Une rénovation hors norme
Rendez-vous a été donné vendredi 17 novembre au Palais de Chaillot, place du Trocadéro à Paris. Durant trois jours, le public est invité à venir découvrir gratuitement le résultat de cette vaste restauration.
Sont aussi bien conviés les passionnés de la Marine que les néophytes, les amateurs d’art, de sciences, ou encore les férus d’Histoire. « Ce nouveau musée s’adresse à tous, et notamment aux jeunes générations », confie son directeur, le commissaire général de 1re classe (CRG1 [2S]), Vincent Campredon. Dans ce décor entièrement repensé, le visiteur aura l’occasion de découvrir ou de redécouvrir, dans un univers connecté, l’une des plus anciennes collections au monde qui retrace près de 400 ans d’histoire maritime et navale. Le musée tient notamment sa renommée de ses 3000 modèles de maquettes et bateaux miniatures, de ses sculptures navales telles que les gigantesques figures de proue de navires, ainsi que des chefs-d’œuvre du peintre avignonnais Joseph Vernet, connu pour les Vues des ports de France, quinze grands tableaux exécutés de 1754 à 1765 et commandés par le roi Louis XV.
Un haut lieu maritime contemporain
Le musée national de la Marine n’avait pas été rénové depuis son installation dans l’enceinte du Palais de Chaillot il y a 80 ans. Face à une fréquentation en baisse et la nécessité d’une remise aux normes, le ministre de la Défense de l’époque, Jean-Yves Le Drian, avait pris la décision en 2015 de lancer sa restauration. C’est le CRG1 (2S) Vincent Campredon, directeur général du musée national de la Marine, qui a été chargé de mener à bien le projet. La mission à accomplir n’était pas aisée : « Il ne s’agissait pas de faire un autre musée, mais de réaliser une évolution historique de ce dernier tout en veillant à conserver son âme », résume le directeur.
Plusieurs questions se sont alors posées : comment le transformer en un musée d’avenir en conservant les mêmes objets ? Comment passer d’un musée d’histoire à un musée de société ? Rémy Roche, directeur de la communication et du mécénat, précise : « Notre défi était de montrer la Marine dans toutes ses dimensions, de l’ouvrir aux enjeux maritimes contemporains pour que même les plus jeunes puissent se familiariser avec ce qu’il se passe en mer. » « On a alors tout cassé, tout dépecé, tout refait, jusqu’à la pierre », lance Vincent Campredon. « Et ce n’était pas facile puisque c’est un bâtiment de 1878. »
Avant de pouvoir tout refaire, il a fallu tout déplacer. Trois mois ont suffi pour réfléchir au concept, mais deux ans ont été nécessaires pour vider la totalité de la galerie. Une mission hors norme du fait de la fragilité et de l’ancienneté des œuvres, telles que le canot de l’Empereur et son décor ajouté pour Napoléon III, et qui ont été déplacés en plusieurs parties. Ou encore la célèbre poupe de la Réale, composée de quinze décors sculptés sous Louis XIV à la fin du XVIIè siècle. Trois restaurateurs de l’institution ont également travaillé sur 150 modèles de bateaux depuis l’atelier de restauration du musée, à Dugny.
L’âge du bâtiment, le plus grand défi
Une fois le bâtiment vidé, place à la reconstruction. Deux agences d’architectes ont été désignées, à la suite d’un appel à projets, pour mener cette rénovation : h2o Architectes et Snøhetta. Le choix était cornélien entre les deux vies de ce bâtiment : revenir à celle de 1878, avec un dôme et une décoration beaucoup plus ornementée, ou s’accorder à celle de 1937, lorsque le grand dôme et la grande salle ont été supprimés au profit du parvis qui fait désormais face à la tour Eiffel. C’est cette seconde option qui a remporté les suffrages. « On a créé une forme d’écrin, à la fois en dialogue avec l’architecture et les grandes courbes qui symbolisent la mer », expliquent les agences.
« L’âge du bâtiment a sûrement été le plus grand défi, précise le directeur général du musée. Comme tous les bâtiments de l’Exposition universelle à Paris, comme la tour Eiffel, ce bâtiment n’était pas construit pour durer. » Au cours de la rénovation, les équipes ont découvert des murs sans fondations, de l’amiante ou encore du plomb. Petite anecdote : un escalier bouché en 1937 a été mis au jour. Il a été rénové et offre un nouveau circuit de déambulation aux visiteurs, ce qui leur permet désormais de choisir le sens de leur visite.
Immersion, réalité virtuelle et salle d'actualité
Place à la scénographie, imaginée et dirigée par Casson Mann – entreprise britannique, spécialisée dans le design interprétatif à l’origine de la nouvelle scénographie, également en charge de la rénovation du Palais de la découverte à Paris –, et à la signalétique directionnelle, réalisée par Contours soft design. L’objectif était d’adapter la collection nationale à un public du XXIe siècle, à travers une visite inoubliable et immersive. Au cours de leur parcours, les visiteurs sont guidés grâce à des points de repères, comme une coque de navire, un conteneur maritime suspendu ou encore une vague géante animée par des projections. « Un autre point fort est la galerie des maquettes de navires, où les visiteurs ont une vue à 360 degrés des navires de la collection nationale », explique l’agence anglaise. Une multitude d’objets militaires, scientifiques, archéologiques et ethnographiques, mais aussi des modèles, des photographies, des sculptures, des peintures, des arts graphiques, décoratifs ou encore textiles sont proposés. Les enjeux maritimes passés, présents et futurs sont largement mis en exergue grâce aux « traversées immersives » et aux dispositifs interactifs et numériques remis au goût de l’époque, comme un jeu d’enquête familial ou des expériences de réalité virtuelle. Le visiteur, petit ou grand, connaisseur ou néophyte, pourra se glisser dans la peau d’un passager du Paraguay, paquebot à propulsion mixte lancé en 1888, par exemple. Une autre nouveauté a trouvé sa place au sein du Palais de Chaillot : un espace surplombant l’entrée est consacré à l’actualité maritime sous toutes ses formes. Y seront accueillis des conférences, des représentations, des débats mais aussi des expositions temporaires ou des événements, comme le suivi de courses en solitaire.
Un musée en réseau avec cinq autres sites en France
L’une des dernières particularités de cette institution, et sûrement l’un de ses points forts, est que le musée national de la Marine à Paris n’est en réalité qu’une partie de la collection maritime et navale française. Outre Paris, il est présent sur cinq autres sites en France : en Seine-Saint-Denis avec son centre de conservation et de ressources; sur le littoral atlantique, à Brest, Port-Louis et Rochefort; ainsi que sur la côte méditerranéenne, à Toulon. Cette implantation territoriale lui permet d’entretenir des liens forts avec les cultures maritimes locales et de promouvoir une politique active d’expositions et d’événements faisant de cette institution le lieu vivant de sensibilisation aux enjeux de la mer d’aujourd’hui et de demain. « Nous formons un seul établissement quand on parle de la collection du musée national de la Marine, c’est celle qui est à Paris, à Brest, à Toulon, à Rochefort et à Port-Louis. C’est une seule et même collection », note le directeur de la communication, Rémy Roche. En résumé, selon les mots du directeur, « une nouvelle génération de musée a émergé, conjuguant passé et présent avec intelligence et pertinence au service de l’avenir ».
3 questions à Vincent Campredon, directeur du musée national de la Marine
Quel est votre rôle en tant que directeur du musée de la Marine ?
Pour dresser un parallèle avec la Marine, je suis un capitaine de navire. Nous avons un équipage et une mission à conduire pour amener le bateau à bon port. Après avoir défini un cap et une conduite, j’ai essayé d’amener et de maintenir un esprit d’équipage. Chacun a un rôle essentiel et contribue à la réussite de la mission. Tous se sont mis au service de cette dernière, dans le sens de l’intérêt général du musée et non individuel. Avoir su insuffler cet esprit est ma plus grande fierté.
Comment le projet a-t-il mûri au fil des années ?
En huit ans, il y a eu plusieurs phases. Il fallait tout d’abord commencer à concevoir, à inventer, à imaginer un concept pour cet espace sur la base de la mission qui m’avait été confiée. Nous devions le transformer pour transmettre le goût de la mer et la conscience des enjeux qui la traverse à tous les publics, notamment aux jeunes générations. Il s’adapte au public et il a été pensé pour lui à travers le patrimoine et la programmation culturelle maritime. Partant de cette mission nous nous sommes demandé « Comment passer d’un musée d’histoire à un musée de société ? » Nous avons ainsi imaginé un concept passé, présent, avenir qui crée une dynamique. À partir de son patrimoine, nous l’avons rénové sans pour autant en changer l’âme.
Que voulez-vous dire aux marins qui vous liront ?
S’il existe une Marine nationale c’est parce qu’il y a des enjeux. Par le biais de ses missions, à travers notamment les préfets maritimes, elle occupe une place primordiale dans le traitement de l’ensemble des enjeux maritimes (économie, écologie, énergie renouvelable, pêches, surveillance des couloirs de navigation, etc.). C’est pourquoi la Marine inspire l’ensemble du musée. Nous avons fait attention au choix de nos expositions temporaires pour que la Marine soit partie prenante du sujet et nous consacrons une galerie à la puissance navale.
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