1870-2025 : Strasbourg et le renseignement militaire, 155 ans d’histoire commune
Le 18 juillet 2025 marquera un tournant dans l’histoire de la Direction du renseignement militaire : les derniers agents de son Centre de formation interarmées au renseignement installés à Strasbourg quitteront définitivement la cité alsacienne pour rejoindre leurs collègues sur le pôle interarmées Creil-Senlis. L’occasion de revenir sur la place centrale occupé par le renseignement militaire à Strasbourg.
Strasbourg, ville-témoin des guerres franco-allemandes et haut-lieu du renseignement militaire et intérieur depuis 1870
En première ligne face à l’Allemagne, Strasbourg a longtemps été une ville d’intérêt stratégique pour la défense du territoire national. Occupée une première fois par l’armée allemande avec l’Alsace et la Lorraine en 1870, la ville est de nouveau prise en 1940, jusqu’à sa libération par la 2e division blindée du général Leclerc le 23 novembre 1944, qui tenait ainsi son serment de Koufra.
Pendant toute cette période, Strasbourg représente un centre d’espionnage militaire de premier plan. Deux générations d’agents du renseignement s’y affrontent jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, l’arrestation de Guillaume Schnæbelé en 1887 par les autorités allemandes faillit déclencher une guerre entre la France et l’Allemagne, si ce n’était l’habileté politique du président Jules Grévy, qui parvint à désamorcer la crise.
Après la Grande Guerre et la libération de Strasbourg par l’armée française le 22 novembre, la ville reste un théâtre de la guerre secrète franco-allemande. En parallèle des missions réalisées par le renseignement militaire et en dépit de ses réorganisations successives, la police spéciale des chemins de fer du ministère de l’Intérieur contribue ainsi à la traque des espions allemands jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Des officiers compétents obtiennent des résultats importants grâce à un recrutement de sources nombreuses et diversifiées.
La caserne Stirn, centre de formation militaire et véritable « lieu de mémoire » des armées
Construite par l’armée allemande entre 1884 et 1887, la Manteuffelkaserne est conçue comme une vitrine de l’urbanisme prussien dans une visée d’excellence et de rayonnement. Après la Seconde Guerre mondiale, rebaptisée caserne Stirn, elle devient un lieu de formation des armées françaises. Elle doit son nom au général Jean-Paul Ernest Stirn, d’origine alsacienne, tué le 12 mai 1915 à son poste de commandement à la tête de la 77e division, poste auquel il avait nommé la veille.
Dans un effort de renouvellement des formations des armées, le général de Lattre de Tassigny crée l’Ecole des cadres Rouffach en 1945. L’année suivante, l’Ecole des sous-officiers prend sa relève à l’Esplanade de Strasbourg, et ce jusqu’à la fin de l’année 1958. A partir de cette date, l’Ecole militaire de Strasbourg s’installe dans la caserne Stirn, en en faisant pleinement un lieu de formation et d’instruction militaire.
L’évolution des formations au renseignement d’intérêt militaire : de l’Eirel au CFIAR
Le 1er septembre 1985, l’Ecole interarmées du renseignement et des études linguistiques (Eirel) est créée à Strasbourg. Sa mission principale : dispenser au personnel de la défense la formation en matière de recherche et d’exploitation du renseignement, comme de connaissances linguistiques. Pour marquer son ancrage historique dans le renseignement militaire, l’Eirel baptise sa salle d’honneur du nom du général Louis Rivet, chef des services spéciaux militaires français de 1936 à 1944. Après la chute du mur de Berlin, s’ouvre la période des Opex : l’Eirel contribue notamment à l’opération Daguet en Irak en 1991, avant que la lutte contre le terrorisme ne vienne faire évoluer les formations, renforçant par exemple l’enseignement de la langue arabe.
Le 1er janvier 1994, l’Eirel est rattachée à la Direction du renseignement militaire (DRM), créée en 1992. Deux ans et demi plus tard, le 1er juillet 2006, le Centre de formation interarmées au renseignement (CFIAR) lui succède dans le cadre de la restructuration de l’administration centrale de la DRM. En 2021, la portion centrale du CFIAR déménage à Creil, où travaille la plus grande partie du personnel de la DRM*. Le 27 juin 2024, une cérémonie se tient à la caserne Stirn pour commémorer quatre décennies de formation des linguistes d’écoute à Strasbourg, lesquels sont devenus des « linguistes du renseignement ».
Et maintenant ?
Après le départ définitif du CFIAR ce 18 juillet 2025, les murs de la caserne Stirn reviendront définitivement à l’armée de Terre, mais toujours sous le sceau du renseignement d’intérêt militaire, au travers des états-majors et des unités qu’elle abrite : le Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement, la Brigade de renseignement et de cyberélectronique et le Centre du renseignement Terre.
De son côté, totalement regroupé à partir du 21 juillet sur le pôle interarmées de Creil-Senlis, le CFIAR poursuivra sa mission : former des spécialistes de la recherche et de l’exploitation du renseignement, parmi lesquels les linguistes perpétueront l’héritage militaire et historique transmis jadis dans les murs de la caserne Stirn.
* La DRM est également présente à Paris-Balard, au siège du ministère des Armées.
Zoom sur le CFIAR
Le CFIAR est l'"école" du renseignement militaire.
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