Fin de mission Clemenceau 25 : le regard d’un chirurgien orthopédiste embarqué

Direction : Santé / Publié le : 03 juin 2025

À l’issue de la mission Clemenceau 25, le médecin principal Nicolas, chirurgien orthopédiste à l’hôpital national d’instruction des armées Percy (Clamart), revient sur deux mois d’une expérience professionnelle et humaine inédite, ponctuée de découvertes, d’exercices et d’interventions réelles.  

Propos recueillis par Emmanuelle Ndoudi.

Médecin principal Nicolas, chirurgien orthopédiste à l’hôpital des armées Percy (Clamart)

Le mois d’avril 2025 a signé la fin de la mission Clemenceau 25. Pour cette mission, une équipe chirurgicale, composée de quatre médecins du Service de santé des armées, a pris place à bord du porte-avions Charles de Gaulle pour assurer le soutien médical d’environ 3.000 marins. Ces soignants militaires ont pu profiter du nouveau bloc opératoire, entièrement rénové, conforme aux standards d’un bloc hospitalier. Le médecin principal Nicolas, chirurgien orthopédiste à l’hôpital national d’instruction des armées Percy (Clamart), qui a réalisé sa première mission au sein de la Marine nationale, revient sur les huit semaines passées à bord.

Vous venez d’achever votre première mission au côté de la Marine nationale. L’adaptation à ce nouveau milieu a-t-elle été facile ?

Il s’agissait en effet d’une première pour moi, mes précédentes missions avaient toujours été au côté de l’armée de Terre, notamment dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel. Si l’environnement de la Marine nationale est codifié et assez réglementé : il ne m’a pas fallu longtemps pour prendre le pli et m’adapter à la vie courante à bord du porte-avions Charles de Gaulle. Le temps d’acclimatation a été un moment très stimulant et enrichissant. J’ai pu découvrir, en immersion, le fonctionnement du bâtiment. Ce travail d’adaptation a été facilité par l’accueil et la disponibilité des personnels du bord. Chaque personne sollicitée a su prendre le temps de nous présenter son service et de nous expliquer la densité des métiers et expertises représentés. L’ambiance était agréable et je me suis rapidement senti intégré dans cet univers particulier. 

Comment avez-vous pris vos marques au sein des équipes médicales ?

Là aussi, l’intégration s’est très bien déroulée et pour cause : nous sommes tous issus du même terreau de l’École de santé des armées. Ce socle commun est un avantage immense et facilite la coopération en mission. Nous parlons le même langage, avons les mêmes réflexes et techniques. Je suis arrivé lors de l’escale à Singapour. Ce contexte a garanti une immersion en douceur et m’a donné l’opportunité de faire connaissances avec l’équipe médicale avant de rejoindre le bord.

« Nous sommes tous issus du même terreau de l’École de santé des armées. Ce socle commun est un avantage immense et facilite la coopération en mission. Nous parlons le même langage, avons les mêmes réflexes et techniques. »

Quel est le mode de fonctionnement d’un service médical embarqué ?

L’organisation est très différente de ce que l’on peut retrouver ailleurs en opérations extérieures.  Le rôle 1 et le rôle 2 sont mélangés et fonctionnent comme une seule et même entité. En tant que renfort notre charge de travail était peu importante. Ce qui contrastait avec le rythme au quotidien du service médical qui est assez soutenu. En plus des consultations, en raison du temps important passé en mer chaque année, le suivi des visites médicales périodiques est poursuivi au cours de la mission.  

Quel regard portez-vous sur votre expérience à bord comme chirurgien dans une équipe indispensable lors des situations d’urgence ?

L’intérêt de notre présence à bord est avant tout stratégique, pour augmenter l’autonomie du groupe aéronaval. En pratique, l’équipe chirurgicale est avant tout une assurance-vie, en réponse à un événement non-anticipé. En conséquence, notre activité chirurgicale était réduite et nous réalisions surtout des gestes simples afin de maintenir les marins à bord. Nous avons par exemple réalisé des appendicectomies ou l’exploration de plaies de mains. 

Pour autant, nous avons eu l’occasion d’être intégré au dispositif « santé » lors des entraînements qui avaient régulièrement lieu au sein du porte-avions Charles de Gaulle, comme lors des exercices SECUREX, simulant un événement interne qui affecte le bâtiment, comme un incendie ou un incident nucléaire. Durant ces exercices, nous avons simulé l’accueil des blessés transférés à l’unité médicale, du déchoquage au passage au bloc. 

Notre présence a aussi été utile lors des exercices MACOPEX, au cours desquels les marins ont simulé une action de combat ayant occasionné de nombreux blessés. Dans ce cadre, l’équipe chirurgicale a été intégrée au dispositif de prise en charge des victimes. Les médecins du rôle 1 ont géré le triage et l’acheminement des blessés vers l’hôpital tandis que ceux du rôle 2 ont assuré l’accueil des blessés grave et le déchoquage.

« L’intérêt de notre présence à bord est avant tout stratégique, pour augmenter l’autonomie du groupe aéronaval. En pratique, l’équipe chirurgicale est avant tout une assurance-vie, en réponse à un événement non-anticipé. »

Comment s’est passée l’intervention pour une plaie de main dans le tout nouveau bloc chirurgical ?

Il s’agissait d’une blessure simple. Sa prise en charge n’était pas d’une grande complexité et je n’ai pas ressenti de gêne à ma pratique. Mais cet incident m’a donné l’occasion de vivre une expérience inédite : opérer dans un porte-avions, dans un bloc chirurgical entièrement rénové.  Cette infrastructure opératoire a tout d’un hôpital. Il est conforme aux exigences des standards d’un bloc et l’on s’y retrouve aisément. Seul le roulis rappelle que nous sommes en mer. Il est cependant assez faible, le porte-avions ayant des moyens de stabilisation indispensables à l’appontage des avions. De plus, en cas d’intervention à bord si la mer est agitée, le porte-avions est en mesure d’adapter transitoirement sa route pour faciliter la réalisation de l’intervention. 

«Cette infrastructure opératoire a tout d’un hôpital.Seul le roulis rappelle que nous sommes en mer»

Quelques jours après la fin de la mission, quels souvenirs emportez-vous à terre ?

Sur le plan personnel, je retiens la beauté des paysages et du parcours. De Singapour, au détroit de Malacca, en passant par la mer d’Arabie, l’Océan Indien, la mer rouge ou encore le canal de Suez, la mission Clemenceau 25 m’a donné l’opportunité d’être embarqué dans un parcours extraordinaire. 

J’ai aussi pu enrichir ma culture professionnelle en découvrant le fonctionnement complet du porte-avions et d’un bloc opératoire embarqué mais aussi appréhender l’environnement spécifique de la Marine nationale. À l’issue de ce parcours de deux mois, je reste encore impressionné par les catapultages et les appontages quotidiens des Rafales. Ça a été une belle expérience. 

Équipe chirurgicale, composée de quatre médecins du SSA à bord du porte-avions Charles de Gaulle

Sur le même sujet :

Cinq mois en mer, de la Méditerranée à l’Indopacifique, à bord du Charles de Gaulle. Directeur médical de la mission Clemenceau 25, le médecin en chef Adrien livre un retour d’expérience sur une mission intense, entre coordination, soins embarqués et urgence médicale.

Fin de mission Clemenceau 25 : le regard du directeur médical

A la une