AAD 2022
Africa Aerospace and Defence (AAD), s’est déroulé sur la base aérienne Waterkloof du 21 au 25 septembre. Cette édition a fait la part belle aux industries de défense turques qui ont doublé leur présence depuis la dernière édition. Autres visiteurs internationaux en 2022, la Chine, l'Inde, le Pakistan, le Royaume-Uni et les États-Unis. La Russie et la Biélorussie comptaient également parmi les exposants. Près de 50 délégations officielles ont foulé les allées d’AAD 2022.
Les thèmes annoncés par les organisateurs pour AAD 2022 parlent d’explorer de nouvelles voies, de partager des solutions, de présenter l'innovation et les capacités liées. L'exposition est coprésidée par AMD, Armscor et CAASA, organismes soutenus par le ministère de la Défense et de sa ministre Thandi Modise.
Cette dernière a tenu à inviter les médias en avant-première du salon afin d’expliquer les attentes du gouvernement sud-africain et de ses forces, en souhaitant la bienvenue a l’ensemble des participants.
Avant de présenter les tendances et les matériels qui ont suscité l’intérêt du SITTA, il convient de préciser que les entreprises locales ont encore une fois démontré qu’elles étaient dotées de solides bureaux de recherche et de développement, conscients des difficultés économiques actuelles et qui en plus de continuer leur recherches expérimentales, à l’instar de ce qui est présenté par le groupe CISR, progressent sans relâche dans les évolutions et autres modernisations de systèmes existants. Tout cela s’ajoute aux divers partenariats qui continuent d’exister entre les groupes sud-africains et les entreprises étrangères.
L’Afrique du sud reste un des leaders incontestables du domaine des véhicules blindés
Nous pourrions ne citer que la déclaration officielle locale qui concernait le groupe OTT, désigné comme le premier producteur local de véhicules blindés, mais il faut surtout insister sur cette thématique chère au salon sud-africain, liée de très près à la production de véhicules blindés et de leurs sous-ensembles, à savoir la protection, les armements ou encore la modernisation et l’adaptabilité. La compétition est rude et force était de constater que de nombreux experts du domaine étaient présents pour proposer leurs nouveautés et leurs évolutions, à l’échelle et sous forme de maquettes.
On notera notamment la présentation du blindé de type MRAP MAATLA, proposé par le groupe Paramount et destiné aux forces de sécurité. Ce blindé, développé sur une base civile, afin de gagner en cout et en soutien, a déjà reçu deux offres pour 50 véhicules, dont une venant d’un pays africain. C’est dire l’intérêt qui lui est porté.
De même, comment ne pas mentionner le 4X4 MILKOR, proposé par le groupe du même nom. Ce blindé basé sur un châssis IVECO et pour l’un des deux exemplaires présents, doté d’un tourelleau téléopéré espagnol du groupe EM&M, semble être particulièrement compétitif.
DENEL proposait une large gamme de véhicules anciens (le RATEL par exemple) modernisés, ainsi que deux versions de son BADGER 8X8 (VBCI et antichar), mais nous nous attarderons sur la dernière évolution du RG-32M qui n’en finit plus de trouver acquéreur, avec la Suède, la Finlande, l’Irlande ou encore la Namibie.
Le groupe OTT, cité supra, propose quant à lui une évolution du M36 Mk6, dénommée 450 T-REX, plus lourd, plus imposant et plus puissant que les versions antérieures. Une version Mk7 est déjà en préparation, qui devrait susciter de nombreuses convoitises.
Ne pas oublier le groupe IPC qui présentait sa dernière évolution du REVA V, qui répond aux dernières sollicitations des utilisateurs en termes de mobilité, de protection et d’habitabilité.
Enfin, pour finir avec la partie sud-africaine, nous citerons le groupe SVI (qui a reçu le prix du plus beau stand extérieur) avec ses blindés MAX (3 et 9), basés sur le châssis du Land Cruiser, ce qui en réduit considérablement les couts.
A l’international, seules des maquettes étaient présentées, de systèmes déjà connus et pour certains éprouvés, à l’instar du KIRPI-2 du groupe turc BMC, ou encore de la collection de blindés produits par le consortium émirien Streit Group. Le groupe chinois NORINCO proposait un panel de véhicules tels le VN1 (doté semble-t-il d’une nouvelle tourelle) ou le VN22 6X6.
En lien avec ces blindés, pour beaucoup évolution et modernisation, plusieurs compagnies locales et étrangères présentaient des produits associés.
Au niveau armement, il faut citer l’entreprise EVOTEX, qui présentait deux tourelleaux téléopérés, armés d’une mitrailleuse de calibre .50 ou de pots de 40 mm. La version avec mitrailleuse était également présentée sur un blindé du groupe OTT.
Les espagnols du groupe EM&E avaient monté un tourelleau téléopéré sur le 4X4 MILKOR, pendant que DENEL propose son tourelleau SDROW (Self Defense Remotely Operated Weapon) adaptable à de nombreux blindés et autres engins terrestres.
Le groupe SHERG propose tout un panel de tourelles, à fonctionnement manuel, mais aussi électrique voire téléopéré avec sa KS-4. Cette dernière est intéressante car doté d’un « plafond » amovible entre l’opérateur et l’armement qui permet de recharger depuis l’intérieur. Cette tourelle peut être armée d’une mitrailleuse ou d’un canon allant jusqu’au 30 mm.
Coté aménagement électronique et communication, nous retiendrons le groupe local REUTECH, qui présentait de nombreux nouveaux postes de communication numériques intégrés à tout un panel de véhicules en service ou prototype.
De même, le groupe sud-africain GC2T présentait un système de commandement intégré dans un véhicule blindé 4X4, avec quatre postes de travail particulièrement conviviaux dans leur emploi et performants dans leurs capacités.
Enfin, le groupe local SME s’est spécialisé dans l’intégration de moyens d’appui technique dans les véhicules blindés, les chars et les automoteurs d’artillerie. Ces moyens peuvent être des moteurs auxiliaires, des systèmes de protection incendie ou encore des moyens de défense NRBC.
La course à l’armement de petit calibre n’est pas terminée
L’intérêt d’un salon comme AAD repose sur les applications qui pourraient servir aux forces locales, mais aussi aux forces africaines dans leur ensemble. Les armements de petit calibre ne font pas exception et force était de constater sur l’édition 2022 la présence de nombreux exposants spécialistes du domaine, locaux et étrangers. Il convient déjà de mentionner le haut niveau qualitatif et l’envie de répondre aux besoins multiples au travers notamment d’armes produites conjointement dans des calibres OTAN et « russes ».
Du coté sud-africain, on connait bien les entreprises DENEL et TRUVELO, producteurs d’armes de qualité et surtout innovante, à l’instar du fusil anti-matériel CMS 20X42 présenté par TRUVELO. Autre proposition du groupe local, le CMS 7,62 x 39 de calibre 7,62 x 39 mm (calibre « russe ») qui pourrait répondre aux besoins de nombreux pays déjà équipés de « kalashnikov ».
Coté international, il faut noter la présence des groupes spécialisés comme Barrett (Etats-Unis), Beretta (Italie) ou encore le groupe belge FN Herstal, mais il faut surtout noter la présence en force des entreprises turques avec pas moins de cinq compagnies, à savoir Aselsan, Kalekalip, Tisas, Derya, MKE et Sasa Group.
Il y allait des armes de tir sportif, d’entrainement, d’armes de poing, fusils d’assaut de tous calibres (y compris le calibre 12), mitrailleuses et autres lance-grenades. Là encore, il a été possible d’observer des armes compatibles aux calibres OTAN et « russes », un exposant turc ayant déclaré que le marché d’armes russes était vaste et qu’il fallait s’y atteler.
Le monde aérien, les drones, la lutte anti-drones et la défense anti-aérienne encore prolifiques
Même si la partie terrestre est devenue incontournable sur ce salon, AAD conserve néanmoins une prédisposition pour les matériels aériens, en plus des démonstrations aériennes.
Ainsi coté avions, les Etats-Unis présentaient plusieurs appareils sur le display tels le C-17 l’avion ravitailleur KC-46 ou encore leur drone mondialement connu MQ Reaper. Quant à l’Afrique du sud, il faut noter la présence et le vol du GRIPEN, surtout après que les accords de soutien techniques aient été validés jusqu’à 2025.
Même si l’on s’attendait à une démonstration dynamique de drones aériens, qui n’est malheureusement pas arrivée, plusieurs systèmes étaient présentés sur les stands sud-africains, comme étrangers. Parmi eux, nous noterons la présence sur les stands turcs de systèmes armés comme le KSU-01 du groupe Lentatek, le drone BAHA chez Havelsan, ou encore le TOGAN chez STM.
De même, la Turquie exposait trois versions de munitions télé-opérées à usage unique, à savoir les KARGI, KARGU et ALPAGU. Enfin, le groupe russe Rosoboronexpert exposait en boucle sur grand écran le drone ORLAN-10.
Coté Afrique du sud, plusieurs groupes présentaient leurs produits, mais nous nous attarderons sur le MILKOR 380 du groupe Milkor. Ce drone imposant entre dans la catégorie des MALE et était pour l’occasion lourdement armé. Le partenariat entre le groupe sud-africain et plusieurs pays a été démontré au travers des armements, avec la bombe guidée Al Tariq et les bombes guidées laser DesertSting-16 (EAU – Al Tariq et Edge), les roquettes guidées belges du groupe FZ/Thales, ou encore le bloc optique, produit du groupe américain L3 Harris.
Enfin pour en finir avec la partie aéronef, nous mentionnerons le pod électro-optique proposé par la joint-venture allemande Aerodata et Optimare. Ce système complet qui comprend radar, détecteur laser et moyens optique est proposé pour un montage sur des aéronefs de type PATMAR.
Venant du sol, la détection d’aéronefs et leur neutralisation ont été largement présentées par les différents exposants. Nous retiendrons notamment le groupe biélorusse LEMT qui présentait notamment son ensemble « radar de détection – optique » ZORKI, capable de détecter une cible au sol comme dans le ciel à près de 20 km. Ce système peut être couplé à des moyens de contre-mesure.
Le groupe Lituanien Altimus-Tech propose tout un panel de radars de détection aérienne dont un ensemble complet permettant la détection d’aéronefs à plus de 400 km.
Concernant les moyens anti-drones, ces derniers étaient multiples, et notamment à impulsion électromagnétique ou balistique. Ainsi Aselsan propose son système électromagnétique IHASAVAR et Transvaro présentait un système complet associant plusieurs radars, des moyens optiques et un brouilleur multi-fréquence TRADJ-02.
Le groupe sud-africain Sandock Austral présentait également son concept de fusil anti-drones, pour l’heure encore à l’état de maquette. Enfin, le groupe SVI, spécialisé dans la production de véhicules protégés, exposait pour la première fois le MAX-3 6X6 équipé d’un système anti-drone complet (détection et neutralisation) armé d’un lance-grenades automatique de 40 mm.
Robotisation et innovations, maitres mots du R&D sud-africain
Comme annoncé plus avant, l’Afrique du sud est reconnue comme étant l’un des bureaux de recherche et développement les plus efficaces et prolifique au monde, même si nombres d’ingénieurs et de techniciens sont partis dans d’autres pays démontrer leurs talents. Ainsi les recherches sur la balistique et la protection, sur de nouveaux calibres de munitions, sur des modernisations permettant à des munitions rustiques d’être plus efficaces, notamment en précision, sur la robotisation, sont nombreuses.
Dans le domaine des transmissions et de la communication/C2 notamment, le groupe Reutech fait montre de nombreuses évolutions et innovation, notamment au travers de fusées pour roquettes de 122 mm, à fonctionnement par proximètre. Il faut noter que les derniers postes radio produit par ce groupe équipent quasiment l’ensemble du parc local et sont vendus à l’export.
Au niveau de la robotisation, nous noterons la présentation par le consortium local d’études et d’expertises CSIR d’un concept de véhicule 4x4 entièrement robotisé.
Coté étranger, le groupe turc Havelsan propose toute une gamme de drones terrestres (BARKAN), aériens (BAHA) et navals (drone de surface armé SANCAR).
Les moyens de détection et de brouillage de systèmes électroniques terrestres ont également évolué, notamment pour la détection profonde et rapide de systèmes artisanaux (RCIED) ou de mines au moyen de radars plus performants. C’est le cas de la dernière génération de la famille HUSKY, proposée par le groupe DCD.
Enfin, il faut noter la volonté locale d’intégrer le monde du spatial et le groupe AAC Space Africa met tout en œuvre pour intégrer pleinement ce créneau. Le groupe présentait sur son stand un petit satellite de communication
Volonté locale d’intégrer la jeunesse aux recherches et au développement, y compris dans le secteur de la défense
Le gouvernement sud-africain a mis en place une politique visant à inviter la jeunesse à intégrer le monde technologique, notamment dans la partie « défense ». A ce titre, les organisateurs du salon ont invité de nombreuses écoles sur le site d’AAD, pour observer les matériels, discutés avec les exposants, participer à des forums et un hall était consacré exclusivement à la jeunesse, au travers de petites et moyennes entreprises (PME) liées au Département du commerce, de l'industrie et de la concurrence (DTIC) et de l'Agence de croissance et de développement de Gauteng (GGDA)
Le but du gouvernement local est de sensibiliser la jeunesse à des carrières multiples dans le monde de la défense, dans l’ingénierie, le soutien ou directement dans les forces.