La bataille de Diksmuide
Il y a 110 ans les fusiliers marins du contre-amiral Ronarc’h s’illustraient autour et dans la ville de Dixmude, en Belgique. Du 14 au 16 octobre, une centaine de marins lorientais a quitté les rives du Blavet et du Scorff pour celles de l’Yser, afin de leur rendre hommage. Cols bleus les a accompagnés et retrace l’histoire de cette bataille dont le nom est porté par un porte-hélicoptères amphibie et figure en lettres d’or sur le drapeau du 1er régiment de fusiliers marins.
Mardi 15 octobre 2024. C’est à l’aube, sous un ciel « si bas qu’il fait l’humilité » et « si gris qu’il faut lui pardonner »*, qu’une centaine de marins se rassemble sur la rive ouest de l’Yser, à la sortie de Nieuport en Belgique. Ils sont élèves à l’École des fusiliers marins, membres de l’équipage de la frégate de défense et d’intervention (FDI) Amiral Ronarc’h, du bataillon et de la compagnie de fusiliers marins de Morsier et Brière, de l’état-major et de la flottille de réserve maritime, de la Force maritime des fusiliers marins et commandos, ou encore de l’amicale nationale des fusiliers marins et commandos. Cette colonne qui se forme est rejointe par une quinzaine de fusiliers marins belges. Sous l’œil intrigué des promeneurs matinaux, tous empruntent le chemin de halage et remontent l’Yser, direction Dixmude ! Cette marche de 15 kilomètres est la première étape des commémorations de la bataille dont le nom figure en premier sur l’avers du drapeau du 1er régiment de fusiliers marins.
Les demoiselles de la Marine
Le 5 août 1914, quatre jours après la déclaration de guerre, il est décidé de renforcer la police de Paris avec des marins. Un premier bataillon en provenance de Brest arrive à Paris dès le 13 août, il est rapidement rejoint par ceux de Rochefort, Cherbourg et Lorient. Parmi ce dernier, figurent 700 apprentis fusiliers marins dont les plus jeunes âgés d’à peine seize ans et demi seront surnommés « les demoiselles de la Marine » par les Parisiens. Les marins sont répartis dans deux régiments tous constitués de trois bataillons de 1 000 hommes chacun. Le premier régiment est confié au capitaine de vaisseau Delage, le second au capitaine de vaisseau Varney. Cette brigade, commandée par le contre-amiral Pierre-Alexis Ronarc’h, est renforcée par une compagnie de mitrailleuses de 15 sections. En octobre, la protection de Paris n’est plus d’actualité. Les Allemands sont sur le point de bousculer les défenses belges dans les Flandres. La Brigade y est envoyée en renfort.
* Extraits de la chanson, Le plat pays, de Jacques Brel
Photographie peinte de l'amiral Ronarc'h
Baptême du feu
Le 7 octobre, sept trains quittent la région parisienne, direction Dunkerque puis Gand pour y débarquer la brigade. C’est à Melle, bourgade de la banlieue de Gand, que les fusiliers marins reçoivent leur baptême du feu du 9 au 11 octobre. Le 15, après une marche épuisante, ils atteignent Dixmude. Avec 5 000 soldats belges, les 6 500 marins doivent y stopper trois corps d’armée allemands (entre 45 000 et 60 000 hommes) appuyés par une forte artillerie, alors que celle des Belges et des Français est quasi inexistante. Il faut vite creuser autour de la ville un demi-cercle de retranchements dont les deux extrémités s’appuient sur l’Yser. La rive gauche est également fortifiée car elle abrite les réserves, l’artillerie, le poste de commandement. Les attaques commencent dès le 16 octobre, de jour comme de nuit, toujours précédées d’un bombardement intensif. Le 19 octobre les fusiliers marins reçoivent l’ordre de se sacrifier et de tenir coûte que coûte pendant au moins quatre jours. Les tranchées sont prises, perdues, reprises, les combats furieux. Les faits d’armes sont nombreux, comme, par exemple, celui du lieutenant de vaisseau Sérieyx qui, blessé et fait prisonnier, est utilisé par les Allemands comme bouclier humain lorsqu’ils attaquent. Il s’échappe et regagne les lignes en franchissant l’Yser à la nage. Autre exemple, le quartier-maître Le Bellé qui à bord d’un radeau atteint une écluse sous le feux allemand et réussi à la faire sauter pour noyer les positions ennemies. Il rejoint ensuite les lignes françaises en franchissant le fleuve en apnée.
Repli stratégique
Le 26 octobre, la brigade reçoit le renfort de 1 200 tirailleurs sénégalais, mais du 6 au 10 novembre l’ennemi intensifie ses tirs d’artillerie. L’assaut final du 10 novembre force les hommes de l’amiral Ronarc’h à évacuer la ville désormais en ruines. Ils se replient sur la rive gauche de l’Yser après avoir fait sauter les ponts. Ils devaient tenir quatre jours, ils auront tenu quatre semaines. Les Allemands sont bloqués sur la rive droite. Ils y seront cantonnés car les Belges ont ouvert les écluses de Nieuport permettant ainsi à la mer de noyer les lignes ennemies. À l’issue de la bataille plus de la moitié des hommes de la brigade sont hors de combat : tués, blessés ou disparus. C’est pour ce fait d’armes qu’en janvier 1915 le président de la République, Raymond Poincaré, remettra officiellement à la brigade son drapeau, dont la garde est depuis confiée à l’École des fusiliers marins.
Commémorations
C’est vers 11 heures, en ce 15 octobre 2024 que la colonne atteint Dixmude et plus précisément le site historique du « boyau de la Mort » où a été construit un musée dédié aux combats de l’Yser. L’après-midi, Français et Belges se retrouvent sur la « grand place » pour une cérémonie militaire, présidée par le capitaine de vaisseau Gaëtan Gayraud, commandant l’École des fusiliers marins, en présence de la bourgmestre de Dixmude, Lies Laridon, et du capitaine de vaisseau Joseph Bergez, directeur des services de logistique et de soutien de la Marine belge. Le son des bombardes et des cornemuses du bagad de Lann-Bihoué, convié pour cette célébration, résonne sur les façades des maisons aux pignons à gradins bordant la place. Après une ultime cérémonie au monument dédié à l’amiral Ronarc’h et ses hommes, le moment est venu de faire plus ample connaissance entre fusiliers marins français et belges, d’autant que les liens vont être prochainement renforcés. « La spécialité de fusiliers marins, supprimée au cours des années 90, a été recréée il y a deux ans, annonce le capitaine de corvette Johan Proot, commandant les fusiliers marins belges. Tout est à rebâtir. Notre ambition est d’atteindre l’effectif d’une compagnie en 2030 et d’un bataillon en 2040. Pour cela, nous nous appuyons sur nos alliés qui ont cette compétence et ce savoir-faire. Par exemple, en 2025, trois de nos jeunes engagés devraient intégrer le cours du brevet d’aptitude technique dispensé par l’École des fusiliers marins à Lorient. » Une pérennité dans la proximité entre marines belge et française qui ne fléchit pas depuis 110 ans
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