Rendez-vous du droit : les normes au centre du débat

Direction : SGA / Publié le : 10 décembre 2024

Haut fonctionnaire, membre du conseil d'État et auteur du livre « Les normes à l'assaut de la démocratie ? », Jean-Denis Combrexelle est venu s’exprimer le 5 décembre, à Balard, dans le cadre des conférences de la Direction des affaires juridiques du ministère des Armées.

Ce "Rendez-vous du droit" était le dernier de l'année 2024 © Erwan Rabot, ministère des Armées et des Anciens combattants

Ce "Rendez-vous du droit" était le dernier de l'année 2024

Le titre de l’ouvrage est provocateur mais le propos de Jean-Denis Combrexelle mesuré : « Je ne suis pas là pour dire qu’il ne faut plus de normes. L’État de droit a besoin de grands principes, de droits fondamentaux, d’une constitution, de textes internationaux, de lois, de juges et d’administrations qui les appliquent. Mais il y a peut-être un trop plein de normes qui pose des problèmes à la fois de libertés publiques et d’efficacité de la démocratie. »

Fort de son expérience en tant que directeur général du Travail pendant 13 ans et de directeur de cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne en 2023-2024, il estime que « le risque est qu’à force de voir plus d’annonces de lois que de résultats, les gens se détournent de la démocratie. » Pour Jean-Denis Combrexelle, le décalage entre la perception que se font les Français de l’administration et la réalité est l’un des clés du problème : « Ils pensent que les agents ne font pas correctement leur travail. Alors que l’administration, ce sont des gens hyper-compétents et hyper-travailleurs. Mais il y a un tel souci du texte parfait que les normes n’atteignent pas toujours le but fixé. »

Jean-Denis Combrexelle a été le directeur de cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne © Erwan Rabot, ministère des Armées et des Anciens combattants

Jean-Denis Combrexelle a été le directeur de cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne

Jean-Denis Combrexelle a été le directeur de cabinet de la Première ministre Élisabeth Borne

L’influence du politique et de la communication

Pour le conférencier, les Français disent qu’il y a toujours trop de réglementations mais eux-mêmes en demandent toujours plus : « C’est notamment le cas des entreprises car, à tort ou à raison, elles ont un sentiment d’insécurité juridique dans notre pays, lié à la perception qu’elles se font de l’action du juge qui, par sa jurisprudence, contribuerait à cette situation. »

Jean-Denis Combrexelle a souligné l’influence du politique dans cette dynamique avec l’importance de plus en plus grande prise par la communication : « Chaque fois qu’un ministre dit qu’il y a un problème, il dit qu’il faut une norme. Quand j’étais au cabinet d’Elisabeth Borne, tous les jours, quelqu’un venait me dire qu’il fallait une loi supplémentaire. » Selon lui, l’Union Européenne contribue également à une réglementation croissante : « L’Europe s’est construite par la norme, donc il y a l’idée qu’il faut toujours passer par la norme. »

Cette conférence a suscité un débat riche sur la place des normes dans notre société © Erwan Rabot, ministère des Armées et des Anciens combattants

Cette conférence a suscité un débat riche sur la place des normes dans notre société

Cette conférence a suscité un débat riche sur la place des normes dans notre société

La solution de l’IA ?

Quelles sont les solutions ? Jean-Denis Combrexelle a insisté sur la nécessité d’une culture du résultat au sein de l’administration. « Le travail ne finit pas quand la norme sort, il commence », déclare celui qui a été président de la section du contentieux du Conseil d'État. Il note d’ailleurs que « le ministère des Armées est l’une des administrations où l’obligation de résultat existe le plus car la vie de personnes est en jeu. » Il a reconnu que cette évaluation du résultat est complexe, mais essentielle pour répondre aux attentes des citoyens. Autre piste : mettre en place une action administrative efficiente sans qu’il soit nécessaire de produire de la norme. « Nous avons par exemple réussi les JOP 2024 et la reconstruction de Notre-Dame sans nouveaux textes, car tout le monde avait l’obsession du résultat », estime Jean-Denis Combrexelle.

L’intervenant a enfin évoqué l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine juridique, notant qu’elle pourrait contribuer à simplifier la rédaction des textes pour les rendre plus compréhensibles. Cependant, il a averti que l’IA pose des défis administratifs et démocratiques, notamment en raison de son opacité. « L’IA et les juristes sont deux mondes qui ne se comprennent pas. Il faudrait créer de nouveaux types de juristes », a-t-il conclu.

Lors du jeu des questions-réponses, cette conférence a suscité un débat riche et pertinent sur la place des normes dans notre société et sur la nécessité d’un équilibre entre réglementation et efficacité.


A la une