Article Adex 2023

Le salon ADEX 2023 a été l’occasion pour la base industrielle et technologique de défense de la Corée du Sud de montrer sa maitrise de l’ensemble des domaines et milieux d’action. En témoigne la présence de très nombreux matériels ou projets présentés pour la première fois au grand public.

logo © SITTA

Dans le domaine aérien

La star du salon était sans conteste le chasseur de « 4e, 5e génération » de fabrication nationale, le KF-21 Boramae. Le constructeur KAI en faisait en effet sa première présentation au grand public, après une absence remarqué lors de l’édition 2021 d’ADEX. Depuis lors le programme a bien avancé, avec les premiers vols et le premier passage du mach il y a quelques mois. Chose rare dans les programmes aéronautiques majeurs, le KF-21 respecte pour l’instant sans problème le calendrier initial. D’ici sa mise en service en 2026, 2000 vols de tests devraient être effectués par les 6 prototypes, 4 monoplaces et deux biplaces. L’appareil présenté au salon était d’ailleurs le dernier d’entre eux, le biplace « 006 ». Au programme de ces tests, le combat et l’armement air-air sera fait en premier, puis les capacités air-sol de l’appareil seront éprouvées. A plus long terme, KAI s’oriente vers la possibilité pour le KF-21 de mener des missions de combat aux côtés de drones de type « loyal wingmen », mais pour l’instant ces systèmes ne sont pas encore véritablement à l’étude. La ROKAF, l’armée de l’air coréenne, prévoit la livraison de 120 Boramae d’ici 2030/2032. Les prospects à l’export sont déjà fructueux, avec notamment l’Indonésie et les Emirats Arabes Unis qui doivent être également contributeurs financiers au développement de l’avion. La Pologne a également marqué un réel intérêt pour ce programme, après avoir confirmé la commande de 48 chasseurs FA-50 du même constructeur.

Chasseur KF-21 Boramae © SITTA

KAI présentait également son projet d’avion de transport MC-X. Cet appareil est développé avec le double objectif de maintenir l’activité des bureaux d’études de KAI après la mise en service du KF-21 qui les accapare pour le moment, et de proposer un remplaçant national pour la flotte disparate d’avions de transport et d’appareils spécialisés utilisés par les forces coréennes. KAI l’étudie donc comme un avion « multirôle », dont la cellule servira de base pour des versions de transport, de ravitaillement en vol, de patrouille maritime, de lutte anti surface et anti sous-marine, de lutte contre les incendies et de sécurité civile, de surveillance et de commandement aéroporté, de recueil et brouillage électronique, ainsi que de largage de drones de type « loyal wingmen » au profit du KF-21. L’industriel avait d’ailleurs présenté une maquette de la version de lutte anti-surface et ASM lors du dernier salon MADEX en juin de cette année. Il s’agit donc d’un projet de long terme, pour l’horizon 2030. Pour le moment ce concept n’a pas fait l’objet d’un appel d’offre étatique, et il est donc développé sur fond propre par KAI. L’entreprise parait cependant confiante en l’avenir car elle table sur un marché intérieur potentiel d’une centaine d’appareils, tout en considérant que les flottes mondiales de C-130 Hercules, civiles et militaires, seront amenées à être remplacer à moyen terme. Malgré la concurrence potentielle des Embraer KC-390 et Kawasaki C2, KAI est confiant pour l’avenir, grâce à la taille du marché potentielle et la qualité de ses partenariats

Le projet d'avion de transport MC-X © SITTA

Le domaine des drones aériens a été très présent sur l’ensemble du salon, de nombreuses entreprises proposant des solutions variées en termes de dimensions et de missions.

Korean Air Aerospace s’est particulièrement distingués avec à la fois un drone MALE présent sur le tarmac et un stand mettant largement en valeur ses savoirs faire au travers plusieurs concepts de drones de combat furtifs et de « loyal wingmen » pour le KF-21. Ces derniers, les KUS-LW, devraient effectuer leurs premiers vols à l’horizon 2026. Leur rôle pourra être la frappe d’objectifs en autonome, ou le vol en formation avec des KF-21 biplaces. L’officier système d’armes en place arrière du chasseur serait alors en charge de gérer la mission de ses « wingmen ». Le drone de combat furtif KUS-FC, nettement plus massif que le précédent, pourra effectuer des missions de reconnaissance et de frappe. On peut noter que le design de ce drone ressemble trait pour trait à ceux présentés sur le concept de navire porte-drones Ghost Commander de Hanwha Oceans.

Les UCAV de Korean Air © SITTA

Korean Air Aerospace présentait également, en maquette sur son stand et en réel sur le tarmac, le drone MALE « KUS‑FS » destiné à des applications civiles de surveillance maritime et environnementale, et militaires de reconnaissance et relai de communication. Long de 13 mètres pour une envergure de 25 mètres, il devrait disposer de moyens optroniques TV et infrarouge et d’un radar SAR. Encore en développement, sa mise en service future n’est pas confirmée.

Le drone MALE KUS-FS de Korean Air © SITTA

Enfin, parmi les systèmes notables, Korean Air Aerospace présentait le KUS-VX. Il s’agit d’un drone de 3 mètres d’envergure et 4 mètres de long, à décollage vertical mais dénué de rotors basculant. Capable d’emporter deux missiles antichars Hellfire, il dispose d’une suite optronique pour l’observation et la désignation d’objectif. Il volera à environ 270 km/h en parcourant 600 kilomètres, et devrait peser aux alentours de 700 kilos.

Le drone de combat VTOL KUS-VX de Korean Air © SITTA

Le groupe Foosung a présenté de nombreux drones sur son stand, dont l’un issu de sa filiale Firstec a retenu l’attention. Présenté comme une munition rôdeuse, il s’agit en réalité d’un petit drone de surveillance lancé depuis un tube aisément mis en œuvre par un fantassin. Pesant 15 kilos, il devrait pouvoir voler à 5 kilomètres de son lanceur pendant 60 minutes. Il pourrait être envisagé de lui adjoindre une charge militaire d’un kilo, mais ce n’est pas pour l’instant le rôle pour lequel il est étudié. Ce système est en cours de développement pour l’armée de terre sud-coréenne, et la décision d’acquisition pourrait être prise dans les six prochains mois. Il est très intéressant de constater que le même drone est représenté sur le stand KAI comme pouvant être employé depuis des hélicoptères dans le cadre des études du concept « MUM-T », Manned-Unmanned Teaming. Il s’agit de coupler des vecteurs pilotés et non pilotés pour augmenter les capacités d’action des premiers. Le tube de lancement du drone de Foosung/Firstec étant très proche de celui d’un missile antichar, il parait aisé à mettre en œuvre depuis un hélicoptère. Le drone fourni alors une capacité de reconnaissance à l’appareil tout en lui permettant de rester discret et autonome.

La « loitering munition » de Foosung © SITTA

L’entreprise EX ERGY Solutions présentait son système de lutte anti drones SkyDome System. Celui-ci est basé sur une suite de capteurs radars et optronique pour la détection des mini drones adverses, et sur le drone intercepteur DroneHunter F700. C’est d’ailleurs ce même drone intercepteur qui est proposé par Hyundai-WIA sur son système intégré AntiDrone System, décrit plus bas avec les véhicules terrestres. Le SkyDome System est un matériel d’origine américaine, fabriqué dans l’Utah, qui est vendue en Corée via EX ERGY Solutions. Le SkyDome a été utilisé au Qatar à l’occasion de la coupe du monde. Mis en œuvre par deux opérateurs, il est efficace dans un rayon de 8 kilomètres. Le drone intercepteur utilise un petit radar à vocation anticollision et qui doit aussi l’aider à se mettre en bonne position par rapport à sa cible. Il dispose de part et d’autre de l’antenne radar de deux lance-filets destinés à la capture en vol du drone ciblé. Cette solution soft kill permet d’employer facilement le DroneHunter dans un rôle de sécurité civile, pour la protection d’un site industriel, d’un aéroport ou d’un évènement. Elle peut aussi venir compléter efficacement les autres solutions anti drones, à base de brouilleurs ou de lance grenades, dans le cas où elles seraient inefficaces ou dangereuses à utiliser.

DroneHunter F700 © SITTA

Dans le domaine terrestre

ADEX-23 a vu la firme Hyundai-Rotem disposer d’une surface d’exposition très importante, sur laquelle elle présentait pas moins de trois nouveaux véhicules.

Bien mis en valeur sur le devant du stand, la dernière variante du char de combat K2 Black Panther faisait preuve de la prise en compte par son fabricant des leçons du conflit ukrainien en matière de combat blindé. Cette version inclus une suite complète d’autoprotection à 360°, avec des senseurs radars, infrarouge, un système de détection des lasers de désignations (LWS, Laser Warning System), et des moyens soft kill et hard kill associés. La mitrailleuse en toit de tourelle fait place à une tourelle téléopérée comprenant, outre la traditionnelle mitrailleuse de 12,7mm, un fusil brouilleur antidrone. C’est la première fois qu’un char de combat est équipé nativement d’un système contre les petits drones qui pullulent désormais sur le champ de bataille. Toujours équipé d’un canon de 120mm, Hyundai-Rotem travaille cependant sur un tube de 130mm à âme lisse. Le châssis du K2 se distingue enfin de ses concurrents pas son système de suspension hydropneumatique, lui permettant de régler finement l’assise du char en fonction du terrain et d’adapter la tension de ses chenilles. Les forces armées sud-coréenne mettent actuellement en œuvre 150 K2, et 150 autres sont prévus dans les années à venir.

Char de combat K2 Black Panther © SITTA

Le second véhicule majeur présenté par Hyundai-Rotem était son nouveau véhicule de combat d’infanterie 8x8, le N-WAV (pour Next Wheeled Armored Vehicle). Engin particulièrement imposant de la classe des 30 tonnes, il doit venir remplacer à terme les actuels K808, qui sont eux de la classe des 20 tonnes. Cette augmentation de masse s’explique par des dimensions nettement plus grandes que son ainé : toujours au regard des retours d’expérience ukrainiens effectués par l’industriel coréen, le véhicule a vu son blindage augmenter sensiblement de manière à atteindre un STANAG IV complet. Sa garde au sol a été revue à la hausse, ce qui lui donne une hauteur totale dépassant les 3,5 mètres. Servi par un équipage de 3 hommes, il peut embarquer 8 combattants équipés. Il dispose d’une suite d’autoprotection très proche de celle de son voisin le K2 Black Panther, incluant le LWS, bien que n’ayant pas été montré avec le brouilleur antidrone. Son armement est modulable : présenté ici avec une tourelle de 30mm, il peut être équipé d’une simple tourelle téléopérée de 12,7mm jusqu’à un canon de 105mm. Il dispose d’une capacité de franchissement amphibie autonome avec deux hélices arrière, équipement que de nombreux 8x8 modernes avaient abandonné mais qui montre pourtant toujours sa pertinence. A terme, son fabricant travaille sur la possibilité de rendre le véhicule entièrement téléopérable par son équipage, et sur l’intégration d’un drone de surveillance.

L’imposant 8x8 N-WAV © SITTA

Enfin, Hyundai-Rotem présentait pour la première fois son projet de char de combat du futur, destiné à remplacer le K2 dans 20 à 30 ans. Il s’agit d’un char intégrant les dernières technologies de furtivité radar et infrarouge, un canon de 130mm à âme lisse, un lanceur de missile anti-char intégré à la tourelle, ainsi qu’un drone de surveillance. Il est évidemment doté des moyens de détection des menaces et des systèmes d’autoprotection soft kill et hard kill désormais incontournables. La tourelle principale est entièrement opérée depuis l’intérieur du châssis, et elle est surmontée d’une tourelle secondaire dotée d’une mitrailleuse et d’un système anti drone à double brouilleur. Ce blindé inclus le même type de chenilles d’un seul tenant que l’on trouve déjà sur le VBCI Redback de chez Hanwha. Ces chenilles réduisent considérablement la signature sonore du blindé en déplacement, ainsi que sa signature radar de par l’absence de pièces métalliques

Le projet de char de combat du futur © SITTA

L’un des grands points forts de ce projet de char de combat du futur se trouve dans le poste de pilotage. Les trois membres d’équipage sont désormais assis côte à côte dans une cabine fortement blindée et pressurisée, disposant d’un véritable cockpit « tout écran » devant eux. Les postes disposent des mêmes commandes, permettant à chaque membre de s’installer sur n’importe lequel et si besoin d’assurer les fonctions de ses camarades. La possibilité de regarder simultanément sur l’ensemble des écrans du cockpit permet une situation awareness exceptionnelle comparée aux blindés actuels. L’équipage devra également bénéficier de technologies de réalité augmentée.

Le poste de pilotage du char de combat du futur Hyundai présentait enfin © SITTA

Hyundai présentait enfin un système intégré de lutte anti drones, monté sur un véhicule KIA Light Tactical Vehicle. Il s’agit d’une solution anti drones complète, assurant la détection, identification, tracking et neutralisation depuis le même poste de contrôle à deux opérateurs. Ils disposent pour cela d’un radar dédié à 5 faces émission/réception. Quatre permettent la surveillance à 360° et la cinquième, braquée vers le haut, permet l’élimination du cône mort de détection dont souffrent la presque totalité des systèmes concurrents. Ce radar peut détecter de petits drones à 10 kilomètres de distance. En plus du radar, la fonction détection et suivi de cibles est appuyée par un système optronique jour/nuit, doté de caméras TV et infrarouge grand angle et d’un laser de télémétrie. Un système acoustique d’origine française vient s’ajouter en option. La neutralisation des drones adverses se fait soit au moyen d’un brouilleur, soit par un lance-grenade de 40mm doté de munition airburst. Il est même possible d’ajouter en option le système drone hunter, employant un drone multicoptère destiné à la capture des drones hostiles au moyen de lance-filets. L’ensemble est mis en œuvre par trois à quatre opérateurs. Déjà longuement testé, ce système mobile doit entrer en service dans les forces sud-coréennes l’année prochaine.

Hyundai Anti Drone System © SITTA

Chez Hanwha cette fois-ci, l’accent était mis sur le véhicule blindé chenillé de combat d’infanterie Redback. Absent lors de la dernière édition d’ADEX, il était lors de celle-ci présenté aussi bien en maquette dans le hall de l’industriel qu’en réel sur le tarmac. Véhicule destiné à l’Australie, où il vient de remporter l’appel d’offre, il est basé sur le châssis du VBCI K21, qui lui est déjà en service dans les forces coréennes et également exposé sur le tarmac. Son prix est cependant nettement plus élevé, du fait de l’ajout de très nombreux systèmes de détection et d’autoprotection. Nettement plus petit que le N-WAV 8x8 de chez Hyundai-Rotem, le Redback ne se place pas du tout dans la même catégorie de véhicule et ne vient donc pas en concurrence. Il est cependant nettement plus lourd, avec 43 tonnes sur la balance, et embarque entre 6 et 8 combattants. Le Redback se distingue aussi par l’emploi de chenilles d’un seul tenant sans patins métalliques. Sa présence sur cette édition du salon montre que l’industriel souhaite ne pas se limiter au seul marché australien.

Le VBCI chenillé Redback © SITTA

Fabricant de munitions bien connu, l’industriel Poongsan exposait deux modèles d’obus d’artillerie de 155mm à portée améliorée, destinés à l’obusier K9 Thunder. Le premier est doté d’un système de propulsion par « ramjet » et permet un tir à 100 km sur position GPS. Le second est un concept d’obus planant, doté de deux ailes se déployant après le tir et dont la portée devrait être encore supérieure. Ces deux munitions sont des concepts encore à l’étude et ne sont pas en service.

Les obus à portée augmentée de Poongsan © SITTA

Les obus à portée augmentée de Poongsan © SITTA

Un troisième type d’obus, dont la portée n’a pas été précisée, est destinée à observer précisément sa zone d’impact. Arrivé à quelque distance du sol, il déploie un parachute frein qui permet l’extraction du corps de l’obus d’un système optronique. Celui-ci transmet alors le flux vidéo vers le tireur. Cela permet de confirmer très précisément les coordonnées d’un objectif mobile quelques secondes avant le tir d’obus réels, ou d’effectuer l’évaluation d’un frappe quelque instants après celle-ci.

L’obus observateur de Poongsan © SITTA

L’industriel SNT présentait son mortier semi-automatique de 120mm. Déjà en service au sein de l’armée de terre sud-coréenne, il est utilisé sur les véhicules blindés chenillés KSM120, dont un exemplaire était visible sur l’exposition extérieure. Ici SNT présentait un projet de véhicule léger porte-mortier basé sur le châssis 4x4 Kovico, légèrement allongé et dont l’arrière a été adapté à la mise en œuvre de l’arme. Ce véhicule présente aussi sur le toit de l’habitacle le canon tritube de 20mm de SNT également. Ce canon est le même que celui monté sur les hélicoptères d’attaque LAH et sur les drones de surface armés récemment mis en service par la ROK-N.

Le mortier semi-automatique de 120mm de SNT sur châssis Kovico © SITTA

Dans le domaine naval

Le salon ADEX est assez peu orienté naval, car la Corée du Sud organise également le salon MADEX, dans le port militaire de Busan dans le sud du pays. Celui-ci est totalement orienté vers la mer et les industriels sud-coréens ne semblent pas vouloir faire de la redondance entre les deux expositions. Très peu de systèmes navals ont donc été observés lors d’ADEX.

C’est donc sur le stand de Hanwha qu’était présenté l’élément le plus marquant en matière de guerre navale. La division Hanwha Oceans y exposait pour la seconde fois son concept de navire porte-drones Ghost Commander. Ce projet avait été dévoilé au public pour la toute première fois lors de la précédenbte édition du salon MADEX, en juin dernier. Il s’agit d’un navire de type trimaran, doté d’un double pont. Le premier est dédié au catapultage des drones de combat embarqués, et le second, situé plus haut, à leur appontage. Navire très imposant de plus de 16 000 tonnes, 200 mètres de long et près de 50 mètres de large, il est prévu pour embarquer et mettre en œuvre l’ensemble des types de drones disponibles. En matière de drones aériens il devrait disposer de drones de combats furtifs et ISR. A cela il faut ajouter 48 postes de tir pour des munitions rôdeuses « lourdes » de la gamme de la Harpy israélienne et 36 emplacements pour de plus petites. A cette flotte aérienne particulièrement dense, le bâtiment aura la capacité de mise en œuvre drones de surface (USV) sous-marins (UUV). Plus d’une centaine d’hommes d’équipage seront nécessaire pour le bon fonctionnement de cette unité. Concept réalisé à la demande de la marine sud-coréenne, la décision de lancement du programme de réalisation devrait intervenir d’ici un an

Le navire porte-drones Ghost Commander © SITTA