La libération du Havre

La libération du Havre par les Alliés intervient le 12 septembre 1944. Il s’agit de la dernière ville normande à être libérée. Certains ouvrages font de la libération du Havre la fin de la bataille de Normandie alors que d’autres lui donnent pour terme la fermeture de la poche de Falaise-Chambois le 21 août 1944.

Auteur : Géraud Létang

Le Havre hiver 1944-1945. © Wikipédia

Au moment où les Alliés décident d’intervenir au Havre, leurs armées poursuivent les troupes du Reich à un rythme inédit (en raison du succès du débarquement de Provence mais aussi de l’ordre d’Hitler de repli de ses unités déployées à l’Ouest pour protéger le territoire du Reich).

Septembre 1944 : Offensive alliée pour libérer Le Havre et sécuriser les ports stratégiques

Rappelons que le 12 septembre 1944 sur le front ouest-européen :

  • L’armée américaine vient d’atteindre les faubourgs sud de Metz et de libérer Vesoul.
  • Côté français, la 2ème Division Blindée qui vient de libérer Paris opère à Nod-sur-Seine (Côte d’Or) une jonction avec la 1ère Division Française Libre qui vient de libérer Lyon.
  • Les 18 000 Allemands de la Colonne Elster se rendent aux FFI à Issoudun (Indre). Les FFI ont réussi l’exploit militaire de libérer l’ensemble du val de Loire sans le concours des Alliés.
  • Les troupes du Commonwealth (Royaume-Uni et Canada) ainsi que les unités polonaises et néerlandaises, ayant en quelques jours libérer le nord de la France, ont libéré Bruxelles le 4 septembre 1944 et pénètrent dans les Flandres avec pour objectif de s’emparer du port d’Anvers (les Alliés ne parviendront à remplir totalement cet objectif que le 8 novembre 1944 et le port ne sera réouvert que le 30 novembre 1944).

Si la première quinzaine de septembre 1944 est une éclatante réussite pour les Alliés sur le plan terrestre, le contrôle des ports en eaux profondes sur les littoraux de la Mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique est un échec : hormis le Havre, les Alliés ne contrôlent au 12 septembre 1944 ni Brest (libérée le 18 septembre 1944), ni Lorient et Saint-Nazaire (libérées le 8 mai 1945), ni Boulogne-sur-Mer (libérée le 19 septembre 1944)  ni Calais (libérée le 30 septembre 1944) ni Dunkerque (libérée le 9 mai 1945). L’indisponibilité de ces ports fait peser une lourde menace sur la logistique alliée (notamment l’approvisionnement en pétrole) et a un impact sur la capacité des Britanniques et des Américains à écraser les armées allemandes alors que, suite au succès l’opération Bagration, les Soviétiques ont en quelques semaines atteint la frontière germano-polonaise et la Roumanie.

La population civile du Havre (150 000 habitants en juin 1944, 45 000 en septembre 1944 en raison du départ de nombreux Havrais) attend avec d’autant plus d’impatience sa libération que Rouen a été libérée le 30 août 1944 et Dieppe 1er septembre 1944.

Cependant, depuis le débarquement de Normandie du 6 juin 1944, la ville du Havre est en proie à de profondes divisions : les partis collaborationnistes regroupent dans la cité portuaire de plus grands nombres de militants qu’ailleurs en France métropolitaine (au point que la municipalité du Havre envoya une délégation aux obsèques de Jean Leber, Havrais et chef milicien ayant conduit péri le 26 mars 1944 lors l’assaut de la Milice contre le maquis des Glières) au point d’instrumentaliser politiquement les organes de secours aux sinistrés (antisémitisme revendiqué, dénonciation des atrocités alliées), les notabilités de la ville se sont engagées précocement dans la collaboration économique avec l’occupant et craignent des représailles une fois la Libération advenue, la Résistance locale y est en proie à de plus nombreuses divisions qu’ailleurs en Normandie. Il est donc important de nuancer la célèbre une du journal Le Havre-Matin qui, dans son édition du 13 septembre 1944, s’adressant ainsi aux Alliés : « Nous vous attendions dans la joie . nous vous accueillons dans le deuil ».

Du 5 au 9 septembre 1944, la Royal Air Force largue 5 000 tonnes de bombes sur les installations portuaires.  Le 10 septembre 1944, à 17h40, l’opération Astonia entre dans sa dernière phase :  5 000 tonnes de bombes supplémentaires sont larguées sur l’agglomération havraise (dont 1880 tonnes sur le centre historique) par 335 appareils de la Royal Air Force au moment même où, depuis le nord de la ville, l’artillerie britannique tire sur les faubourgs ouvrant la voie aux  unités britanniques qui s’élancent au milieu des champs de mines qui entourent la ville.

Le 12 septembre, au moment où les 12 000 soldats de la garnison allemande se rendent, les pertes militaires s’élèvent à 400 hommes chez les Alliés et 600 côté allemand. Les pertes civiles constituent un véritable traumatisme : plus de 2 000 Havrais sont morts en quelques heures , la ville historique est largement détruite et l’ensemble du patrimoine historique du Havre depuis sa fondation par François Ier en 1517  a disparu.

Le 12 septembre 1944

12 000

soldats de la garnison allemande.

400

pertes militaires chez les Alliés.

600

côté allemand.

Des mémoires opposées et des débats après la guerre

Les souvenirs et les mémoires des chefs militaires alliés et allemands sur ces opérations ont provoqué une polémique :

  • les Allemands au premier rang desquels colonel Wilbermuth, chef de la garnison, assurent avoir proposé dès le 4 septembre aux Britanniques de laisser partir la population civile ; ces derniers auraient repoussé la proposition afin que la présence de la population civile gênant les mouvements des unités allemandes et consommant les ressources de la ville assiégée hâte la reddition. Cet épisode a été exploité par Wilbermuth après la guerre pour se dédouaner. Or La priorité de Wildermuth était l’exécutiondes ordres du Führer : retarder l’avance alliée, et détruire le port du Havre. Ayant commis des massacres en Yougoslavie en 1942-1943, Wilbermuth fait subir au Havre une occupation très dure. Celle-ci est notamment marquée par la division de la population en personnes indispensables au camp retranché et bouches inutiles à évacuer, des opérations de représailles contre les civils (citons le cas de la commune de Montvilliers que Wilbermuth fait bombarder par l’artillerie allemande sous prétexte que les FFI refusent de livrer aux autorités allemandes trois soldats originaires d’Alsace-Moselle ayant déserté la Wehrmacht) , la destruction méticuleuse des installations portuaires du Havre pour qu’elles ne tombent pas intactes aux mains des Alliés (le port du Havre n’a donc pas été entièrement détruit par les Britanniques) et la réquisition de plusieurs abris construits par la Défense passive au bénéfice de ses propres troupes.
  • Après la guerre, certains chefs britanniques, au premier rang desquels le général John Crocker en charge de l’opération, se désolidarise de l’état-major de Montgomery et assure qu’il a tout fait pour éviter un bombardement d’une telle ampleur. Cependant, le film Table Rase (1988) qui, au prix de nombreuses exagérations, leva le voile sur le bombardement du Havre tient pour acquis que, avec le bombardement du Havre, Britanniques voulaient éliminer un grand port français capable de concurrencer les ports anglais. Cette approche complotiste ne résiste pas à la consultation des archives.

À NOTER :

La Brigade Piron composée de Belges et de Luxembourgeois joue un rôle très important dans la libération de l’arrière-pays havrais jusqu’au 29 août 1944 avant d’être transférée en Belgique pour participer à la libération de Bruxelles.

Les collectivités locales, les services de l’Etat et l’Université du Havre mènent aujourd’hui un travail de collecte et de recherche scientifique sur cet épisode pour produire une mémoire apaisée de ces évènements. Ce programme pluriannuel a été labellisé par la Mission Libération.

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