AAD 2024
Le salon Africa Aerospace and Defence (AAD), 12e édition, est le seul salon de la Défense en Afrique qui combine à la fois une exposition commerciale et un show aérien. AAD s’est déroulé sur la base aérienne de Waterkloof à Pretoria du 18 au 22 septembre, les trois premiers jours étaient dédiés aux professionnels et les deux derniers étaient consacrés aux spectacles aériens.
Organisé par le ministère de la Défense et le groupe ARMSCOR, en charge des productions de défense, et d’autres sponsors, AAD est une nouvelle fois source de nouveautés et de modernisation. Il faut d’abord souligner que cette édition correspond à plusieurs anniversaires, parmi les grandes entreprises de Défense avec les 30 ans de PARAMOUNT, et les 20 ans de ICP.
Au regard de ce qui était présenté, l’Afrique du sud demeure un leader incontestable dans les productions de véhicules blindés de tous types, allant du 4x4 léger, au blindé lourd 8x8, les chenilles ne semblant toujours pas être d’actualité.
Bien évidemment, les autres thèmes abordés généralement sur les autres salons d’armement, l’étaient presque tout autant sur AAD, avec une fois encore drones et munitions téléopérées, lutte antidrone, missiles et munitions guidées, ou encore détections et brouillage. Plusieurs produits présentés étaient aussi liée à l’IA, notamment pour les optroniques, les moyens de détections ou encore les drones.
Tous ces thèmes sont en lien avec les tendances fortes du moment en Afrique du sud et sur une partie importante du continent, à savoir la sécurité du territoire, la surveillance aux frontières, et le soutien militaire aux actions humanitaires. La ministre de la Défense, madame Motshekga, a cependant expliqué que la cyberdéfense, la guerre des drones, et les outils liés à la guerre étaient prépondérants.
Il faut souligner, sur le display extérieur, les deuxièmes présentations internationales de l’avion de transport chinois Y-20 (présenté lors du dernier Egypt Air Show) et de l’hélicoptère d’attaque chinois Z-10ME, présenté pour la première fois lors de Singapour Air Show en février.
Malgré un nombre d’exposants moins important que certains salons internationaux, il n’en demeure pas moins qu’AAD reste le salon majeur du continent africain, d’où l’intérêt de pays étrangers spécialisés dans les armements très compétitifs mais moins coûteux, tels la Russie, la Chine, ou en encore la Turquie, l’Inde et le Pakistan. Le Brésil, au travers de son groupe d’industriels de défense AMBINDE, confirme vouloir rejoindre ces acteurs. Le Kazakhstan, est le nouveau venu avec une société spécialisée dans la mise en place de quartiers généraux, ou d’hôpitaux de campagne. En revanche, il faudra noter l’absence de pays occidentaux majeurs, comme les États-Unis, la Grande Bretagne ou la Corée du sud.
Les blindés, en évolution, modernisation, et innovation constantes …
Le groupe sud-africain DCD était particulièrement fier de présenter le plus ancien blindé du salon, le MARMON HERRINGTON datant de 1942. Pour autant depuis cette date, l’Afrique du sud peut être considérée comme l’un des plus importants bureaux d’étude du monde, et en tout cas le plus important rassemblement de concepteurs et autres producteurs de blindés et de véhicules protégés.
En essayant d’être le plus exhaustif possible, parmi les nouveautés, nous pouvons citer le MAATLA-L du groupe PARAMOUNT, le LM-17 produit par OTT-LMT, les MAX 9 et MAX SWAT chez SVI, les VANGUARD et toute la gamme de FRONTIER 4x4 et 6x6 chez MILKOR.
Le groupe sud-africain TWIGA présentait également le tout récent NKWE (léopard), développé en moins de deux ans. Ce véhicule très rustique reprend l’ensemble des solutions permettant un emploi dans des zones particulièrement difficiles.
On pourra également citer le RG-41 (groupe DENEL) dans sa dernière version, armée du canon automoteur T7 de 105 mm ou encore le SPRINGBUCK (groupe DCD) armé d’un mortier automatique de 120 mm ALKAR du groupe turc ASELSAN, présenté en exclusivité le dernier jour du salon.
Parmi les petits nouveaux, citons le TAU 4x4 (lion en langue locale) produit par le groupe JORSIN, filiale de REUNERT.
Enfin, et aux dires de plusieurs exposants, compte tenu de la situation économique, et en attendant la mise en place de blindés modernes au sein des forces terrestres, les modernisations permettent de s’affranchir de coûts élevés, de faciliter la formation et la maintenance. OTT présentait la dernière version du blindé RATEL, référence des forces terrestres sud-africaines, dénommée SLEP, dotée de nombreuses nouveautés, liées à la mobilité, à la protection et au confort des soldats.
Les entreprises étrangères ne sont pas en reste. Si peu ont apporté leurs productions majeures, elles restent malgré tout intéressées par une ouverture aux marchés africains. Ainsi, les compagnies turque OTOKAR, internationale avec IAG (qui propose maintenant plusieurs versions du blindé 8x8 RILA, chinoises CHINA DEFENSE et NORINCO, ou même russe avec ROSOBORONEXPORT, sont à même de proposer nombres de solutions aux forces terrestres et de sécurité du continent africain.
… Et qui dit véhicules blindés dit tourelles
Le concept de l’emploi des tourelles en Afrique du sud, et même sur le continent, pourrait sembler paradoxal, tant les producteurs présentent des modèles téléopérés modernes et dotés de tous types d’armement, allant de la mitrailleuse légère au canon de 30 mm, telles les productions des groupes locaux CENTAURI et REUNERT, ou encore SVI face à des concepts rustiques voire rudimentaires, à la forces des bras, à l’image des production du groupe VISION 24.
Ces deux tendances sont liées bien évidemment à la situation économique de plusieurs pays africains, sud-américains ou asiatiques, et également à l’intérêt d’une utilisation la plus simpliste possible.
SVI présentait notamment deux concepts de tourelles téléopérées, dont une en calibre 23 mm, assez surprenante (il s’agissait quand même d’un prototype) qui ressemblait davantage à une tourelle assistée électriquement.
Le groupe DYNATEQ INTERNATIONAL, filiale de REUNERT proposait pour la première fois deux tourelles téléopérées, en version navale de calibre 7,62 x 51 ou 54 SEA ROGUE et sa tourelle SUPER LAND ROGUE de calibre 23 mm. Même si cette dernière peut être armée du canon DENEL de 20 mm, il semble que les armées africaines souhaitent conserver le 23 mm, qu’ils connaissent bien.
Les drones pour toutes les missions, surveillance, appui aérien, en l’air et sur toutes les surfaces...
Depuis quelques années déjà, la présence des drones ne fait que s’amplifier, essentiellement aériens, mais la robotique terrestre et les vecteurs navals ne sont pas en reste.
Les acteurs sud-africains sont nombreux dans ce domaine. Les PME et les groupes majeurs rivalisent au niveau des innovations (IA, protection anti brouillage, navigation) et des capacités de leurs systèmes. Plaçons les par catégories, en commençant par les drones d’observation, avec le RAVEN (PARAMOUNT), le nouveau drone-coptère RW-UAS proposé par DENEL, ou encore le SF-30, dernier né du groupe SHADOWFAXUAS.
En ce qui concerne les drones plus importants et surtout armés, nous retiendrons principalement le drone SEEKER-400, déjà bien connu, mais cette fois lourdement armé avec au moins quatre missiles ou bombes guidées, et surtout le puissant MILKOR 380, également armé de nombreux missiles / roquettes guidées. Ce drone est issu d’un partenariat avec le groupe émirien EDGE pour les missiles et les bombes guidées, THALES pour les roquettes guidées, et, nouveauté, avec le groupe HENSOLDT, dont la toute nouvelle boule optronique ARGOS 15, remplace l’optronique de L3 COMMUNICATION, observé il y a deux ans. De même, on notera la présence d’un nouveau missile MILKOR en lieu et place du AL-TARIQ-X du groupe EDGE.
Les spécialistes étrangers étaient nombreux sur le salon à proposer quantités de drones, à voilure tournante, comme à ailes fixes, de toutes dimensions, et rompus à de nombreuses missions. Les entreprises chinoises ont amené de nombreuses maquettes, et notamment NORINCO qui propose les CR500A GOLDEN EAGLE et BZK-005E, CHINA DEFENSE avec le TENGDEN, ou encore CATIC avec son AR-36.
Le groupe LOONG (Hong Kong) s’est associé avec la société sud-africaine NTSU et présentait son drone de reconnaissance LOONG-5. Quant à la Russie, le centre STC (Special Technology Center), sous couvert de ROSOBORONEXPORT, présentait ses ORLAN-10 et 30, avec leurs charges utiles.
… et les contre-mesures qui en découlent.
La menace représentée par les drones n’est plus à démontrer, et tout est mis en œuvre pour détecter, discriminer et neutraliser ces menaces, qu’elles soient dites de loisir, ou plus importante et militarisée.
Les moyens de détection sont issus pour la majorité de ce qui existe à grande échelle, mais les radars sont maintenant relativement petits et configurés pour les menaces des drones de loisir, en multipliant et en modifiant les fréquences de recherches, suivant l’origine du drone et la zone de travail.
Ces moyens sont couplés aux systèmes de neutralisation, passant du détecteur portatif qui permet à son utilisateur d’employer des moyens cinétiques (fusils, lance-grenades) ou autres, toujours portatif avec notamment les fusils anti drones.
Dans ce secteur, les producteurs de produits de qualité et efficaces sont nombreux, à l’instar du LOONG avec ses fusils SMAUG J1-1500, couplés aux détecteurs SMAUD D, ou encore des groupes chinois WAVESONIC TECHNOLOGY qui présentait son fusil WS-08 (pour huit fréquences) et RUIDAEN, spécialisé dans la détection et le brouillage avec notamment son fusil RDN-400 E. Enfin, le groupe pakistanais NRTC propose plusieurs solutions portatives de brouillage anti-drone, comme les MP-100, 200 et 300.
Dans le domaine des armes à énergie dirigée, l’effort a été fait par les entreprises chinoises qui présentaient quatre systèmes majeurs. CPMIEC propose son LW-30 (pour 30 kW), annoncé comme pratiquement opérationnel. NORINCO présentait la maquette de son système OW5-A50, quand CATIC propose son LASER ARROW sur châssis MENGSHI 6x6.
Le représentant du groupe CHINA DEFENSE (ou POLY DEFENSE) a présenté le système SKYSHIELD-1 qui comprend quatre véhicules dont le système laser LASS-1, d’une puissance de 30 kW également, et qui est en mesure de détruire une cible à près de 2 km.
Les munitions guidées se multiplient : munitions télé-opérées, missiles, roquettes et bombes guidées
Une fois encore, AAD n’a pas dérogé à la règle dans le domaine des munitions, et notamment des munitions guidées. Ainsi de nombreux et nouveaux missiles ont été présentés sur les stands locaux et étrangers.
DENEL, réputé pour sa production de munitions guidées, a annoncé que les tests sur le missile air-air
A-DARDER étaient terminés, et que les versions de tir d’entraînement seront livrées en octobre ; les munitions opérationnelles seront quant à elles livrées au premier semestre 2025. Le groupe a également présenté l’évolution du missile sol air UMKHONTO IR en version EIR (E pour Extented). Le groupe sud-africain présentait également d’autres missiles antichars (IMPI et IMPI-S) destinés aux drones aériens, ou encore sa tourelle pour missiles INGWE, dénommée ALTT-4A, montée cette fois sur un blindé RG-32M.
Le groupe local SVI, pourtant expert des véhicules blindés, a présenté une gamme de munitions guidées, de la roquette de 70 mm MK-70G au missile MK-180 tiré depuis un drone. Les roquettes étaient d’ailleurs montées pour l’occasion sur une tourelle télé-opérée spécifique.
Quant à MILKOR, les munitions guidées de 70 mm produites par THALES, ou encore les bombes guidées DESERT STING, étaient accompagnées par un tout nouveau missile MILKOR X, l’ensemble étant monté sur le drone aérien MILKOR 380.
Coté étranger, la Turquie, et notamment le groupe ROKETSAN, présentait toute une gamme de munitions guidées (missiles antichars, roquettes d’artillerie ou encore bombes guidées). Nous noterons parmi ces munitions les nouvelles MAM-T IIR et MAM-L IIR, à portée améliorée, ainsi que le missile antichar TANOK, qui devrait être tiré depuis le canon du char ALTAI. Enfin, le groupe turc présentait, sous forme de maquette, son blindé lance-missiles KMC-U. De son coté, ASELSAN propose la bombe guidée TOLUN à guidage GPS et inertiel, ou encore le kit laser GOZDE 82, prévu pour être monté sur les bombes de 250 kg.
La Chine présentait, au travers de ses entreprises CHINA DEFENSE, NORINCO ou encore CPMIEC, nombres de systèmes de lancement et de missiles de tous types, allant des versions antichars aux multi-rôles tirés depuis des drones, jusqu’aux antinavires et aux croisières.
Le domaine naval n’est pas oublié, pour la protection des côtes et la souveraineté nationale
Les trois compagnies majeures spécialisées dans la construction navale, à savoir DAMEN SCT (pour Shipyard Cape Town), SANDOCK AUSTRAL Shipyard et ARMSCOR DOCKYARD tenaient la part belle aux autres compagnies étrangères présentes (Chine, Inde et Russie). Ainsi, DAMEN, fort de sa longue aventure de constructions navales au profit des pays africains, était ainsi fier d’annoncer les différentes dernières productions au profit de l’Afrique du sud, bien sûr, mais aussi de l’Angola, du Kenya, du Nigeria ou encore de la Tanzanie.
De son côté, le groupe de Durban SANDOCK AUSTRAL Shipyard s’est joint au puissant italien FINCANTIERI et à son allié canadien VARD, afin de lancer la production de son bâtiment de surface VARD 7 055. Ce bâtiment de près de 54 m sera capable d’atteindre les 25 nœuds, et emportera 47 marins. La prochaine étape, le VARD 7 085 de 85 m.
Coté étrangers, plusieurs groupes d’importance, à l’instar du groupe turc STM, spécialisé dans la production de plateformes navales mais aussi de munitions télé-opérées. Autre groupe important, les Chinois de CSSC qui présentaient plusieurs maquettes de bâtiments de surface, ainsi que quelques versions de torpilles.
Le nom AFRICAN AEROSPACE n’aurait plus de sens sans la présence d’aéronefs
Si les constructeurs aériens n’étaient pas nombreux, certaines entreprises, locales et étrangères, ont tenu à être présentes, et pour certaines avec leur production. A noter que pour la première fois depuis de longues années, il n’y avait aucun aéronef américain.
Les pays africains ont besoin de renouveler et/ou de moderniser leurs parcs d’aéronefs. Le contrat entre Pretoria et le groupe SAAB semble perdurer pour le suivi technique du GRIPEN, ce qui n’empêche pas des groupes comme TURKISH AEROSPACE ou CATIC (Chine) d’exposer maquettes, mais surtout pour la seconde fois à l’internationale, le nouvel avion de transport lourd Y-20 chinois, ou encore l’hélicoptère d’attaque chinois Z10-ME, qui a effectué durant les trois journées professionnelles, et durant le show aérien, une prestation de mobilité très appréciée. Enfin, il faut noter le retour du brésilien EMBRAER et de son avion de transport.
AIRBUS était bien évidemment présent et a assuré sa présence de longue date dans cette partie du globe.
Enfin, PARAMOUNT a finalisé les essais de son biplace MWARI, véritable phénomène des productions aéronautiques sud-africaines. Après 400 heures de vol réalisées au Mozambique, cet appareil est prêt pour commencer sa commercialisation.