bilderwelt/Roger-Viollet

Auschwitz-Birkenau est un complexe sans équivalent dans l’Europe nazie. S’étalant sur plus de deux cents hectares et arrimé aux localités d'Oświęcim et de Brzezinka (respectivement Auschwitz et Birkenau en allemand), le site ne cesse de s’agrandir entre le printemps 1940, date de l’ouverture d’un camp de concentration pour réprimer la population polonaise (Auschwitz I), et la toute fin de l’année 1944, date à laquelle les nazis organisent la destruction des crématoires et d’une partie des archives du site devant l’avancée des Soviétiques.

Le deuxième camp, Auschwitz II Birkenau, est ouvert au printemps 1942 et devient l’épicentre de la « solution finale ». À partir du printemps 1942, quatre installations de mise à mort pour les Juifs d’Europe y furent construites : on les connaît sous le nom de « bunkers » ou bien de « crématoires ». Il s’agit de bâtiments en partie souterrains, qui comprennent des salles de déshabillage, les chambres à gaz et, au niveau du sol, les crématoires construits par l’entreprise d’ingénierie Topf et fils d’Erfurt. Ces crématoires symbolisent l’industrialisation de la mise à mort.

Le Président E.Macron à Auschwitz-Birkenau © S.de la Moissonniere / Présidence de la République

À l’automne 1943, Auschwitz III Monowitz est conçu pour alimenter en main d’œuvre esclave l’usine de caoutchouc Buna. Il s’agit du camp décrit par l’écrivain Primo Levi. S’ajoutent plus de quarante camps annexes couplés à des usines ou des mines. L’étendue des sites de détention et leur division apparente en trois camps différents est pourtant trompeuse. Les trois camps participent du même ensemble et les prisonniers peuvent y être déplacés au gré des besoins.

Dans leur immense majorité, les victimes d’Auschwitz ne sont jamais rentrées dans le camp. Entre 700 000 et 900 000 Juifs furent en effet assassinés dans un ensemble de chambres à gaz immédiatement à leur arrivée. Le complexe d’Auschwitz-Birkenau comprend un centre de mise à mort, c’est-à-dire une structure extra-concentrationnaire ayant pour finalité l’assassinat des Juifs d’Europe.

+ 700k

Juifs tués en chambres à gaz dès l'arrivée

100 000

meurent de faim, de maladie, d'épuisement

Environ 200 000 sont sélectionnés pour entrer au camp et y être soumis à la déshumanisation et aux travaux forcés. Environ 100 000 meurent de faim, de maladie, d’épuisement et de mauvais traitements, ou, souvent, sélectionnés à leur tour pour les chambres à gaz, portant le total de Juifs assassinés à Auschwitz à plus d’un million.

Près de 23.000 Tsiganes furent déportés à Birkenau, mais, à la différence des Juifs, ils entraient tous dans le camp et étaient donc immatriculés. Plus de 18.000 y moururent, pour l’essentiel de typhus ou de tuberculose. Le 2 août 1944, le camp des Tsiganes fut liquidé : plus de 3000 hommes, femmes et enfants furent gazés.

La sélection, qui fait donc entrer les Juifs dans le système concentrationnaire, est une des singularités d’Auschwitz, une forme d’ « anomalie » dans le processus de destruction des Juifs d’Europe. En effet, moins de 5% des victimes de la Shoah ont connu l’expérience concentrationnaire.

« Que celui qui trouvera ce document sache qu’il est en possession d’un important matériel historique »

Ecrit de Zalmen Gradowski avant d’être exécuté à Auschwitz en octobre 1944

Assassinées par les groupes mobiles de tuerie dans les territoires d’Europe orientale – ce qu’on appelle aujourd’hui « la Shoah par balles » étudiée en détail par le père Patrick Desbois-, enfermées dans des ghettos puis acheminées directement vers les centres de mise à mort, une majorité d’entre elles sont tuées hors de tout contact avec l’univers concentrationnaire. Longtemps, la Solution finale fut assimilée au couple chambre à gaz-fours crématoires et principalement associée à Auschwitz. La mise en lumière de l’ampleur de la Shoah par balles arrive tardivement, en raison d’un accès longtemps impossible aux archives soviétiques et marque un changement de paradigme.

C’est à un Français, le père Desbois, et à son association, Yahad-in-Unum, que l’on doit, la documentation -témoignages et archives à l’appui – de cette découverte.

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Le complexe d’Auschwitz a été le seul lieu de concentration où les détenus ont été immatriculés, leur matricule sur l’avant-bras étant devenu indissociable de la figure du déporté.

Auschwitz est devenu le lieu de mémoire principal de la répression et de la persécution nazie, d’où sont parvenus le plus grand nombre de récits relatant l’enfer concentrationnaire et, à l’instar de ceux des Sonderkommandos, détenus chargés de la crémation des corps, témoignant du processus de mise à mort.

« Que celui qui trouvera ce document sache qu’il est en possession d’un important matériel historique » écrit Zalmen Gradowski en exergue d’un manifeste qu’il enfouit à Auschwitz avant d’être exécuté en octobre 1944 à l’issue de la révolte des Sonderkommados. « Souviens-toi, n’oublie jamais », la transmission contre les négationnismes et l’oubli sont devenus les maîtres mots des commémorations de la Shoah et de la Libération d’Auschwitz-Birkenau.

Les déportés de France à Auschwitz

Le Président E.Macron au Memorial de la Shoah © Laurent Blevennec / Présidence de la République

Les déportations vers les camps du IIIe Reich, organisées depuis la France par les nazis et le régime de Vichy sont de deux types : « de répression » visant des résistants, opposants politiques, pour ce qu’ils font et « de persécution » s’abattant essentiellement sur les Juifs pour ce qu’ils sont.

Après leur exclusion de la société et leur recensement systématique, selon le chiffre établi par Serge Klarsfeld, 76 000 Juifs de France, hommes, femmes et enfants sont arrêtés dans tout le territoire à l’occasion de grandes rafles, et déportés. 69 000 d’entre eux, soit 90%, sont acheminés vers Auschwitz-Birkenau entre mars 1942 et août 1944, pour la plupart au départ du camp d’internement de Drancy, d’abord via la gare du Bourget puis via la gare de Bobigny. Les déportés du Nord et du Pas-de-Calais, départements occupés et rattachés au commandement militaire allemand de Belgique, sont convoyés à Auschwitz via la ville de Malines en Belgique.

Trois convois de déportés politiques, composés principalement de résistants, sont également partis de Compiègne à destination d’Auschwitz les 6 juillet 1942, 24 janvier 1943 et 27 avril 1944. Sur 3 060 déportés, 969 ont survécu.

Pierre, enfant parisien, se souvient de la rafle de son ami Jacob

Le convoi du 24 janvier 1943, composé uniquement de femmes françaises résistantes déportées à Auschwitz, fait office d’exception. Parmi elles, se trouvent de grandes figures de la Résistance : Danielle Casanova, qui meurt du typhus au camp ; Marie-Claude Vaillant-Couturier qui, appelée à témoigner du sort des femmes résistantes à Ravensbrück et des expérimentations médicales, décide de commencer son propos par l’évocation des chambres à gaz et des crématoires d’Auschwitz ; ou Charlotte Delbo qui raconte dans Auschwitz et après son expérience de déportation et les difficultés qu’elle et ses camarades survivants connaissent à leur retour. Sur 230 femmes parties de Compiègne, seules 49 reviennent. Le futur Mémorial des femmes dans la Résistance et la déportation verra le jour au Fort de Romainville, sur le territoire de la commune des Lilas, avec le soutien de l’Etat. C’est dans ce fort que furent enfermées la grande majorité des résistantes déportées de France.

À la fin de la guerre, moins de 4000 déportés juifs de France reviennent des camps, soit à peine 5%.

Les témoignages des rescapés sont d’une grande richesse pour la connaissance historique, la transmission mémorielle et pour le combat contre les négationnismes. Outre les témoignages littéraires de Charlotte Delbo, Primo Levi, Elie Wiesel ou Simone Veil, les dessins du peintre et sculpteur français David Olère sont précieux. Rescapé des Sonderkommandos, il survit aux marches de la mort et n’est libéré du camp de Mauthausen qu’en mai 1945. Dès lors, son œuvre graphique devient son témoignage et un moyen de supporter l’horreur vécue. Ses plans des crématoires, dessins des scènes de sélection et de gazage, constituent autant de preuves.

« Nous ne cèderons rien face à l’antisémitisme sous toutes ses formes. »

Président Emmanuel Macron

  • Auschwitz-Birkenau, Pologne

Faire passer le message « plus jamais ça », est ce qui anime encore aujourd’hui les derniers rescapés. Ils témoignent inlassablement, notamment devant des classes, à l’instar d’Esther Senot, déportée par le convoi 59 du 2 septembre 1943, ou encore de Ginette Kolinka, déportée par le convoi 71 du 13 avril 1944 avec Simone Veil, Marceline Loridan-Ivens et les enfants d’Izieu.

Henri Borlant, déporté à l’âge de 15 ans avec son père, son frère et sa sœur, revenu seul de déportation, est décédé le 3 décembre 2024. Il était également le seul des six mille enfants juifs de France de moins 16 ans à avoir survécu à Auschwitz. Demeurent les témoignages audiovisuels qu’il a donnés et recueillis auprès de ses camarades à partir des années 1990, ainsi qu’un livre : Merci d’avoir survécu.

Le Président E.Macron au Memorial de la Shoah © S.de la Moissonniere / Présidence de la République

Les travaux de Serge et Beate Klarsfeld, menés dès les années 1970 à partir des listes de convois, ont permis de dresser la liste des 76 000 déportés juifs de France. Depuis 2005 et l’inauguration par le Président Jacques Chirac et Simone Veil, leurs noms figurent gravés sur le Mur des Noms du Mémorial de la Shoah à Paris. Le Président Emmanuel Macron a inauguré le Mur rénové dans le cadre du 75ème anniversaire de la Libération d’Auschwitz-Birkenau.

Il s’est rendu, à l’occasion du 80e anniversaire de la découverte du camp d’Auschwitz- Birkenau, à la cérémonie internationale organisée par la Pologne et au Mémorial de la Shoah, où il a appelé à ne rien céder face à l’antisémitisme : « Nous ne cèderons rien face à l’antisémitisme sous toutes ses formes ».

© Laurent Blevennec / Présidence de la République

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