Faire peau neuve - Le Charles en entretien intermédiaire

C’est un ballet parfaitement rôdé. 2 000 personnes œuvrent en même temps dans le grand bassin Vauban de la base navale de Toulon. Industriels, marins du Charles de Gaulle, du service logistique de la Marine et du service de soutien de la flotte unissent leurs savoir-faire pour sortir le plus rapidement possible le porte-avions Charles de Gaulle de son indisponibilité pour entretien intermédiaire (IEI). Depuis le 15 mai, le porte-avions est en effet entré dans une période d’arrêt technique.

Des manoeuvriers brossent les mailles démontables des chaînes du Charles © F. Fellous / Marine nationale

Des manoeuvriers brossent les mailles démontables des chaînes du Charles

Après plusieurs jours de manœuvre, cet immense navire dont la construction a été lancée en 1994 repose enfin sur la ligne de tins* au fond du bassin Vauban.

« Un petit peu plus à droite, doucement, stop ! » Sur le pont d’envol, près de 20 marins sont mobilisés pour l’installation de l’ensemble mobile de la catapulte latérale, pesant près de deux tonnes. Cette pièce est indispensable pour catapulter les aéronefs à la mer. « Nous avons changé des composants hydrauliques comme la vanne de lancement, nettoyé les cylindres de freinage et l’ensemble mobile indispensable au lancement des Rafale », détaille le maître principal Loïc, chef de section « catapulte latérale » sur le porte-avions. Lors d’un catapultage, de la vapeur sous pression est admise dans les cylindres de la catapulte. L’ensemble mobile, poussé par cette vapeur, entraîne l’aéronef sur 75 mètres pour lui faire gagner de la vitesse et lui permettre de décoller.

Le service « installations aviation » effectue d’autres maintenances à bord : usine O2, alimentation électrique ou encore aide à l’appontage, autant de modules qui nécessitent un entretien régulier. Près de 130 marins participent à cette importante mise à niveau, avec le soutien de prestataires américains.

Si le montage et le remontage de la catapulte latérale et des installations sont effectués par les marins à bord, le contrôle technique de l’ensemble mobile est conduit par Naval Group. Les marins effectuent ainsi une importante partie des travaux en collaboration avec la maîtrise d’œuvre industrielle qui possède une compétence technique sur certaines pièces du bâtiment. Un travail supervisé par le service de soutien de la flotte (SSF), maître d’ouvrage : « Nous établissons des contrats avec les acteurs industriels pour assurer l’entretien sur plusieurs années d’un type de bâtiment », explique le capitaine de corvette Thomas, chef de cabinet à la direction centrale du SSF. L’équipe responsable du porte-avions au SSF s’assure que les travaux sont réalisés en conformité avec les exigences contractuelles, en s’appuyant sur le suivi et la connaissance du terrain de l’équipage.

OBJECTIF 2038

Hélices, bouilleurs, hôpital, pont d’envol, coque, lignes de mouillage et structure du bâtiment : la rénovation du Charles concerne toutes les parties du navire jusqu’à l’amélioration des conditions de vie à bord de l’équipage, ce qui passe notamment par la réfection de postes et de la salle à manger des officiers-mariniers supérieurs. « Il y a des chantiers absolument partout », souligne le commissaire principal Olivier. L’objectif est d’entretenir régulièrement le navire jusqu’à l’arrivée du porte-avions nouvelle génération (PA-NG). Un véritable village s’est formé juste à côté du Charles pour permettre aux travaux d’avancer en un temps record. Les bureaux de l’équipage ont ainsi été déplacés sur le quai dans des locaux temporaires afin d’assurer la continuité du service, et sur la zone Vauban, un restaurant modulaire pouvant accueillir jusqu’à 900 couverts par repas a été ajouté.

UNE MISSION À PART ENTIÈRE

Pendant le cycle 2022-2023, le porte-avions Charles de Gaulle a beaucoup navigué et a participé à de nombreuses missions. Tout comme les déploiements, les arrêts techniques font partie de la vie du bateau. Ce sont des missions à part entière. Parallèlement à l’équipe industrielle, l’investissement de l’équipage est indispensable et total : « Il réalise des travaux mais assure également un travail de vérification à bord notamment avec la présence des équipiers “tâches de soutien en arrêt technique” (TSAT). Ce sont des marins dédiés à une tâche de surveillance en arrêt technique.  En clair, ils contrôlent les travaux effectués par l’industriel et vont le prévenir d’un potentiel danger afin de garantir la sécurité à bord », précise le commissaire. Les TSAT sont reconnaissables à leur gilet jaune et à la couleur de leur casque. Orange, bleu, vert ou rouge : chacun a une signification. Les orange possèdent un équipement de pompier léger en cas d’incendie à bord. Les bleus sont électriciens et vérifient que les installations ne sont plus alimentées. Les verts sont chefs d’équipe et les rouges quant à eux sont des marins rattachés au bureau prévention. Le maître Charlotte, quand elle n’occupe pas ses fonctions de COMLOG (comptabilité et logistique), est TSAT sur le porte-avions. Après cinq ans passés à bord en tant que MECAN lors d’une précédente affectation, elle possède désormais une bonne connaissance du bateau. Casque rouge vissé sur la tête, elle effectue des rondes dans le navire, qui lui permettent d’acquérir une vision globale d’un chantier à un autre. Le Charles grouille de monde et des centaines de personnes œuvrent à bord. Le moindre départ de fumée est risqué. Grâce à ses compétences techniques, le maître Charlotte seconde les équipes industrielles dans le domaine de la prévention.

REMETTRE LE BÂTIMENT À FLOT Après la sortie du bassin le 22 octobre, il est temps pour les marins de tester à la mer l’ensemble des installations et locaux ayant subi d’importants changements, pendant une semaine et en condition opérationnelle. L’occasion entre autres d’examiner les 160 manchons de coques et de s’assurer qu’ils ont été correctement mis en place. Tous les marins du Charles sont engagés dans cette période d’entretien.

*Blocs de bétons et de bois sur lesquels repose le navire.

Le Charles en entretien intermédiaire © F. Fellous / Marine nationale

Le Charles en entretien intermédiaire

Le Charles en entretien intermédiaire

RETOUR À LA PLEINE CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE

Le porte-avions Charles de Gaulle peut emporter jusqu’à 40 aéronefs à son bord qui peuvent intervenir depuis la mer. Pendant son IEI, le groupe aérien embarqué (GAE) n’est pas présent à bord ni à Toulon. Les flottilles des Rafale et Hawkeye doivent continuer leur entraînement, en autonomie, sur les bases aéronavales de Landivisiau et de Lann-Bihoué. Après sa période d’IEI, le Charles devra encore effectuer une importante phase de tests. Les aéronefs ne reviendront pas à bord avant le début de l’année 2024. Pour garder un lien entre ces deux entités, les marins du fleuron de la Marine française sont envoyés dans les bases aéronavales. L’occasion pour les nouveaux arrivants de se familiariser avec un avion de chasse, les brins d’arrêts ou encore les crosses d’appontages. Lorsque le cycle opérationnel sera réenclenché, les marins du ciel pourront être à nouveau projetés depuis le porte-avions. L’école d’aviation embarquée permettra alors de qualifier les jeunes pilotes à l’appontage, de jour comme de nuit.

Le Charles de Gaulle fait peau neuve © F. Fellous / Marine nationale

Le Charles de Gaulle fait peau neuve

Le Charles de Gaulle fait peau neuve


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