EXOSAN 2025 : La télé-chirurgie, une technologie de pointe au service de l’opérationnel
Pendant l’exercice opérationnel Santé (EXOSAN), un système de télé-chirurgie par réalité augmentée sera testé, du 16 au 22 juin 2025, sur le camp de La Valbonne. Cette nouvelle technologie de pointe vise à améliorer la prise en charge des militaires blessés dans un contexte de conflit de haute intensité. Interview du médecin en chef (MC) Yvain, porteur du projet innovant RAPACE, de l’hôpital nationale d’instruction des armées Laveran.
Propos recueillis par : Virginie Gradella
Que signifie RAPACE et en quoi consiste ce projet ?
Médecin en chef Yvain : RAPACE est l’acronyme de Réalité Augmentée Pour Assistance par des Chirurgiens Experts. C’est un projet dont l’origine provient de mon expérience personnelle, lorsque je me suis trouvé dans une situation où j’aurais apprécié être guidé et accompagné. RAPACE a pour objectif de proposer aux opérateurs sur le terrain une assistance chirurgicale à distance par des experts spécialistes grâce à une interface de réalité augmentée. Grâce à ce système, l’expert voit, à distance, les lésions similaire à celle de l’opérateur sur place. Il a la possibilité d’échanger avec lui et de projeter dans son champ visuel des données numériques, facilitant ainsi le guidage du geste technique à réaliser. RAPACE a été présenté à l’Agence innovation défense (AID), en décembre 2021, pour obtenir des financements visant à soutenir sa recherche, son développement et les expérimentations associées.
À quel stade des expérimentations se trouve RAPACE actuellement ?
MC Yvain – Grâce aux financements obtenus, nous avons maquetté le concept, puis identifié le casque le mieux adapté selon les critères du cahier des charges que nous avions rédigé, pour enfin aboutir à la conception d’un prototype. Plusieurs expérimentations se sont ensuite succédé avec ce prototype de casque de télé-chirurgie par réalité augmentée, tout d’abord sur mannequin pour en déterminer les points à améliorer, puis sur réacteur biologique porcin pour en vérifier les fonctionnalités. Ces essais ont ainsi montré l’intérêt de la télé-chirurgie et les atouts de la réalité augmentée. Cependant ces technologies immersives restent en cours de développement, la définition insuffisante des modèles testés en 2022-2023 limitant la qualité d’échange de données et leur usage sur le vivant restant pour le moment du domaine de la recherche. Afin d’intégrer dès à présent la télé-chirurgie dans l’usage quotidien, nous avons opté pour un système de réalité assistée qui n’entrave pas le champ visuel de l’opérateur et offre une bonne qualité d’image à l’expert. Depuis le 1er janvier 2025 et jusqu’au 30 juin, nous conduisons une expérimentation en conditions réelles depuis l’hôpital national d’instruction des armées Laveran à Marseille, en collaboration avec les trois autres hôpitaux militaires (Percy, Bégin et Sainte-Anne). Le mois dernier, une opération de cholécystectomie par coelioscopie a ainsi été réalisée à Djibouti sur un patient volontaire par un confrère chirurgien « généraliste », que j’ai accompagné depuis la France dans la réalisation de la procédure. Cette intervention inédite a permis de valider les connectivité, portabilité et ergonomie du dispositif au sein du bloc opératoire.
« Le mois dernier à Djibouti, un chirurgien « généraliste » a réalisé une cholécystectomie coelioscopique sur un patient volontaire, guidé depuis la France. Une première qui valide connectivité, portabilité et ergonomie du dispositif au bloc. »
Vous allez également tester ce système de télé-chirurgie pendant l’EXOSAN. Pourriez-vous nous en dire plus ?
MC Yvain – La prochaine expérimentation sera menée au cours d’EXOSAN 2025, du 16 au 22 juin, pour évaluer, dans des conditions simulant le stress et les contraintes des interventions de terrain, la pertinence d’un téléguidage chirurgical de médecins généralistes et, de fait, les besoins en formation nécessaires pour la pratique du geste sûr.
Quelles sont les caractéristiques techniques du casque sélectionné ?
MC Yvain – Le casque immédiatement utilisable s’est avéré être le système dit wearable tablet (tablette portable, en français), développée par les sociétés ROFIM et AMA. C’est une interface numérique composée d’un bandeau portant une caméra associée à un petit écran déporté à lecture tête haute et à un microphone, qui permettent à la fois la transmission vidéo et le flux audio. Le tout fonctionne grâce à un système de connexion wifi, en lien direct et en temps réel entre deux praticiens à distance. Le retour visuel à disposition de l’expert doit correspondre à ce que voit l’opérateur grâce à une fidélité de rendu en couleurs, en contrastes et en définition afin de lui permettre d’appréhender la réalité le plus justement possible. Cette technologie de réalité « assistée » rend possible la transmission instantanée d’imageries préopératoires, le partage sécurisé de dossiers médicaux, l’intégration d’annotations et de schémas, et le pointage des structures anatomiques. L’interface facilite également le partage des données médicales confidentielles et de tenir des réunions de concertation pluridisciplinaires inter-centres.
Je reste convaincu que l’avenir sera le recours à la réalité augmentée, une fois la technologie suffisamment mature pour permettre une parfaite correspondance entre le champ visuel de l’opérateur et celui de l’expert. Elle offrirait également la possibilité à l’opérateur de consulter des données numériques de manière autonome sans avoir à se déstériliser (voire en mode « hors-ligne » pour consulter de tutoriels per-procédure) ou d’être guidé par un système autonome de repérage de structures anatomiques.
« Je reste convaincu que l’avenir passe par la réalité augmentée, une fois la technologie mature : elle permettra à l’opérateur de consulter données et tutos sans se déstériliser, et d’être guidé par un repérage autonome des structures anatomiques. »
Comment RAPACE répond-il aux défis posés par les conflits à haute intensité ?
MC Yvain – La télé-chirurgie est la combinaison d’une expertise médicale et d’une solution numérique. C’est un véritable levier de souveraineté sanitaire et d’efficacité opérationnelle. A une époque d’hyperspécialisation de la médecine et de centres experts, les environnements d’isolement en opérations extérieures, notamment lors de conflits à haute intensité, exposent les praticiens à des situations de chirurgie en autonomie, qui se situent parfois hors de leur champ d’expertise. En cas d’impossibilité d’évacuation depuis le point de blessure jusqu’aux hôpitaux en métropole, la solution de téléassistance chirurgicale en temps réel pourrait être mise en place pour garantir la sécurité des soins. Les soignants prolongeraient sur le terrain des actes médicochirurgicaux jusqu’alors réalisés dans des unités médicales opérationnelles de niveau plus élevé. Le déplacement de spécialistes vers « l’avant » (en zone de conflits, NDLR) serait réduit sans pour autant sacrifier l’expertise qui leur correspond. La prise en charge resterait ainsi pluridisciplinaire mais à distance. En renforçant la continuité de l’expertise médicale, cette innovation ouvre la voie à une médecine de terrain plus réactive, plus précise, et surtout mieux coordonnée, même en zones reculées ou hostiles.
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