L’enfance de Roland sous l’occupation et la Libération : une enfance marquée par la guerre
Roland raconte ses souvenirs de l’occupation et de la Libération. Originaire de Saint-Manvieu-Bocage (Normandie), il nous replonge dans une époque bouleversante où la guerre côtoyait le quotidien rural.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre enfance ? Où avez-vous grandi, et comment était votre famille ?
Je suis né dans une famille d’agriculteurs, à Saint-Germain-de-Tallevende, une petite commune du Calvados, près de Vire. Au moment du Débarquement, Vire a été pratiquement rasée par les bombardements ; il ne restait qu’une rue, la rue du Calvados. Notre ferme, à environ 5-6 kilomètres au sud de Vire, était occupée par les Allemands. Ce fut une période dramatique.
Quel âge aviez-vous au moment de la Libération ?
J’avais six ans et demi. Les troupes américaines et la 2e DB sont arrivées en août 1944. J’ai gardé des souvenirs marquants de cette période, bien que certains détails me soient revenus grâce aux récits de ma mère.
Quel souvenir avez-vous de cette période ?
À la veille de la Libération, les bombardements s’intensifiaient. Une tranchée en « S » avait été creusée près de la ferme pour se protéger, mais l’affolement était partout. Je me souviens des chars américains qui arrivaient, des explosions et du ciel rougeoyant. Nous avons fui précipitamment sous les bombes, avec ma petite sœur de six mois dans un landau. Dans la confusion, nous l’avons perdu ! Heureusement, elle a été retrouvée quatre jours plus tard par une famille voisine nommée Blin.
Ce jour-là, nous nous sommes dirigés vers Mesnil-Clinchamps et nous avons passé la nuit à marcher. Les explosions secouaient toute la région et projetaient tout sur leur passage ! Des débris, de la vaisselle... On était pris dans une zone stratégique où la bataille faisait rage, avec des affrontements aériens et des bombardements incessants. La forêt de Saint-Sever proche, qui abritait des résistants, était également au cœur des combats.
« Nous avions découvert un stock de munitions abandonné par les Allemands »

Pendant la guerre, nous avions découvert un stock de munitions enfoui près du jardin légumier de la ferme. Il avait probablement été abandonné par les Allemands. Mon père avait aussi caché nos biens précieux dans un tonneau enterré pour les protéger. Lorsque les chars américains sont arrivés, nous avons fui dans la panique en laissant tout derrière nous.
L’occupation dans votre région semblait relativement pacifique. Est-ce vrai ?
Oui, dans notre campagne, les relations avec les Allemands étaient souvent cordiales. Certains voisins partageaient même leurs repas avec eux. Ils avaient des consignes strictes : se comporter correctement avec les civils. Cependant, nous savions que tout pouvait basculer rapidement.
Les Allemands n’étaient pas toujours brutaux. L’un d’eux jouait souvent avec moi et me faisait même tenir son fusil. Mais il y avait aussi des moments de tension. Je me souviens qu’un groupe d’Allemands a réquisitionné notre jument, Marquise, et la charrette de mon père. Ils sont revenus ivres, et Marquise était blessée, la bâche de la charrette en lambeaux. Mon père nous avait rassemblés, craignant des représailles.
Quelles images fortes gardez-vous de la Libération ?
Ce sont surtout les bruits et les lumières. Le ciel était marbré de rouge, on entendait des éclats lumineux de tous les côtés. Les avions, les forteresses volantes, les chasseurs T-6. C’était comme un feu d’artifice, mais terrifiant.
Complétez ce témoignage grâce aux articles des historiens de la Mission Libération !
👉 Regards d'historiens sur la LibérationQu’est devenue votre famille après la guerre ?
Nous avons quitté la ferme en 1950 pour reprendre celle de mes grands-parents à Landelles-et-Coupigny. Malgré les restrictions de l’après-guerre, nous étions relativement autosuffisants grâce à l’agriculture. Nous avions des vaches, des chevaux, un potager… Mais la vie restait rude. Mon père avait contracté la brucellose pendant la guerre, ce qui a compliqué les choses.
Quand avez-vous commencé à raconter vos souvenirs ?
J’en ai parlé d’abord avec des collègues de l’Institut national de la recherche agronomique où j’ai travaillé comme agent technique. Avec mes collègues, on échangeait beaucoup sur nos parcours. Mais c’est surtout en partageant mes souvenirs avec mes proches, notamment mes enfants et petits-enfants, que j’ai pris conscience de l’importance de témoigner.
« C’est en partageant mes souvenirs avec mes proches que j’ai pris conscience de l’importance de témoigner »

Un dernier mot sur cette période ?
Ce qui me frappe encore, c’est à quel point la guerre a touché des vies simples, comme la nôtre. Aujourd’hui, il faudrait collecter les témoignages de ceux qui restent, aller sur place, prendre des photos de la colline où était notre ferme, pour ne pas perdre ces fragments d’histoire.
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