L’armée de champions

Il était une fois... le bataillon de Joinville

Onze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, une unité de l’infanterie baptisée « Bataillon de Joinville » voit le jour dans l’ancienne École normale militaire de gymnastique de Joinville-le-Pont. Ce n’est pas anodin. La France qui a pris en 1948 la tête du conseil international du sport militaire (CISM) prône le sport comme ferment de paix.

Bataillon de Joinville © Marine nationale

Bataillon de Joinville

Alors que la plupart des jeunes Français sont tenues de faire leur service militaire, l’unité propose aux meilleurs athlètes du pays, dès 1956, de poursuivre leur entraînement sportif dans un cadre militaire. Les fédérations sportives y voient un fantastique tremplin pour leurs futurs champions. Tout en remplissant leurs obligations militaires, les jeunes sportifs bénéficient de conditions optimales (encadrement technique de qualité, entraîneurs civils performants, cadres militaires qualifiés et émulation avec la présence des meilleurs athlètes). À partir de 1967, le bataillon se délocalise au sein de l’École interarmées des sports de Fontainebleau sur le camp Guynemer. 54 fédérations délégataires y envoient de 450 à 550 jeunes athlètes.

Une pépinière de champions

Les champions passés par le bataillon de Joinville sont légions : le cycliste Jacques Anquetil, le footballeur Michel Platini, le vainqueur de Roland Garros Yannick Noah, le lutteur Ghani Yalouz, le judoka David Douillet, l’escrimeur Jean-François Lamour ou encore le perchiste Jean Galfione.

En 2002, fin de la conscription : fin de l’histoire ? L’idée avait trop de qualités pour ne pas survivre. Douze ans plus tard, le Bataillon renaît de ses cendres sous une appellation modernisée et sans équivoque : l’armée de Champions. Officiellement École interarmées des sports, elle chapeaute alors 118 athlètes valides et 15 para sportifs, dans 21 disciplines. Elle est divisée en deux compagnies : d’un côté, les disciplines estivales regroupant 22 fédérations sportives au sein de l’École interarmées des sports, de l’autre les disciplines hivernales au sein de l’équipe de France militaire de ski. Sous contrat avec les armées, ils dépendent du centre national des sports de la défense (CNSD), sorte de Prytanée sportif, à la fois siège administratif et lieu de rencontres ouverts sur l’Agora représentée par la « Place d’armes des Joinvillais » du camp Guynemer de Fontainebleau.

En 2019, deux ans après que Paris a officiellement obtenu l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, le CNSD signe un protocole de soutien à l’événement. Ce protocole voit plus loin que les Jeux, il entend poser les jalons d’une collaboration étroite, dans la durée, entre les ministères des Armées et de l’Intérieur (gendarmerie nationale) et le mouvement sportif. L’État s’engage à soutenir l’innovation dans les secteurs de la recherche, du développement et du handicap en particulier.

Un palmarès élogieux

Depuis la création du bataillon, les 20 500 athlètes du contingent ont rapporté 45 médailles olympiques, 312 titres mondiaux civils ou militaires et 952 titres nationaux ou internationaux. Ce palmarès fait de lui un fabuleux ambassadeur de la France aux quatre coins du monde, dans la francophonie et au delà. En 2024, ce sont plus de 220 sportifs de haut niveau qui se sont engagés, parmi lesquels le maître Charline Picon (Marine nationale) avec une cinquième participation aux JOP de cette année, les nageurs Alain Bernard et Hugues Dubosc (gendarmerie nationale), Martin Fourcade (biathlon, armée de Terre), ou encore la double médaillée olympique Clarisse Agbegnenou (gendarmerie nationale). La dynamique lancée il y a près de 65 ans n’est pas prête de s’essouffler.

 

Dans le sillage du…

Commandant Erwan Lebrun, chef du bataillon de Joinville

Cols bleus: En quoi consiste votre rôle à la tête du bataillon de Joinville ?

Commandant Erwan Lebrun : Il est proche de celui d’un commandant d’unité. Je commande les sportifs de haut niveau de la défense (SHND), d’un point de vue administratif, et je dois leur fournir une formation militaire adaptée, sur la phase d’incorporation et tout au long de leur engagement.

C. B.: Quels sont les prérequis pour ce poste ?

CDT E. L.: Connaître le sport militaire et le mouvement sportif français pour naviguer d’une sphère à l’autre. Nous devons faire comprendre au sportif qu’il est militaire, et aux militaires que les sportifs sont en quête de performance et doivent tout mettre en œuvre pour y parvenir. Lors des Jeux, la planification d’entraînement est très fine. La moindre sollicitation extérieure peut perturber la performance, à l’instar d’un soldat qui se prépare à aller en opération militaire. Leur métier, comme celui du militaire, est d’être prêt physiquement pour être performant sur leur mission : la compétition.

C. B.: Comment préparez-vous cette armée de Champions ?

CDT E. L.: Le bataillon de Joinville ne les prépare pas physiquement, ce n’est pas notre mission. Nous sommes là pour les accompagner, travailler sur l’entraide, l’esprit d’équipage, le dépassement de soi. Pendant nos stages de formation militaire, nous les mettons dans une situation parfois inconfortable pour qu’ils réussissent à transposer leurs qualités lorsqu’ils en auront besoin. L’objectif est de les sortir de leur zone de confort, en jouant sur la qualité d’hébergement, le rythme, le sommeil, l’alimentation.

C. B.: Quelles disciplines allez-vous suivre pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques ?

CDT E. L.: Dans le cadre de ma mission, je vais suivre bien entendu l’ensemble des sportifs de haut niveau. D’un point de vue plus personnel, en tant que judoka et directeur des équipes de France militaires de judo, j’aurai forcément un regard attentif sur cette discipline qui reste mon sport de prédilection !

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