Dans les coulisses de « Les derniers hommes » : « Mon père a fait son service en Algérie au sein du Service de santé des armées »

Direction : Santé / Publié le : 20 février 2024

Incarner un médecin militaire de la Légion Étrangère dans l’enfer vert de l’Indochine, c’est le pari relevé par l’acteur Arnaud Churin dans le film Les derniers hommes de David Oelhoffen, sorti le 21 février 2024 dans les salles de cinéma. Retour sur les conditions d’un tournage épique.

Rédaction : www.latelierdumot.fr

Affiche du film Les derniers hommes de David Oelhoffen

Homme de théâtre, Arnaud Churin se montre peu sur les grands écrans. Contacté par un agent pour participer au casting du long-métrage Les derniers hommes, il est retenu pour incarner le capitaine Aubrac, médecin militaire d’un camp de légionnaires au fin fond de l’Indochine. Un rôle qu’il a voulu le plus authentique possible afin de laisser transparaître la réalité brute d’un contexte désespéré, alors même qu’Arnaud Churin n’a de connaissance du monde militaire que par procuration. « Papa très jeune, j’ai été exempté de service militaire, en revanche j’ai un rapport à la guerre très documenté grâce à mon propre père qui a fait son service en Algérie, au sein du service de santé des armées », révèle-t-il. Cette connaissance transposée à une autre époque de l’Histoire a nourri son inspiration aussi bien sur le fond que sur la forme.

Pour commencer, il revendique un immense respect envers ces hommes et ces femmes militaires, « véritables piliers de la République qui défendent la vie de mes enfants ». À ses yeux, « ils répondent aux ordres donnés sans pour autant « aimer » la guerre et ses atrocités ». Dans le film, traquée par l’ennemi, une colonne de légionnaires déjà affaiblis s’élance au cœur de la jungle pour rallier les bases alliées à plus de 300 km. Ils doivent se débrouiller seuls pour survivre. Se pose alors la question de l’entraide collective quand la discipline s’écroule : « en fait, ce n’est pas du tout un film de guerre, plutôt un film philosophique qui s’interroge sur l’humanité : notre survie est-elle liée à nos institutions ou à notre individualité ? La loi du plus fort, la radicalité et la notion d’humanité sont les thèmes évoqués qui conduisent à réfléchir. »

« Papa très jeune, j’ai été exempté de service militaire, en revanche j’ai un rapport à la guerre très documenté grâce à mon propre père qui a fait son service en Algérie, au sein du Service de santé des armées. »

Les conditions de réalisation du film fourmillent de surprises. L’équipe de tournage se retrouve en Guyane française dont la jungle ressemble à son équivalent indochinois. La première étape se déroule au Centre d’Entraînement à la Forêt Equatoriale (CEFE) pour une semaine de formation auprès de légionnaires spécialistes de la survie en milieu hostile. L’occasion pour Arnaud Churin de rencontrer un infirmier militaire qui le conseille pour assurer un maximum de réalisme à son rôle de médecin. « On a décortiqué ensemble toutes mes scènes pour vérifier l’adéquation entre les gestes et le matériel utilisés lors des interventions médicales prévues par le scénario, et l’époque ». L’acteur est soucieux de conserver à son personnage toute sa crédibilité, à tel point que pendant tout le long du tournage, il ne mange plus qu’un seul repas par jour, le petit-déjeuner, « pour avoir l’air émacié ».

Pour se mettre dans la peau du personnage, le passage par la case aguerrissement est inévitable mais ce n’est pas au CEFE qu’il a lieu. Hébergée dans un hôtel de la capitale, l’équipe doit chaque jour rejoindre le décor en pleine jungle… Levé à 5h du matin, petit-déjeuner, maquillage, trajets de plusieurs heures en minibus-4/4-pirogue-à pieds et tournage de 8 heures. À la fin de la journée, retour au bercail selon le même enchaînement, dans l’autre sens. Ajoutés à ces déplacements, prises de vue à répétition sous des trombes d’eau, boue, araignées, serpents, jaguars et les incontournables bobos comme une brûlure purulente à cause de chenilles urticantes : pas besoin d’artifices ! « Nous étions tellement éprouvés par la confrontation avec la nature, identique à celle vécue par les soldats de la colonne, que l’épuisement était total et que tout nous était égal », se remémore l’acteur. Après trois mois de ce régime, la fiction a presque fini par dépasser la réalité…

« Nous étions tellement éprouvés par la confrontation avec la nature, identique à celle vécue par les soldats de la colonne, que l’épuisement était total et que tout nous était égal. »

Bien que très présente, cette violence de l’affrontement à la nature et à l’autre n’a d’épaisseur que si elle s’appuie sur des personnages vrais. Arnaud Churin a ainsi imaginé le médecin capitaine Aubrac comme « un monsieur d’âge mûr ayant le goût des voyages et se situant dans la modération avec une capacité d’empathie et un état d’esprit plutôt intellectuel, qui réclame de l’indulgence pour les hommes qu’il soigne car il les respecte ». Un homme ayant vécu un drame intime, à l’image des militaires qui s’engagent dans la Légion, souvent à cause d’un chagrin d’amour… Un constat de sensibilité inattendu par l’acteur lors de ses échanges avec les légionnaires mais plutôt conforme à l’idée des militaires qu’il se faisait. « Contrairement à cette image d’Épinal de Rambo que la société civile veut faire porter aux militaires, j’ai rencontré à la place des personnes cultivées, spécialistes d’un domaine qui leur est cher, l’Histoire ou la nature par exemple, grâce aux bouquins qui remplacent les écrans ».

Les félicitations des médecins militaires présents à la projection en avant-première du film à l’École militaire de Paris ont rassuré Arnaud Churin, quant à la justesse de son interprétation.


A la une