Les espaces communs : Enjeu de puissance du XXIe siècle

La maîtrise des fonds marins, de l’espace exo-atmosphérique et du cyberespace apparaît aujourd’hui comme l’un des grands enjeux du XXIe siècle. La Marine, naturellement présente dans ces trois espaces, s’adapte à la multiplication des menaces qui pèsent sur ces derniers et exploite les nouvelles opportunités qu’ils offrent. Elle fait évoluer sa doctrine et se dote des moyens capacitaires et humains nécessaires pour investir pleinement ces espaces communs.

Les espaces communs © Marine nationale

Une monté en puissance des menaces

La problématique de la maîtrise des fonds marins (exploration, exploitation des ressources) n’est pas nouvelle. Ce qui est récent, en revanche, c’est que les rapports de force se multiplient dans cet espace abritant des installations sensibles, dont les câbles sous-marins, véritables artères des réseaux mondiaux de télécommunications.

La Marine est présente dans l’espace exo-atmosphérique depuis un demi-siècle. Ses missiles balistiques y transitent et elle utilise depuis plusieurs décennies les satellites pour la navigation, la communication et le renseignement. Aujourd’hui, les acteurs, étatiques ou non, capables d’opérer dans l’espace, sont de plus en plus nombreux. L’espace se militarise, il devient, comme la mer en son temps, un nouvel espace d’opérations pour la Marine ; « la guerre antisatellite est une réalité »2.

Dans le domaine cybernétique, le constat est identique. Si la « numérisation » du monde, entamée depuis une vingtaine d’années, a doté la Marine de nouveaux outils, elle a aussi progressivement augmenté sa vulnérabilité cyber. Face à la multiplication des risques d’attaques, à des fins d’entrave, de renseignement ou d’influence, la Marine a adopté une posture de cyberdéfense permanente.

Espaces communs, enjeux communs

Ces trois espaces partagent trois grandes caractéristiques, qui structurent les actions qui y sont menées :

• leurs dimensions tout d’abord – matérielles ou non – qui offrent aux objets (câbles, robots sous-marins, satellites...) ou aux informations qui les peuplent ou qui y transitent des espaces immenses, le plus souvent sans obstacle physique. Cette absence de barrière est aussi juridique : la faiblesse du droit qui les régit est une force pour les perturbateurs de l’ordre établi ;

• ils ne sont accessibles qu’à la condition de maîtriser certaines technologies et d’avoir accès aux infrastructures et aux moyens matériels correspondants, privés ou publics (lanceurs spatiaux, capacités d’exploration hydrographique, drones sous-marins, serveurs informatiques, missiles...) ;

• la compétition et la confrontation en leur sein revêtent des formes nouvelles, dans un contexte marqué à la fois par la résurgence de la compétition entre grandes puissances et l’émergence de nouveaux acteurs, étatiques ou non. Leur immensité et la possibilité de s’y mouvoir de façon continue et d’y agir sans être vu autorisent de nouveaux modes d’action : politique du fait accompli ; possibilité de mener des actions difficilement attribuables, sous le seuil du conflit armé ; hybridité (combinaison d’actions militaires et non militaires, déclarées ou non...).

1. « Vers une nouvelle lutte pour la domination des espaces communs ? » – Revue de la Défense Nationale n°805, décembre 2017.

2. Allocution de Florence Parly, ministre des Armées, sur la stratégie spatiale française de défense. Ministère des Armées (@Defense_gouv) 25 juillet 2019.

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