Le détroit d’Ormuz

Le détroit d’Ormuz est à nouveau au centre de l’attention internationale. Depuis la sortie des États-Unis de l’accord de Vienne le 8 mai 2018 et les sanctions consécutives contre l’Iran, le détroit d’Ormuz a été le lieu d’arraisonnages de navires et d’une guerre des drones à l’été 2019. Des manœuvres ont rassemblé l’Iran, la Chine et la Russie dans l’océan Indien et le golfe d’Oman fin décembre 2019.

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L’inquiétude est ravivée depuis le regain d’hostilité entre les États-Unis et l’Iran début 2020. Les États-Unis ont lancé, avec certains de leurs alliés, l’opération Sentinel de surveillance et d’escorte de navires dans le détroit d’Ormuz afin d’effectuer une « pression maximum ». L’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal ont apporté, le 20 janvier 2020, leur « appui politique » à la France pour la création de la European-led mission awareness strait of Hormuz/ Mission européenne de surveillance maritime dans le détroit d’Ormuz (EMASOH)

Un détroit stratégique dans une zone très militarisée

Entretien avec BURDY (Jean-Paul) : « Le détroit d’Ormuz, verrou stratégique du golfe Persique », Questions internationales, n° 99-100, septembre-décembre 2019 (p. 167-173)

Jean-Paul Burdy est historien du Moyen-Orient contemporain. Le détroit d’Ormuz est un lieu de transit très important : 21 % de la consommation mondiale de pétrole y passe (7% de celle des États-Unis et 76 % de celle des pays asiatiques). Pour cela, ont été tracés deux chenaux de navigation  qui ne font que 3,5 km de large chacun. De plus, il faut tenir compte du trafic transversal. L’Iran a plusieurs fois menacé de bloquer le détroit d’Ormuz mais ne l’a jamais fait car cela gênerait ses propres exportations d’hydrocarbures ainsi que celles de deux pays proches de lui, l’Irak et le Qatar.

Le plus : une carte intitulée « Corridors de navigation et enjeux de souveraineté dans le détroit d’Ormuz »

BURDY, Jean-Paul. « Le port émirati de Fujaïrah, une alternative au détroit d’Ormuz ? », Moyen-Orient, n° 45, janvier-mars 2020 (p. 82-84)

Depuis la guerre Iran-Irak, les pétromonarchies essaient de contourner le détroit d’Ormuz et le port de Fujaïrah a été créé à ce moment par Abou Dhabi. Il se situe dans la partie des Émirats arabes unis qui borde le golfe d’Oman et ses eaux profondes permettent l’accostage de navires à fort tirant d’eau qui viennent s’approvisionner en carburant de propulsion, le pétrole venu d’Abou Dhabi  par un oléoduc y étant stocké. Le sultanat d’Oman développe les ports de Sohar et de Duqm et prévoit de les raccorder aux oléoducs existants. Dans la même intention, les Saoudiens ont construit l’oléoduc Est-Ouest, c’est-à-dire du golfe Persique à la mer Rouge. Or, des pétroliers saoudien, émirati et norvégien ont été victimes d’explosions près du port de Fujaïrah le 12 mai 2019 et des drones ont attaqué, le 14 mai et le 14 septembre de la même année, les installations saoudiennes destinées au contournement, solution qui n’offre donc pas une réelle sécurité.

Le plus : une carte intitulée « Géopolitique des énergies dans le golfe Persique ».

NONJON, Alain. « Le détroit d’Ormuz : verrou stratégique d’importance mondiale », in Géopolitique. Atlas des 160 lieux stratégiques, Paris, Ellipses, 2018

Le détroit d’Ormuz est, depuis l’Antiquité, un haut lieu du commerce international. La Convention internationale des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 ne peut s’y appliquer puisque ni l’Iran, ni les Émirats arabes unis, ni les États-Unis n’en sont parties. Le droit coutumier peut être invoqué et il invite les trois pays côtiers à laisser passer les navires. De plus, un accord bilatéral entre l’Iran et Oman a été signé en 1974. En revanche, le chenal de navigation passe très près des îles Grande Tomb, Petite Tomb et Abou Moussa que l’Iran et les Émirats se disputent. L’Iran se fonde, pour Abou Moussa, sur un accord signé avec les Britanniques en 1971. Cette île est habitée d’Iraniens au nord et d’Arabes au sud mais l’Iran l’occupe tout entière depuis 1987 et y construit des infrastructures. Il a refusé l’arbitrage de la Cour internationale de justice en 1996 tandis que les Émirats arabes unis sont soutenus par le Conseil de coopération du Golfe.

ABBAS, Bashir Ali. “Assessing the law of the sea: a case for the right of passage in the Strait of Hormuz”, IPCS special reports, n° 205, 3 février 2020 (p. 1-15)

L’auteur est chercheur à l’Institute of peace and conflict studies fondé en 1996 par un ex-haut fonctionnaire et un ex-officier indiens pour promouvoir des voies alternatives en vue de la paix en Asie du Sud et autour. L’Institut est partenaire, entre autres, de l’IISS.

Le passage inoffensif (c’est-à-dire sans affecter la paix et la sécurité des États côtiers) de bateaux dans le détroit d’Ormuz est admis puisque les États-Unis et l’Iran adhèrent de facto à la Convention sur le droit de la mer par des déclarations ou des actes. Les États-Unis se sentent traditionnellement très investis de la mission de faire respecter partout la liberté de navigation mais, pour ce faire, la force est nécessaire. Les tensions se sont accrues récemment dans le détroit d’Ormuz et, pour les gérer, s’est posée la question du passage de navires de guerre américains, l’Iran réclamant une notification préalable. Les États-Unis ont-ils raison d’invoquer le droit coutumier qui garantit la liberté pour les États d’envoyer leurs navires de guerre dans les détroits entre deux hautes mers, ce dont la Convention ne dit rien ? La jurisprudence répond positivement à condition que ce soit pour escorter des bateaux au comportement irréprochable et non pour d’autres actes comme le déminage.

HENSELER, Sean. P. « Left of Splash » “Legal issues related to the use of force to counter mining in the Strait of Hormuz” in Operational law in International straits and current maritime security challenges, Springer, 2018, (p. 39-49)

L’auteur est un vétéran de l’armée américaine et professeur de droit international au College of maritime operational warfare. Depuis 2011, l’Iran menace de fermer le détroit d’Ormuz s’il est visé par des sanctions économiques ou si ses installations nucléaires sont attaquées. En cas de conflit, il mènerait une stratégie anti-accès/interdiction de zone en usant de mines. L’Iran peut le faire dans ses eaux territoriales si cela ne gêne pas le passage inoffensif des navires. Il n’a pas le droit de miner le détroit d’Ormuz en temps de paix ni même en temps de guerre, et encore moins de le fermer car c’est le seul accès au golfe Persique. Cependant, pour que le minage soit considéré comme un « acte de guerre » et illégal, il faut bien vérifier qu’aucune route alternative n’existe. Si le minage est illégal, une réponse est possible en invoquant la légitime défense d’après la Charte des Nations unies ou une résolution de leur Conseil de sécurité. L’ISR (Intelligence, surveillance, reconnaissance) est fondée en droit et permet de rassembler des informations. Une force proportionnée a le droit d’attaquer les instruments sur le point ou en train de miner le détroit. Elle peut également protéger les actions de contre-minage.

Les acteurs

L’Iran

MICHELIS, Léa. L’Iran et le détroit d’Ormuz – Stratégies et enjeux de puissance depuis les années 1970, L’Harmattan, 2019 (216 p.)

Cet ouvrage est issu d’un mémoire d’histoire qui se fonde sur des sources diplomatiques françaises. Selon l’auteure, qui est chercheuse à l’IRSEM, le détroit d’Ormuz est extrêmement important pour l’Iran qui en joue avec brio. Il donne accès au golfe Persique dont le nom, auquel cet héritier de l’Empire perse tient mordicus, est un souvenir de son passé brillant. Il permet à l’Iran d’exporter son pétrole, symbole de son indépendance, donc de s’insérer dans la mondialisation. La principale ligne de confrontation du Moyen-Orient est maintenant dans le golfe Persique. Les États-Unis se sont érigés en gendarmes de la navigation dans le détroit d’Ormuz depuis la guerre Iran-Irak, car une importante proportion du pétrole mondial y transite. Leurs bases font face à celles de l’Iran, aggravant ainsi le dilemme de sécurité de la région. Le détroit d’Ormuz est au cœur de la stratégie militaire iranienne : les Gardiens de la révolution y opèrent de manière asymétrique, menaçant de le fermer avec leurs mines. « Le détroit d’Ormuz est le fer de lance de la puissance iranienne dans le golfe Persique ». C’est aussi, paradoxalement, un lieu de coopération : l’Iran et le Sultanat d’Oman se sont mis d’accord pour délimiter leurs eaux territoriales en 1974 et entretiennent de nombreuses relations au point que le second est devenu le médiateur de l’accord nucléaire de 2015 qui contient des conditions favorables à l’Iran, conditions obtenues grâce à la menace de blocage du détroit par l’Iran en 2012. La fermeture peut devenir une réalité sans gêner l’Iran s’il utilise le port de Chabahar, situé dans sa partie du Balouchistan, et aménagé par lui, pour exporter ses hydrocarbures. Une nouvelle crise dont le cœur serait le détroit d’Ormuz est donc possible.

AFRASIABI, Kaveh L. « Iran’s counter-discourse of Hope », Washington report on Middle East affairs, novembre-décembre 2019 (1 p.)

Politiste irano-américain, auteur de plusieurs ouvrages sur la politique étrangère de l’Iran, Kaveh Afrasiabi a notamment enseigné aux universités de Téhéran et Boston. En 2004-2005, il a conseillé l’équipe iranienne de négociations sur l’accord nucléaire. Il renvoie au discours du président Rohani en septembre 2019 devant l’Assemblée générale de l’ONU sur l’initiative de paix d’Ormuz (HOPE) voulue par Téhéran. Elle est centrée sur la coopération entre les huit pays littoraux du Golfe et vise à en exclure les États-Unis. Comment, dans ce cas, diminuer les tensions entre États-Unis et Iran ? La confiance peut être bâtie par un dialogue sur cette préoccupation commune qu’est la lutte contre le terrorisme, c’est-à-dire une reprise de la coopération contre l’État islamique qui pourrait ressurgir en Syrie ou en Irak.

AJILI, Hadi. et ROUHI,  Mahsa. «  Iran’s military strategy », Survival, n° 6, décembre 2019, (p.139-152)

Hadi Ajili est professeur de relations internationales à Téhéran et Mahsa Rouhi est chercheur au programme de non-prolifération et de politique nucléaire de l’IISS. Ils rappellent que la politique militaire de l’Iran trouve son origine dans le renversement de Mossadegh en 1953 et son isolement lors de la guerre Iran-Irak. Tenant compte de la stratégie des États-Unis en cas d’invasion de l’Iran, celui-ci développe celle de l’anti accès/interdiction de zone avec cinq piliers : la défense aérienne, les missiles balistiques principalement de courte portée, la guerre électronique et cyber, la puissance aérienne mais limitée, le combat naval avec des missiles antinavires et de petits bateaux très rapides attaquant en essaims surtout dans le détroit d’Ormuz. À cette fin, l’Iran soutient des acteurs non étatiques notamment le Hezbollah et les Houthis. Il ne cherche pas le statut de grande puissance militaire mais à établir une dissuasion à bas coût.

Les États-Unis 

ULRICHSEN Kristian Coates, “The evolution of US Gulf ties”, External powers and the Gulf monarchies, London, Routledge, 2019

Kristian Coates Ulrichsen est historien, professeur à la Rice university de Houston, auteur de quatre ouvrages sur les pays du Golfe. Il insiste sur le caractère historique de la présence des États-Unis dans le Golfe, surtout depuis la fin de la Première Guerre mondiale et la découverte du pétrole. Ils ont supplanté le Royaume-Uni en 1945 et ont acquis leur prépondérance au fur et à mesure des trois conflits qui ont affecté la région, sans formuler clairement leurs intérêts ni concevoir de grand dessein. Ils n’ont pas de ligne de conduite au sujet de l’intervention au Yémen ou en cas de brouille entre monarchies sunnites, par exemple.

WALLIN, Matthew. “U.S. military bases and facilities in the Middle East”

https://fr.scribd.com/document/382020273/Fact-Sheet-US-Military-Bases-and-Facilities-Middle-East#from_embed (18 p.)[consulté le 13 février 2020]

Matthiew Vallin est expert américain en diplomatie publique et photographe. Il travaille pour l’American security project, un think tank non partisan dirigé par des personnalités militaires ou politiques ou bien des chefs d’entreprises  en poste ou honoraires. Il a compilé plusieurs sources non classifiées et, sans prétendre être exhaustif, fournit des indications détaillées et chiffrées sur les bases et installations militaires de son pays au Moyen-Orient, dont celles qui se trouvent à Bahreïn, au Koweït, à Oman, au Qatar, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Il ajoute, à chaque fois, une photo de Google Earth.

Le plus : une carte des bases qui date du 18 juin 2018.

GAUSE, F. Gregory III. “Should we stay or should we go? The United States and the Middle East”, Survival, octobre-novembre 2019, (p. 7-24)

Gregory Gaus, professeur dans plusieurs écoles et universités aux États-Unis, a écrit des ouvrages  et des articles sur le Moyen-Orient et particulièrement le golfe Persique. Il constate que beaucoup d’observateurs et plusieurs politiciens américains, dont le président Trump, soulignent la baisse de l’importance du Golfe pour les États-Unis, compte tenu de la faiblesse actuelle de leurs importations de pétrole. Un retrait est parfois envisagé, notamment pour réaliser le pivot vers l’Asie. Israël et les monarchies du Golfe pensent que les États-Unis s’en vont et s’inquiètent, ce qui est aussi le cas de plusieurs universitaires américains. Ils doivent se rassurer car on voit que  la présence  américaine s’est bien renforcée (60 000 hommes en 2018 contre 7 800 en 1995) si l’on ne compte pas l’afflux de troupes en 2003. En réalité, Obama et Trump ont compris qu’il était difficile de partir. Les Américains ont intérêt à la libre circulation des flux de pétrole et au maintien des prix, ce que des réserves stratégiques et le fonctionnement du marché peuvent garantir, mais leur présence militaire est nécessaire dans le Golfe car elle joue le rôle d’une assurance contre un nouveau Saddam Hussein, contre la prépondérance d’un pays sur les autres et contre le terrorisme. Elle les aide à influencer les monarchies du Golfe. Elle peut servir de levier contre la Chine qui importe 44 % de son pétrole du Golfe. En revanche, la promotion de la démocratie, qui nécessite une occupation, n’est pas utile aux intérêts américains et c’est ce qui coûte le plus cher financièrement et en hommes. Les bases militaires sont bien placées : absentes d’Egypte ou d’Arabie saoudite où elles seraient mal acceptées par les opinions publiques, elles sont très nombreuses dans les petites monarchies riches qui, de plus, participent aux frais. L’argument budgétaire brandi par les adversaires américains de la présence au Moyen-Orient manque de force.

La France et l’UE

SAMAAN, Jean-Loup. “French policy in the Gulf. The other western ally” in External powers and the Gulf monarchies, London, Routledge, 2019

L’auteur est professeur d’études stratégiques au Collège national de défense des Émirats arabes unis, spécialiste du Golfe. Il fut précédemment chercheur au Collège de défense de l’Otan et conseiller du ministère de la Défense. C’est dans le cadre de sa politique arabe que la France a pris parti pour l’Irak dans sa guerre qui l’a opposé à l’Iran. Pour les pays du Golfe, surtout à partir de 1990, la France fut un moyen de rééquilibrer leurs relations avec la Grande-Bretagne, ancienne puissance colonisatrice, et les États-Unis. L’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis constituent le « triangle stratégique » de la France dans le Golfe. La France partage leur fermeté au sujet du nucléaire iranien, du Hezbollah et du conflit syrien. L’énergie (elle importe 21 % de son pétrole de ces trois pays et Total y est actif) et la défense (accords de défense, base d’Abou Dhabi, importantes exportations d’armes) sont les principaux thèmes de coopération mais il ne faut pas oublier les investissements, la culture et le tourisme. Le Printemps arabe n’a rien changé et, dans le Livre blanc de 2013, le Golfe est alors décrit comme la quatrième « priorité stratégique » de la France. Cette proximité étroite se heurte cependant à quelques fragments de l’opinion française (journalistes, intellectuels).

RIGOT, Julien. La stratégie maritime de l’Iran et ses conséquences pour le dispositif français dans le golfe Arabo-Persique, 2018, École de guerre, promotion 25, 2017-2018. [accessible en ligne à partir du catalogue du CDEM]

L’auteur, officier breveté de l’École de guerre, a connu une expérience de terrain, notamment dans le détroit d’Ormuz où la France a des intérêts conséquents comme dans l’ensemble du Proche-Orient. Signataire de la convention internationale sur le droit de la mer, elle défend la liberté de navigation dans le détroit d’Ormuz par lequel passe le pétrole qu’elle importe. Elle a énormément œuvré au JCPOA (Joint comprehensive plan of action) de 2015 sur le nucléaire de l’Iran mais elle continue à critiquer ce pays sur son programme balistique et son soutien au Hezbollah. Elle devrait tirer parti de la  « position charnière » acquise par l’Iran de manière irréversible grâce à cet accord et à l’augmentation de l’influence des communautés chiites. Les forces de la France comprennent environ 650 militaires commandés depuis sa base d’Abou Dhabi par un officier général de marine également chef de la zone maritime océan Indien (ALINDIEN). Ces effectifs appuient les déploiements opérationnels dans la région et coopèrent avec les Émirats arabes unis tout en s’aguerrissant aux conditions du désert et aux zones urbaines moyen-orientales. La France a, en outre, 1 300 hommes à Djibouti et participe à l’opération Chammal depuis 2014. Des détachements français font partie des états-majors américains au Koweit, au Qatar et à Bahreïn. Au total, son « tropisme arabe sunnite » et son alignement sur les États-Unis ne recouvrent pas complètement ses intérêts et ne répondent pas à son désir d’autonomie stratégique. Elle pourrait par exemple avoir un attaché de défense en Iran, comme l’Italie.

La Chine et la Russie

STALHANE HIIM, Henrik. and STENSLIE Stig. “China’s realism in the Middle East”, Survival, n° 6, decembre 2019, p. 153-166

Henrik Staalhane est chercheur au Norwegian institute of international affairs, spécialiste de la politique étrangère et de sécurité chinoise et Stig Stenslie est professeur au Norwegian defence intelligence university college, auteur de plusieurs ouvrages sur le Moyen-Orient et la Chine. Selon eux, la Chine a beaucoup d’intérêts au Moyen-Orient puisqu’elle en importe presque la moitié de son pétrole. Un blocage du détroit d’Ormuz l’affecterait donc beaucoup. Elle ne tient pas au retrait des États-Unis qui agissent pour elle et se retourneraient contre elle. Elle ne veut pas les provoquer sur le plan militaire. Par ailleurs, la prolifération nucléaire au Moyen-Orient n’est pas au centre de ses préoccupations même si elle a apporté une aide diplomatique à la conclusion de l’accord nucléaire avec l’Iran. En 2011, elle a apporté son soutien tacite à l’action des Américains dans le détroit d’Ormuz. D’après son Arab policy paper de 2016, elle cherche à s’entendre avec tous les pays de la région, donc l’Iran et l’Arabie saoudite auxquels elle vend des armes. Encore faible militairement (un seul porte-avions contre 11 américains) malgré le développement récent de sa marine, elle s’abstient de toute alliance et n’attire pas l’attention. Son influence est importante sur le plan économique grâce à ses investissements qui dépassent ceux de tous les autres pays, notamment dans le secteur énergétique. Elle a effectué des prêts dans le cadre des Routes de la soie. Les pays du Moyen-Orient dépendent d’elle de ce fait et à cause de leurs exportations de pétrole qu’elle peut acheter ailleurs et faire venir par des oléoducs. Aucun changement n’est à prévoir.

DELANOE, Igor. « Le Concept russe de sécurité collective dans le golfe Persique », Note de la FRS n° 16/19, 9 septembre 2019

https://www.frstrategie.org/sites/default/files/documents/publications/notes/2019/201916.pdf (consulté le 18 février 2020)

Igor Delanoë est directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe à la Fondation pour la recherche stratégique. Selon lui, la Russie s’intéresse depuis longtemps au golfe Persique mais ne l’a publiquement manifesté que le 23 juillet 2019 avec son Concept de sécurité collective dans le golfe Persique, dans un contexte opportun, marqué par l’escalade des tensions et sa présence en Syrie. Ses préoccupations sont les missiles balistiques et sol-sol de l’Iran qui peuvent l’atteindre et le contrôle des cours du pétrole dans la lignée de l’accord OPEP + de 2016. Elle fait des propositions pratiques, cherchant à réunir tous les acteurs de la région contre le terrorisme comme autrefois tous les ennemis du nazisme. Afin de créer une conférence internationale pour la sécurité et la coopération dans le golfe Persique dont l’Iran ferait partie, elle veut négocier en vue d’une diminution de la présence militaire étrangère, c’est-à-dire américaine, ce en quoi elle est irréaliste car les monarchies n’accepteront jamais. Elle est donc fermement opposée à l’idée d’une « OTAN arabe » anti-Iran voulue par Washington. Elle propose des mesures de désarmement conventionnel dans le Golfe mais veut y vendre des armes. En conclusion, la Russie conjugue Realpolitik et faible crédibilité. Le Concept de sécurité collective dans le golfe Persique a donc eu peu de retentissement, sauf en Iran et en Chine.

(Hormis les sources disponibles librement sur internet en texte intégral, les mémoires, articles et ouvrages cités sont consultables au CDEM, sous forme imprimée ou électronique via les bases Europresse, Cairn-revues,  L’Harmathèque, Military & Government Collection ou International Security & Counter Terrorism Reference Center selon les cas)


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