Libération de Colmar : la fin de la campagne d’Alsace

En février 1945, après de durs combats, Colmar est libérée par la Ière Armée française du général de Lattre de Tassigny, soutenue par les Alliés. Dernier bastion nazi en Alsace, la ville était un verrou stratégique. Malgré le froid glacial et une résistance acharnée, les troupes françaises remportent une victoire décisive.

Un épisode qui vous est expliqué par les historiens du conseil scientifique de la Mission Libération.

Le général de Lattre de Tassigny célébrant la libération de la poche de Colmar.

Source : Conseil scientifique et d’orientation de la Mission Libération

Dans le cadre des plans du Supreme Headquarters Allied Expeditionnary Force assignant le bassin industriel de la Ruhr comme objectif final à l’offensive alliée en Europe de l’Ouest, atteindre le Rhin devient la tâche essentielle des planificateurs alliés. Après avoir échoué à contrôler l’embouchure de ce fleuve lors de l’opération Market Garden à l’automne 1944, les Alliés passent à l’offensive donc à la mi-novembre 1944 à travers les Vosges. Les troupes françaises se retrouvent ainsi au cœur de la progression alliée.

La 2e DB du général Leclerc (affectée à la 7ème armée US) s’empare des cols des Vosges du nord et libère Strasbourg le 23 novembre 1944. Plus nombreuse, la 1ere armée sous les ordres du général de Lattre de Tassigny s’élance quant à elle depuis la trouée de Belfort dans deux directions vers Gérardmer (Vosges) et Mulhouse (Haut-Rhin), villes toutes deux libérées le 20 novembre 1933.

La 2e DB en Basse-Alsace et la 1ere armée française en Haute-Alsace reçoivent l’ordre d’opérer une jonction à Colmar. La supériorité alliée en hommes, en armes, en matériels et en carburant est telle que les plans prévoient une libération complète de l’Alsace et une pénétration alliée en Allemagne avant Noël 1944. Pourtant, encerclés dans la partie centrale de la plaine d’Alsace au centre de laquelle se trouve Colmar (d’où le nom de « poche de Colmar »), les soldats allemands tiennent deux mois supplémentaires.

Progression d’infanterie dans la poche de Colmar.

La capacité des unités de la 19 Armee allemande à tenir face à l’offensive alliée s’explique par plusieurs facteurs :

  • Leur renforcement après un repli en bon ordre : malgré les succès alliés, les Allemands sous le commandement du général Rasp sont parvenus non seulement à se fortifier dans Colmar mais à se renforcer de divers éléments (unités issues des deux divisions SS Gross Deutschland et Reichsführer SS, deux brigades de panzers, présence d’unités de la Luftwaffe enfin reconstituée qui fournissent un important appui -feu aérien).

 

  • L’importance stratégique donnée aux combats d’Alsace par le régime nazi finissant :  pour montrer que l’armée allemande est prête à tout pour se battre pour la défense du sang allemand, Heinrich Himmler prend le commandement des unités allemandes en Alsace et sur le Rhin (il s’agit du premier commandement opérationnel du chef de la SS). Une répression très dure est mise en place contre les populations civiles du Haut-Rhin qui sont contraintes de participer aux travaux de fortifications de Colmar, ville considérée comme terre du Reich à part entière, et au minage des villages et des fermes des alentours.

 

  • Une radicalisation de la violence nazie qui retarde le délitement de la machine de guerre allemande : dominée par l’idée de « Victoire finale », l’incitation à davantage de combativité fonctionne à plein chez les soldats allemands repliés dans Colmar. Est profondément ancrée dans les rangs allemands l’idée que gagner la « guerre défensive » pour protéger « la communauté du peuple » de l’ « ennemi judéo-bolchevique » est un enjeu vital pour le peuple allemand.

 

  • La contre-offensive allemande lancée dans les Ardennes le 16 décembre 1944 (opérations Nordwind et Wacht am Rhein) empêche la concentration des efforts alliés sur Colmar : Elle permet en effet aux forces nazies d’atteindre Haguenau (Bas-Rhin) par la Moselle et même de franchir le Rhin dans les faubourgs nord de Strasbourg. La garnison allemande de Colmar raidit encore davantage sa résistance en pensant que des unités du Reich viennent à leur secours. Se retirer des zones libérées de l’Alsace devient alors une éventualité pour Eisenhower qui prévoit de replier les troupes alliées sur les Vosges pour raccourcir un front subitement devenu trop large et ne pas compromettre l’entrée rapide des Alliés en Allemagne. Dans cette logique, le général américain Devers à la tête de la 7e armée US annonce le 1er janvier 1945 que les troupes américaines devront se replier sur les crêtes des Vosges au 5 janvier. Face au risque d’un retour des Allemands à Strasbourg, le général de Gaulle ordonne donc à la 1ère armée française de défendre Strasbourg coûte que coûte. Alors qu’il n’est qu’à 8 km de Colmar, de Lattre renonce donc à prendre la préfecture du Haut-Rhin pour protéger la capitale alsacienne. Moins connus que la libération de la ville le 23 novembre, les combats pour protéger Strasbourg sont très éprouvants :  la 1ere division française libre (DFL) et la 2e division d’infanterie nord-africaine) subissent de lourdes pertes dans leurs rangs dans les faubourgs de la capitale alsacienne.

À l’occasion du 80ᵉ anniversaire de la Libération de Colmar, la Mission Libération organise une grande cérémonie commémorative qui se tiendra dans la ville.

Découvrez le programme détaillé dès maintenant pour suivre cet hommage aux combattants d’hier.

Cérémonie de la Libération de Colmar : le programme

La menace nazie sur Strasbourg étant repoussée le 20 janvier 1945 (une offensive soviétique pour franchir l’Oder et la Neisse du 20 janvier au 12 février 1945 conduit les forces nazies à se replier pour se redéployer à l’Est de l’Allemagne), garder l’Alsace et prendre Colmar deviennent un impératif de crédibilité pour le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF).

Au-delà de l’objectif patriotique que représente l’Alsace depuis 1870, une victoire française à Colmar constitue pour la République française un atout diplomatique pour obtenir une zone d’occupation française en Allemagne et renforcer la position française au sein du nouveau système international en train de se mettre en place (lac conférence de Dumbarton Oaks s’est terminée quelques semaines plus tôt mais aucune délégation française n’est conviée à la conférence de Yalta prévue pour le 4 février 1945).

Pour prendre Colmar, la 1ère armée du général de Lattre est renforcée : la 2e DB de Leclerc lui est affectée et 30 unités et bataillons FFI venus de toute la France métropolitaine la rejoignent.

Les soldats français dans la poche de Colmar

400 000

soldats

4 800

morts

18 000

blessés, disparus ou prisonniers

De Lattre dispose donc de 400 000 hommes face aux 100 000 Allemands retranchés dans Colmar.

Cependant les unités françaises n’entament pas les combats pour réduire la poche de Colmar dans les meilleures conditions du fait de conditions météorologiques dramatiques. La neige réduit la visibilité et interdit aux chars d'appuyer l'infanterie. La température descendant bientôt à -20°, les chars et l'artillerie deviennent inopérants, les munitions et le ravitaillement n'arrivent plus, où les défenseurs allemands ont eu le temps de miner les zones encore sèches alors même que les villages de la plaine sont inondés du fait des cours d’eaux qui débordent entre l’Ill et le canal de Colmar.

Découvrez comment les Alliés ont libéré la poche de Colmar en surmontant la bataille de Jebsheim

Pendant que les Américains percent vers Neuf Brisach, les Français depuis Ribeauvillé et Sélestat au Nord et depuis Thann et Cernay au Sud. Face à la difficulté d’encercler la poche dans son ensemble (au nord, le canal de Colmar n’est atteint que 28 janvier et au sud, les unités du général Béthouart piétinent dans la forêt de Nonnenbruck), de Lattre décide de frapper son cœur en fonçant sur la ville de Colmar.

Pour réussir, il demande des renforts américains et obtient – décision inédite – le rattachement du 21e corps d’armée américain à son commandement.  Le 2 février, les premiers blindés français du colonel Schlesser (5e division blindée) pénètrent les premiers dans Colmar, où l'ennemi oppose encore une vive résistance. Le 3 février, les bataillons de choc et les parachutistes du 1er régiment de chasseurs parachutistes (RCP) sécurisent la ville.

Le 4 février la ville est prise : à titre symbolique, sur ordre du général de Lattre, le 152e régiment d'infanterie réintègre Colmar, sa ville de garnison entre 1919 et 1939. Le 8 février, les libérateurs font leur entrée solennelle dans la ville lors d'une grande prise d'armes place Rapp où la municipalité de Colmar offre à la 1ere armée le privilège de porter les armes de la ville sur son insigne.

Conscient que la bataille est perdue, le haut commandement allemand évacue le reste de ses unités sur la rive est du Rhin, à partir de laquelle il continue, quelques jours encore, à pilonner la ville. Le 9 février 1945, les arrière-gardes de la Wehrmacht font sauter le pont de Chalampé : l’Alsace est définitivement libérée.

Découvrez d'autres travaux des historiens du Conseil scientifique de la Mission Libération

Regards d'historiens sur la Libération

Les combats pour la poche et la ville de Colmar ont coûté 4 800 tués et 18 000 blessés, disparus ou prisonniers dans les rangs de la 1ere armée française (à titre de comparaison, rappelons que la campagne d’Alsace aura coûté, entre novembre 1944 et février 1945, 6 022 tués, 26 300 blessés, disparus et prisonniers).

Pour aller plus loin

  • La dimension franco-américaine : le 28 janvier 1945, le 2e corps d’armée du général de Montsabert est renforcé à compter du 28 janvier par le 21e corps d’armée américain (général Milburn) que Devers a placé dans sa totalité sous les ordres de De Lattre. Cette confiance se renforce au cœur des combats : le 2 février vers 7 heures du matin, les combattants du 109e régiment d’infanterie US (28e division d’infanterie) atteignent les lisières de Colmar. Leur chef, le colonel Rudder, ordonne à ses hommes de stopper leur action pour laisser le soin aux Français du combat command 4 (5e DB) du colonel Schlesser de pénétrer les premiers dans Colmar.
  • L’importance des forces spéciales :  S’illustrant dans les combats de Jebsheim (Haut-Rhin) du 25 au 28 janvier 1945, le 1er RCP est l’unité qui connaît le plus fort taux de pertes. Jebsheim est la ville marraine de l’actuel 1er RCP basé à Pamiers (Ariège).
  • L’importance de Colmar dans l’identité combattante de la 1ere armée et dans sa mémoire : en avril 1945, la 1ere armée française devient l’armée « Rhin et Danube ». Le général de Lattre demande à ce que les couleurs et la masse d’armes du blason de la ville de Colmar figurent sur l’insigne de son armée, le blason étant entouré de flots bleus (symbolisant le débarquement de Provence du 15 août 1944 et les deux fleuves allemands). Au -delà du fait d’armes, de Lattre met en avant la fraternité d’armes dans le feu des combats de la poche de Colmar entre unités de la France libre, de l’Armée d’Afrique et des FFI. Cet insigne demeure encore aujourd’hui le symbole des associations mémorielles de la 1ere armée et figure sur les drapeaux du souvenir.
  • Les combats d’Alsace et la relance de l’industrie de défense française : pour faire face aux besoins en armement de la campagne d’Alsace, un programme de réarmement est lancé le 30 novembre 1944 (rappelons qu’à cette date le GPRF fait ce choix alors même que l’appareil industriel français a été largement détruit par les bombardements et que l’opinion publique préfèrerait que la relance industrielle porte prioritairement sur la reconstruction et l’industrie textile). La relance des manufactures d’armes de Saint-Chamond, Châtellerault, Saint-Ouen et Limoges ainsi que la mobilisation des chaînes de production automobile épargnées par les bombardements permirent l’envoi d’armement individuel, de véhicules utilitaires et d’artillerie légère aux combattants français de la poche de Colmar.

Cérémonie des 80 ans de la Libération de Colmar

Découvrez le programme détaillé dès maintenant pour suivre cet hommage aux combattants d’hier.

Cérémonie de la Libération de Colmar : le programme