Cybercombattantes : qui sont ces femmes qui luttent contre les cybermenaces ?

Expérience, parcours, conseils : nous sommes allés à la rencontre de trois professionnelles du milieu qui ont évolué et évoluent encore au sein des armées et notamment du Commandement de la cyberdéfense (COMCYBER) : le lieutenant (LTN) Anna, analyste en renseignement cyber ; le commandant (CDT) Céline, adjointe au chef d'une cellule de veille cyber ; ainsi que Clara, experte en investigation numérique à la Direction générale de l'armement (DGA) et réserviste du COMCYBER.

Cybercombattante devant un rafale © COMCYBER

S’orienter vers la cyber, une évidence ?

Si certaines ont grandi avec un attrait naturel pour les technologies, d’autres ont découvert la cyberdéfense presque par hasard. Le commandant Céline savait qu’elle voulait faire un métier qui sortait de l’ordinaire mais elle n’avait pas particulièrement d’intérêt pour la cyber. Une opportunité dans les transmissions s’est présentée à elle lorsqu'elle a ouvert les portes des armées. Ensuite, c'est une formation de linguiste qui lui a permis de rentrer dans le monde du renseignement.

« Sur un salon étudiant, j’ai été au stand de l’armée par curiosité et ça m’a plu. On m’a dit de revenir dès que j’aurai le bac en poche et c’est ce que j’ai fait ! »

Commandant Céline

  • Adjointe au chef d'une cellule de veille cyber

Clara, au cours de ses études en ingénierie informatique, réalise qu’elle souhaiterait travailler dans l’un des deux domaines qui étaient, selon elle, « ceux où la cyberdéfense est un véritable enjeu » : la santé ou les armées. Comme pour le commandant Céline, c’est une opportunité professionnelle qui s’est présentée à elle qui lui a permis d'entrer dans les armées en tant que civile de la défense.

Le lieutenant Anna, pour sa part, a découvert la cyber sur le terrain, et pas n’importe lequel. Elle intègrera d’abord la grande école des officiers de l’armée de Terre, l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan (l’école spéciale militaire de Saint-Cyr), pendant trois ans. Et c’est lors de ces classes qu’elle se passionne pour la cyberdéfense et choisit avec audace cette spécialisation peu traditionnelle. À la différence de Clara et du commandant Céline, l’engagement militaire était pour elle une vocation de longue date.

« J’ai toujours su que je voulais m’engager dans l’armée, c’est pour cela que j’ai fait une prépa militaire à Saint-Cyr. C’est une vocation pour moi et pourtant je n’ai aucun membre de ma famille qui est militaire. »

Lieutenant Anna

  • Analyste en renseignement cyber

Cybercombattants devant des ordinateurs © COMCYBER

La richesse des expertises en cyber

Chaque jour, ces femmes jouent un rôle clé dans la protection et la défense des systèmes d’information du ministère mais aussi des rôles de commandement au sein des opérations.

« Être analyste en renseignement cyber c’est faire de la veille, s’informer sur ce qui se passe ailleurs dans le monde, on lit beaucoup de contenu que l’on analyse. Avec tout ça on peut faire des portraits robots des menaces. »

Lieutenant Anna

  • Analyste en renseignement cyber

En tant qu’experte en investigation numérique, Clara s’occupe de rechercher des traces d’attaques dans des fichiers sensibles. Elle cherche à savoir si les systèmes d’information ont été attaqués et s’ils le sont encore. Son travail consiste aussi à comprendre comment les attaquants ont procédé pour s’infiltrer dans ces systèmes. 

« Une grande partie de notre travail se fait en groupe, on doit mettre en commun ce que l’on trouve pour pouvoir réagir au mieux. »

Clara

  • Experte en investigation numérique

Être dans une position de commandement, c’est répondre au quotidien aux sollicitations des équipes, concernant, par exemple, les formations. Mais c’est aussi « mettre de l’huile dans les rouages pour que les subordonnés puissent remplir leurs missions » comme nous l’explique le commandant Céline qui est régulièrement au contact de services de renseignement, avec qui ses équipes doivent collaborer.

Aux côtés de ces métiers techniques, on trouve aussi des profils spécialisés en droit cyber ou encore des analystes diplômés en géopolitique dont les missions sont toutes aussi importantes. Ce sont d’ailleurs ces métiers d’appétence littéraire qui comptent le plus de femmes en cyber au sein des armées.

Exercice cyber avec plusieurs cybercombattants © COMCYBER

S’imposer dans un milieu historiquement masculin dans une spécialité technique

Choisir la cyberdéfense, c’est opter pour une spécialisation passionnante et porteuse d’enjeux. Mais c’est aussi choisir une carrière où la parité homme-femme reste un défi. Pourtant, les cybercombattantes rencontrées expliquent qu’une fois en poste au sein des armées, elles ont su prouver leur valeur et asseoir leur légitimité grâce à leurs compétences. 

« Depuis que je travaille ici, on ne m’a jamais fait sentir que je valais moins parce que je suis une femme, on me traite pour mes compétences. »

Lieutenant Anna

  • Analyste en renseignement cyber

Une évolution positive des mentalités dans la société

Si dans le passé, démontrer sa légitimité, pouvait être un challenge, aujourd'hui l’environnement change au profit des femmes qui choisissent de faire de la cyberdéfense. Le commandant Céline explique que lorsqu’elle s’est engagée, le taux de présence des femmes dans les armées françaises était proche de 10% des effectifs en raison de quotas de recrutement imposés. Mais, depuis 1998, ces quotas ont été supprimés et les femmes se sont donc vu accorder une place plus importante au sein des armées. Aujourd'hui, les armées françaises comptent 17,3% de femmes dans leurs rangs, et atteint même 23,2% dans l'armée de l'Air et de l'Espace. Ce chiffre, en constante augmentation, fait de la France la quatrième armée la plus féminisée au monde

Aujourd'hui, de plus en plus d'initiatives sont mises en place pour encourager les femmes à se lancer dans les carrières cyber, comme Les Cadettes de la cyber ou encore le challenge Passe Ton Hack d'Abord.

Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Le ministère des Armées s’est engagé dans une politique volontariste pour faire progresser l’égalité et la mixité professionnelles entre les femmes et les hommes, mais également pour conduire une gestion des ressources humaines exempte de discriminations.

Pour en savoir plus

L’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle : pire ou meilleure dans les armées ?

Trouver un équilibre entre l’engagement professionnel et la vie personnelle est un défi constant pour tout le monde. Mais dans les armées et au contact d’informations sensibles, maintenir un équilibre est essentiel. Pour le lieutenant Anna, il faut avoir une bonne compréhension des contraintes que représentent l’engagement militaire (devoir de disponibilité, astreintes…) avant de s’engager. 

De plus, lors de prises de décisions importantes, la concertation en famille est essentielle. Le commandant Céline partage également cet avis, pour elle la communication avec sa famille est primordiale afin de trouver le juste équilibre.

Clara est contrainte à des règles strictes concernant son métier. « Dans mon métier, on n’a pas seulement le droit à la déconnexion, on a surtout un devoir de déconnexion. Je ne peux pas ramener mon travail à la maison » nous explique-t-elle. Dans un métier aussi sensible que le sien, elle ne peut pas se permettre de risquer une fuite d’information confidentielle. 

Cybercombattante pendant un exercice cyber © COMCYBER

Conseils aux futures cybercombattantes

S’engager dans l’armée comme militaire ou y travailler en tant que civil de la défense peut parfois sembler intimidant, mais pour les cybercombattantes qui y travaillent déjà, le message est clair : il faut oser !

Le commandant Céline insiste sur l’importance de la curiosité et de l’audace. Elle-même ne s’attendait pas à en arriver là, mais elle a su saisir des opportunités et se spécialiser dans le renseignement. Son conseil pour les prochaines générations, c’est de ne pas avoir peur de se tromper. Tout le monde ne réussit pas au premier essai et ce n’est pas une fatalité. Elle rappelle à plusieurs reprises que la cyberdéfense est un milieu riche avec des profils variés et une multitude de métiers, bien loin de l'image stéréotypée du « geek » à capuche derrière son écran.

Le lieutenant Anna et Clara insistent également sur le caractère unique des missions militaires en cyber : « Ce que l’on voit ici, on ne l’aurait jamais vu dans le civil ». Les cyberattaques que Clara traite sont bien différentes de celles visant les entreprises privées, ce qui rend ses missions plus captivantes Leurs conseils pour les jeunes femmes est de ne pas s’autocensurer et de comprendre que les métiers techniques ne sont pas genrés. Pour elles, tout repose sur un état d'esprit : « si l'on part du principe que rien ne peut nous arrêter, alors aucun obstacle n'est insurmontable ».

Au final, les cybercombattantes interrogées s’accordent toutes sur un point : la place des femmes dans la cyber et dans les armées ne se discute pas car elle est une évidence. Ce qu’il faut pour y évoluer : avoir envie, la capacité à saisir les opportunités, à oser, s’appuyer sur ses compétences et convictions. La cyberdéfense militaire est un collectif où chacun a sa place. 

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