Dans le sillage du...Vice-amiral d’escadre Alban Lapointe
Il aura suffi de quelques heures passées dans un sous-marin pour convaincre le jeune bordache d’embrasser les forces sous-marines. Trente-cinq ans de carrière et 23 000 heures de plongée plus tard, le désormais vice-amiral d’escadre Alban Lapointe est l’Inspecteur de la Marine nationale (IMN) depuis l’été 2024.
Ce missilier, qui visait un métier « très opérationnel, très humain et très technique », n’en finit pas d’explorer ce triptyque dans chaque poste occupé. Il explique à Cols bleus les enjeux de l’inspection, où l’on goûte tout autant l’inattendu de l’aventure.
En tant que commandant de deux sous-marins nucléaires d’attaque (SNA Rubis et Saphir) puis de deux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE Le Téméraire et Le Terrible), vous avez eu à gérer une énorme pression, peut- être inégalable. Cela vous aide-t-il aujourd’hui ?
Vice-amiral d’escadre Alban Lapointe : Nous sommes préparés pour ces postes-là donc je ne dirais pas qu’on a une pression extraordinaire. À la même époque, je connaissais un chef de service de réanimation pédiatrique qui vivait une pression similaire. En tant qu’inspecteur de la Marine nationale, lorsque je visite les unités, je ressens la pression que peuvent gérer tous les gens qui sont en responsabilité : elle n’est pas supérieure ou inférieure à ce que vit un commandant de SNLE. Le chef de quart dans un CROSS, le pilote d’hélicoptère ayant une difficulté avec sa machine, ou le commandant d’un bateau aujourd’hui en mer Rouge, expérimentent tous cette tension-là.
Quelles sont les grandes missions de l’IMN aujourd’hui ?
VAE A. L. : J’ai trois missions équivalentes. La première c’est l’audit. Chaque année, nous réalisons une quinzaine d’audits ou études, d’une durée de quatre à cinq mois, sur des sujets choisis par le chef d’état-major de la Marine (CEMM), ou qui ont émergé des questions reçues lors de nos visites des autorités de la Marine, territoriales, organiques ou centrales. Les sujets vont de l’articulation des normes de sécurité nucléaire et des normes de sécurité numérique à l’amélioration de la reconnaissance des marins civils ou militaires, en passant par la logistique des munitions aéronautiques dans la haute intensité. L’IMN héberge l’inspection des mesures de sécurité nucléaire, l’inspection de l’aéronautique navale et l’inspection de l’administration de la Marine.
Je veux pouvoir tout observer, y compris les gros dossiers. Avec l’accord du CEMM, nous allons faire cette année une étude sur l’état-major de la Marine, ce qui n’avait pas été fait depuis très longtemps. L’EMM est un TGV lancé à 350 à l’heure, un bâtiment de combat déjà en opération. Il est hors de question de le démonter en petites pièces en pensant leur montrer comment le remonter plus intelligemment. L’objectif d’un audit n’est pas de déranger, mais de déceler les quelques endroits qui rouillent, dont les marins ont d’ailleurs, souvent conscience. Nous apportons un regard diagonal différent du regard hiérarchique.
Quelle est la deuxième mission ?
VAE A. L. : Le pilotage des affaires réservées de la Marine. Historiquement, ce bureau dépendait de l’inspection de la Marine. Depuis l’été dernier, il dépend directement du cabinet du CEMM, comme dans les autres armées. Chaque semaine, durant une heure et demie, nous traitons avec la direction du personnel de la Marine d’affaires courantes plus ou moins urgentes, relevant des violences sexistes et sexuelles (VSS) jusqu’à la perte d’un ceinturon ou d’un gilet pare-balles, en passant par un accident nautique ou aérien. Certaines affaires donnent lieu à des flash-events et à des enquêtes. Nous traitons un peu plus de 520 affaires par an..
Parlons un peu des violences sexistes et sexuelles qui font partie des affaires réservées. Où en est la Marine sur ce point ?
VAE A. L. : La première étape fut la création en 2014 de la cellule Thémis pour le ministère. Dix ans plus tard, nouveau rebond, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a démontré une volonté très forte de mettre un frein total aux VSS. Il a demandé plusieurs études pour lancer une dynamique qui a replacé la victime au centre. L’aspect positif, c’est que les victimes parlent davantage. Un an après, le bilan sur les VSS montre qu’il y a davantage de plaintes. Cela ne signifie pourtant pas qu’il y a plus d’agressions car depuis le début, nous savions que nous étions sur un iceberg avec un nombre de cas connus très inférieur au nombre de cas réels et avec des niveaux de gravité différents. La parole se libère et c’est cela qu’il faut retenir.
Et la troisième mission ?
VAE A. L. : Ma visite au dernier kilomètre. Je me déplace pour enrichir ma double perception : ce qui est dit et décidé en central et sa compréhension en local. Cela va de l’autorité la plus haute jusqu’au plus jeune matelot en passant par les réservistes.
Combien de personnes vous secondent dans cette tâche ?
VAE A. L. : Une vingtaine de permanents, mais j’ai aussi des réservistes. Tous de cultures et de parcours différents. L’objectif n’est pas d’avoir 45 experts dans chaque spécialité, mais d’avoir des gens avec la tête bien faite en capacité de poser les bonnes questions, de soulever les bons sujets, de comprendre ce que dit la personne en face et surtout de ce qu’elle ne dit pas.
Une fois les rapports rédigés, que deviennent-ils ?
VAE A. L. : Ils sont adressés au CEMM puis transformés en plans d’action par le major général de la Marine, qui décide de garder tout ou partie de ce que je lui recommande. Dans 15 ans, le combat de haute intensité sera sur tous les champs. Cette lutte se fera dans un environnement inédit avec des bateaux qui tiendront compte de l’empreinte carbone, de l’élévation du niveau des mers et des tempêtes… Il faut réfléchir aujourd’hui aux choix qui nous permettront d’avoir le meilleur outil de combat à un prix acceptable pour la société. Cela signifie qu’il faut aussi être capable de l’entretenir. En même temps, il faut redonner énormément de liberté. C’est la seule manière de pouvoir accélérer. La subsidiarité est essentielle, tout comme la relation de confiance et la prise de risque. l
Bio express
1990 : Entrée à l’École navale
1997 : Diplômé de l’école de spécialité missiles sous-marins
2002-2003 : Commandant du patrouilleur La Glorieuse en Nouvelle-Calédonie
2008-2010 : Commandant des SNA Rubis et Saphir
2014-2016 : Chef du bureau OTAN à la direction générale des relations internationales et de la stratégie
2016-2017 : Commandant des SNLE Le Téméraire et Le Terrible
2017-2020 : Conseiller défense auprès de la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale
2020-2022 : Commandant de la base de défense de Toulon
2022-2024 : Commandant le centre interarmées de coordination du soutien
2024 : Inspecteur de la Marine nationale
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