La fondation du Conseil national de la Résistance (CNR) racontée par Claire Andrieu

La création du conseil national de la Résistance (CNR) marque à la fois l’unification de la Résistance intérieure et l’unification de celle-ci avec la Résistance extérieure. Mais elle ouvre aussi la voie à la réunion des Français dans la Résistance.

Auteur : Claire Andrieu

Télégramme du 29 mai 1943 © Archives nationales cote AG/3(2)/400

Le Conseil national de la Résistance s’est réuni pour la première fois le 27 mai 1943. Symbole de l’union nationale constituée dans la clandestinité, « embryon d’une représentation nationale réduite  », le CNR ne disposait évidemment pas d’un lieu de réunion attitré. C’est dans une pièce d’un appartement du 6° arrondissement de Paris (48, rue du Four), qu’il tint sa première séance -image d’une représentation nationale chassée de ses lieux naturels et réduite à siéger comme une conspiration dans un local privé.

« Ce n’est pas sans difficultés que je suis parvenu à constituer et à réunir le Conseil de la Résistance »

Rex, alias Jean Moulin

« Ce n’est pas sans difficultés que je suis parvenu à constituer et à réunir le Conseil de la Résistance », écrit Rex, alias Jean Moulin, dans son rapport du 4 juin adressé à André Philip, commissaire à l’Intérieur du Comité National Français. Il poursuit : « Je passe sur les difficultés matérielles d’une réunion de dix-sept membres recherchés ou au moins surveillés par la police et la Gestapo. J’ai la satisfaction de pouvoir vous dire que non seulement tous les membres étaient présents à la réunion, mais celle-ci s’est déroulée dans une atmosphère patriotique et de dignité que je me dois de souligner.»

Dans cette petite salle-à-manger, Jean Moulin fait une déclaration préliminaire sur les intentions du général de Gaulle :

  1. Faire la guerre ;
  2. Rendre la parole au peuple français ;
  3. Rétablir les libertés républicaines dans un État d’où la justice sociale ne sera point exclue […] ;
  4. Travailler avec les Alliés à l’établissement d’une collaboration internationale réelle […] .

Puis le président du Conseil de la Résistance lit un message du chef du Comité National Français qualifiant la réunion « d’événement capital ». Georges Bidault lit à son tour une motion dont le texte avait été établi avec Jean Moulin, et par laquelle le CNR salue dans le général de Gaulle « l’âme de la Résistance » et le chef d’un gouvernement provisoire à former.

Une discussion s’élève : les communistes hésitent à choisir entre de Gaulle et le général Giraud, qui a été nommé par les Alliés à la tête de l’Algérie libérée. Le ton monte et Jean Moulin doit demander aux participants de parler plus bas. Les opposants acceptent finalement que la motion place Giraud sous l’autorité de De Gaulle, en nommant l’un commandant en chef des armées et l’autre chef du gouvernement provisoire. Par la création du CNR, la jonction - déjà réalisée dans la pratique - entre la Résistance intérieure et la Résistance extérieure devient organique.

Télégramme du 29 mai 1943 annonçant la première réunion du CNR

Il est à noter que la date de réunion du Conseil national de la Résistance mentionnée sur le télégramme est le 25 mai alors que la réunion s’est effectivement tenue le 27 mai 1943. Elle a été décalée de deux jours au dernier moment par Jean Moulin, car l’un des participants ne pouvait pas être présent le 25. La rédaction et le codage du télégramme avaient cependant déjà été réalisés. Le 27 mai a été institué comme « Journée nationale de la Résistance » en 2013.

Télégramme du 29 mai 1943 © Archives nationales cote AG/3(2)/400

Auteur : Jean Moulin (Rex)

Source : document cité par Sébastien Albertelli dans Les Services secrets de la France libre. Le bras armé du général de Gaulle, Paris, Nouveau monde éditions, 2012, p. 274.

Archives nationales cote AG/3(2)/400.

Source

La nouvelle de la formation du CNR et du soutien unanime qu’il apporte à de Gaulle est aussitôt connue dans le monde libre. Elle est diffusée par le Times et le New York Times. L’évènement achève de convaincre les Alliés de laisser le chef du Comité National Français venir à Alger pour prendre la direction du gouvernement de libération.

Le Comité français de la Libération nationale (CFLN) est constitué le 3 juin, sous la coprésidence de De Gaulle et Giraud. A compter de novembre 1943, de Gaulle exerce seul la présidence. Au printemps 1944, il achève d’assurer la représentativité nationale du CFLN en y intégrant deux élus communistes. A la veille de la libération du territoire métropolitain, le 3 juin 1944, le CFLN prend légitimement le nom de GPRF, Gouvernement provisoire de la République française.

Qui sont-ils?

Par sa composition, le CNR représente l’ensemble des familles politiques. Seule l’extrême droite n’y est pas représentée en tant que telle, en raison de sa proximité avec le gouvernement de Vichy. Les mouvements de résistance comptent néanmoins de nombreux membres issus de l’extrême droite.

Outre Jean Moulin qui préside la séance, les membres du CNR qui participent à la réunion constitutive du 27 mai 1943 sont les suivants.

Les représentants des huit grands mouvements de Résistance :

  • Claude Bourdet pour Combat,
  • Eugène Claudius-Petit pour Franc-Tireur,
  • Pascal Copeau pour Libération-Sud,
  • Pierre Villon pour le Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France créé par le Parti communiste français (PCF),
  • Roger Coquoin pour Ceux de la Libération,
  • Jacques Lecompte-Boinet pour Ceux de la Résistance, 
  • Jacques-Henri Simon pour Organisation civile et militaire,
  • Charles Laurent pour Libération-Nord ;

Les représentants des deux grands syndicats d'avant-guerre :

  • Louis Saillant pour la Confédération générale du travail (CGT),
  • Gaston Tessier pour la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ;

Les représentants des six principaux partis politiques de la Troisième République :

  • André Mercier pour le PCF,
  • André Le Troquer pour le Parti socialiste, Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO),
  • Marc Rucart pour le Parti radical et radical-socialiste (Centre laïque),
  • Georges Bidault pour le Parti démocrate populaire (Centre catholique)
  • Joseph Laniel pour l’Alliance démocratique (droite modérée et laïque),
  • Jacques Debû-Bridel pour la Fédération républicaine (droite conservatrice et catholique).

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