[Vidéo] Se préparer à affronter un afflux massif de blessés

Direction : Santé / Publié le : 26 février 2025

Maîtriser les gestes techniques dans une situation dégradée et dans un contexte tactique complexe est le mot d’ordre de la formation suivie par une dizaine d’interne des hôpitaux des armées, à l’École du Val-de-Grâce. Cet entraînement intensif constitue une étape clé pour les futurs médecins militaires. Rencontre.

Reportage : Emmanuelle NDOUDI. Publication : 26/02/2025

Manoeuvre d'intubation

Sur le parking de l’École du Val-de-Grace, à Paris, des internes des hôpitaux des armées traitent en urgence des hémorragies, des problèmes d’obstruction des voies respiratoire… Ils sont une dizaine d’internes à suivre le stage de mise en condition de survie du blessé de guerre, appelé MCSBG, en janvier 2025.

Entre apprentissage des gestes de sauvetage, gestion du stress et adaptation aux environnements dégradés, cet entraînement intensif constitue une étape clé pour ces futurs médecins militaires. Valable trois ans, il leur assure la maîtrise des procédures de prise en charge de blessés en opérations extérieures et est un prérequis pour les départs en opérations extérieures.

Chaque année, l’Académie de santé des armées réalise une cinquantaine de stages de cette nature, à destination des internes des hôpitaux des armées. Rencontre avec deux formateurs et deux internes.

IHA Manon, en 3e année de médecine générale et interne dans le service d’aide médicale urgente du Val-d’Oise (SAMU 95 à Pontoise)

IHA Manon, en 3e année de médecine générale © BCISSA

« J’avais très hâte de participer au stage de MCSBG. Grâce à la partie théorique, j’ai révisé les compétences en matière de sauvetage au combat de niveau 3. Cette première phase a renforcé ce que nous avions déjà appris aux Écoles militaires de santé de Lyon-Bron (EMSLB). Les formateurs nous ont ensuite donné la possibilité de réaliser des travaux pratiques et des simulations pour s’entraîner aux gestes de sauvetage. Les exercices ont progressivement monté en intensité.

Grâce à cette formation, nous avons appris à maîtriser les techniques, à mieux organiser notre espace et à s’adapter au terrain. L’environnement prime sur le reste et notre mission était de savoir gérer notre espace, peu importe les obstacles. La répétition des gestes et techniques crée des automatismes auxquels se raccrocher lorsque le climat dégénère. Ce stage m’a apporté de réelles stratégies en matière d’organisation, une notion essentielle dans un contexte dégradé.

J’ai choisi la carrière de médecin militaire, il y a déjà 10 ans. En intégrant l’EMSLB, j’ai découvert les valeurs de la militarité dont l’esprit de corps et la cohésion de groupe. D’un point de vue professionnel, j’ai été séduite par la diversité des parcours et des débouchés possibles. Pour ma part, je me suis spécialisée dans la médecine des forces, il y a trois ans. J’avais à cœur de faire de la médecine de terrain, en antenne médicale ainsi que sur les théâtres d’opérations, au service des militaires. C’est un parcours exigeant, qui incite à cultiver une ouverture d’esprit et une flexibilité ».

IHA Sacha, en 3e année de médecine générale et interne dans le service de réanimation à l’Hôpital national d’instruction des armées de Percy

IHA Sacha, en 3e année de médecine générale © BCISSA

« La formation constitue une véritable ressource pédagogique pour les étudiants. C’est l’occasion pour nous, internes des hôpitaux des armées, d’observer et d’apprendre pour être plus aguerris, en condition réelle. Nos enjeux sont pluriels : nous devons aller chercher les blessés et les mettre en sécurité, prodiguer des soins efficaces tout en gérant la pression et le stress. J’ai déjà eu l’occasion de réaliser des simulations, mais le stage MCSBG était un exercice à l’intensité mentale et physique inédite.

La pression était très importante en amont, mais lorsque nous avons été projetés dans l’exercice MASCAL (gestion d’un afflux massif de blessés), le stress était devenu un élément contextuel secondaire. Nous nous sommes raccrochés aux méthodes et automatismes acquis lors de nos études et de la première partie théorique du stage.

La formation représente ainsi un puits d’outils tactiques pour le médecin militaire. Je repars avec une meilleure méthodologie et un sens de l’organisation sur lequel m’appuyer, en période de chaos. Ces outils nous aident à conserver notre sang-froid et à optimiser nos réflexions, souvent altérées par le stress ou la précipitation. Enfin, le débriefing que nous avons réalisé avec les formateurs nous aide à prendre du recul et faire un bilan des conseils à retenir.

Malgré l’exigence de l’engagement et la longueur des études, je ne regrette pas d’avoir opté pour la médecine militaire. C’est un métier qui me passionne et a du sens. Je conseille, à toutes les personnes intéressées, de se renseigner et de persévérer afin de ne pas se laisser démotiver face à un obstacle ».

Médecin chef des services de classe normale Éric d’Andigné, référent médical du CESimMO

Médecin chef des services de classe normale Éric d’Andigné

« Le stage MCSBG existe actuellement dans quatre antennes du centre d’enseignement et de simulation à la médecine opérationnelle (CESImMO) en France métropolitaine à Paris, Lyon, Toulon et Bordeaux. Pour ma part, j’accompagne et coordonne en priorité les formations qui se tiennent à Paris, sur le site de l’École du Val de Grâce, mais aussi sur les autres antennes. Je suis de près ces stages pour les faire évoluer selon les retours d’expériences des guerres d’aujourd’hui dans le monde, des crises en France et de l’état de la science.

Chaque année, les quatre antennes du CESimMO forment une promotion entière d’internes militaires, à raison d’une douzaine à une quinzaine d’élèves à chaque session organisée. Les étudiants inscrits à ces stages ont accès aux cours en ligne afin de préparer en amont. Le premier jour du stage, nous leur faisons passer une évaluation afin de tester leurs connaissances. Les étudiants s’inscrivant à ces stages ont accès à des leçons en ligne afin de réviser en amont. L’objectif de ce stage n’est pas de les armer techniquement, mais de les aider à maîtriser les gestes techniques qu’ils connaissent, dans une situation dégradée et dans un contexte tactique.

Chaque formateur que nous sommes suit chacun un stagiaire dans leur exercice de gestion d’afflux massif de blessés, en faisant évoluer les blessés en fonction de leur prise en charge : si elle est conforme, le blessé fictif s’améliore, si elle est non conforme le blessé s’aggrave pour les pousser dans leurs réflexions.  L’intérêt, en tant que formateur, est de participer à la transmission bienveillante des savoirs et des expériences que l’on a vécues. Le 25 juillet 1995, par exemple, j’ai fait partie des équipes projetées lors de l’attentat de la rue Saint-Michel. Nous avions dû gérer un afflux massif de blessés, tout en gardant notre sang-froid.

Grâce aux nombreuses expériences des formateurs, à la pédagogie par la simulation qu’ils maitrisent et aux militaires de l’opération Sentinelle, le CESimMO réalise des stages et des scénarios les plus proches possible de la réalité, afin d’optimiser la formation de nos étudiants militaires. Le très haut niveau de simulation permet aux apprenants d’acquérir une méthode partagée par tous les combattants et soignants (Safe Marche Ryan) avant d’être confronté à la réalité, et surtout de retenir les pièges, les écueils et leurs points perfectibles en situation de stress sur le terrain ».

IAHA 2G Dominique, infirmier anesthésiste réserviste au Service de santé des armées, affecté au CESimMO de l’École du Val-de-Grâce.

IAHA 2G (R) Dominique, infirmier anesthésiste réserviste au Service de santé des armées

« Titulaire d’un diplôme universitaire de pédagogie en simulation, j’accompagne trois fois par an les stages MCSBG à destination des internes des hôpitaux des armées, depuis 2019. Cette formation est spéciale car elle s’adresse à un public averti, disposant déjà d’un corpus de connaissances solides, en ce qui concerne les techniques de sauvetage au combat, tel que la méthode « Safe Marche Ryan ».

Selon mes observations, la difficulté majeure qui se présente aux internes concerne le triage. Si la réalisation de soins pré-hospitaliers sur un patient unique fait partie de leur quotidien, continuer d’assurer ces soins sur plusieurs blessés constitue un enjeu tactique complexe. L’exercice MASCAL rassemble donc des soignants praticiens mais également des médecins et infirmiers qui revêtent, pour l’occasion, un rôle de leader. La gestion purement tactique d’une situation sanitaire ajoute une pression supplémentaire, en raison de la pluralité des paramètres à enregistrer.

Pour les étudiants, ce stage constitue un apport de compétences tactiques important. Les soignants militaires apprennent à collaborer avec les combattants, qui sont formés au sauvetage au combat de niveau 1. La formation MCSBG les sort de leur quotidien d’internes et leur offre l’opportunité de développer une véritable expertise de terrain. Ils travaillent sur des plastrons ou des mannequins, font parfois des erreurs, mais surtout s’améliorent. À l’issue de ce stage, les internes des hôpitaux des armées repartent avec une véritable expérience, à partir des erreurs qu’ils commettent.

En tant que réserviste, je réalise également des stages en anesthésie d’urgence pré-hospitalière, dans le secteur civil. Infirmier anesthésiste au quotidien, être formateur donne un sens et une utilité supplémentaires à ma vocation de soignant. »

 


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