Informations classifiées

La protection du secret de la Défense nationale a pour objectif d’assurer la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation dans les domaines de la Défense, de la sécurité intérieure et de la protection des activités financières, économiques ou industrielles, et de la protection du patrimoine scientifique et culturel de la France.

Secret Défense © Adobe Stock

Cette politique vise donc à protéger certaines informations dont la divulgation serait de nature à nuire à ces intérêts. Elles pourraient en effet être utilisées par des services étrangers ou des individus dans le but de déstabiliser l’État et la société. Il est donc nécessaire d’encadrer strictement leur diffusion. L’article 413-9 du code pénal dispose que « présentent un caractère de secret de la défense nationale […] les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès ». Ces mesures de protection et leurs régimes sont définies dans une instruction générale interministérielle.

Qui décide de classifier un document ?

Le Premier ministre est l’autorité responsable de la défense nationale (article 21 de la Constitution du 4 octobre 1958). En tant que chef du gouvernement, il définit les mesures nécessaires à la protection du secret de la défense nationale, dont les critères de classification.

Le Premier ministre doit par ailleurs établir la liste des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale et définir les conditions d’accès sécurisé à cette liste.

Par délégation, chaque ministre détermine, pour son département, les documents qu’il est nécessaire de classifier au titre du secret de la défense nationale. En pratique, la décision de classifier est prise sur proposition justifiée de l’auteur du document au niveau hiérarchique le plus apte à évaluer les enjeux : il s’agit directement du Premier ministre pour le niveau le plus élevé.

Les acteurs de la protection du secret de la défense nationale

Le Premier ministre est assisté par plusieurs acteurs institutionnels pour mener à bien sa mission de protection du secret de la défense nationale.

Ainsi, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) définit et coordonne sur le plan interministériel la politique de sécurité en matière de protection du secret de la défense nationale. À ce titre, il est chargé de proposer, diffuser, faire appliquer et contrôler la mise en œuvre des mesures nécessaires à la protection du secret. En qualité d’autorité nationale de sécurité, le SGDSN s’assure de la sécurité des informations classifiées de l’Union européenne et de l’organisation du traité de l’Atlantique nord. Il est également l’interlocuteur des États étrangers dans la négociation des accords généraux de sécurité.

À l’échelle de chaque ministère, un haut fonctionnaire de défense et de sécurité est nommé afin d’assurer l’application des dispositions relatives à la protection du secret pour les personnes physiques et morales relevant du champ d’attribution du ministre dont il dépend. Il prend également les décisions d’habilitation, hors classifications spéciales. 

Enfin, chaque organisme public ou privé dont le personnel a accès à des informations classifiées doit disposer d’un officier de sécurité. Celui-ci prend en charge la sécurité au sein de l’organisme et veille à la bonne application des règles de protection du secret.

Les modalités de classification

Il existe plusieurs niveaux de classification en fonction de l’importance de l’information protégée et relevant des domaines précédemment évoqués (participant des intérêts fondamentaux de la Nation comme la Défense, la sécurité intérieure, la protection des activités financières, économiques et industrielles de la Nation ou encore la protection du patrimoine scientifique et culturel de la France).

À ce jour, il existe deux niveaux de classification :

  • Secret : ce niveau protège les informations et supports dont la divulgation ou auxquels l’accès est de nature à porter atteinte à la défense et à la sécurité nationale. Il correspond au précédent niveau « Confidentiel-Défense ».
  • Très secret : ce niveau protège les informations et supports dont la divulgation ou auxquels l’accès aurait des conséquences exceptionnellement graves pour la défense et la sécurité nationale. Il correspond au précédent niveau « Secret-Défense ».
  • Les informations et supports classifiés au niveau Très Secret qui concernent des priorités gouvernementales en matière de défense et de sécurité nationale feront l’objet de classifications spéciales définies par le Premier ministre. Il correspond au précédent niveau « Très Secret-Défense ».

La différence entre ces niveaux de classification réside dans l’intensité des mesures de sécurité (physique, logique ou organisationnelles) que les informations ou supports classifiés requièrent.

Cette classification est matérialisée par l’apposition d’un timbre correspondant au niveau de classification. Par principe le système de classification porte dès le marquage une date d’échéance de la mesure.

Une fois marqués, les documents et supports sont conservés de manière sécurisée et font l’objet d’un inventaire annuel renforçant ainsi leur traçabilité. Comme précisé infra, seule une personne habilitée et justifiant d’un besoin d’en connaître peut y avoir accès. Ce marquage confère à ces informations la protection pénale liée au secret de la défense nationale (sous réserve des dispositions du code du patrimoine sur la communicabilité des archives).

Qui peut accéder aux documents classés au titre du secret de la défense nationale ?

Afin d’assurer au mieux le respect du secret de la défense nationale, l’accès aux informations et supports classifiés est strictement encadré.

S’agissant des personnes physiques, deux éléments sont nécessaires pour pouvoir accéder à des documents classifiés :

  • Une habilitation délivrée à l’issue d’une procédure administrative. Celle-ci consiste à évaluer les vulnérabilités que la personne est susceptible de présenter pour le secret de la défense nationale.
  • Un besoin d'en connaître ou d’accéder à ces informations, légitimé par la fonction de l’habilité.

Être habilité ne signifie donc pas avoir un accès total et illimité à tous les documents classifiés.  S’agissant des personnes morales, elles ne pourront prétendre à accéder à une information classifiée que si elles justifient des deux éléments :

  • Un besoin d’accéder, gérer ou conserver des informations et supports classifiés. Ce besoin est soit reconnu par l’État, soit résulte de l’exécution d’un contrat de la commande publique.
  • La capacité de protection physique et humaine des locaux.

Compromettre le secret de la défense nationale

L’accès ou la détention d’informations classifiées par des personnes non qualifiées est strictement prohibé.

En effet, se rend coupable du délit de compromission la personne qui a en sa possession ou qui prend connaissance d’un secret protégé au titre de la défense nationale. Cette infraction est également constituée en cas de destruction ou reproduction dudit secret (articles 413-9 et suivants du code pénal).

Les personnes habilitées au secret de la défense nationale commettent également le délit de compromission lorsqu’elles le portent à la connaissance du public ou, par négligence, en permettent l’accès.

Le délit de compromission est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (Article 413-11, 1° du code pénal). La peine est portée à sept ans d’emprisonnement et 100 000 € si l’auteur du délit est une personne habilitée.

Cette répression pénale sévère s’explique par la nature particulière du secret de la défense nationale et son rôle essentiel dans la protection des intérêts fondamentaux de la Nation.

La Justice a-t-elle accès aux documents classifiés au titre du secret de la défense nationale ?

On peut légitimement se demander comment l’autorité judiciaire, qui n’est pas une autorité habilitée, pas davantage que les services d’enquête judicaire, peuvent concourir avec efficacité à leurs missions sans avoir accès le cas échéant aux informations et supports classifiés utiles à l’enquête.

Le code de la défense organise pour cela une procédure spécifique. Ainsi, selon l’article L.2312-4, dès lors qu’une juridiction souhaite se voir communiquer un document couvert par le secret de la défense nationale, elle doit présenter une demande motivée à l’autorité administrative qui a classifié le document. Le ministre sollicité doit alors saisir sans délai la Commission du secret de la défense nationale (CSDN), autorité administrative indépendante, qui instruira la demande et formulera un avis. À noter que seule l’autorité administrative compétente peut ainsi saisir la Commission.

Pour les informations classifiées concernant le ministère des Armées, la Direction des affaires juridiques assure l’interface entre les juridictions, les services du ministère susceptibles de détenir les informations répondant aux demandes formulées par les juridictions et la Commission du secret de la défense nationale (CSDN).

La Commission du secret de la défense nationale (CSDN)

La CSDN a été créée par la loi n°98-567 du 8 juillet 1998 codifiée aux articles L.2312-1 et suivants du code de la défense.

Elle est une autorité administrative indépendante obligatoirement consultée lorsqu’une juridiction française fait une demande de déclassification.

Elle participe également aux perquisitions dans les lieux « abritant » des documents classifiés et conserve les documents classifiés découverts à cette occasion ainsi que ceux qui sont saisis dans des lieux dits « neutres » (art. 56-4 du code de procédure pénale).

La Commission se compose de cinq membres au mandat non renouvelable :

  • Un président, un vice-président et un membre (nommés pour six ans par le Président de la République sur une liste de six membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes) ;
  • Deux parlementaires : un député et un sénateur (désignés par le président de chaque assemblée pour un mandat suivant le sort de leur assemblée).

La Commission n’est pas compétente pour se prononcer sur une demande émanant d’une juridiction étrangère ou d’une juridiction internationale.

Dans un délai de deux mois, la Commission du secret de la défense nationale rend un avis dont le sens – favorable, défavorable, favorable à une déclassification partielle - est publié au journal officiel. Cet avis n’est pas motivé mais la Commission peut adresser au ministre un « relevé d’observations » qui en éclaire les motifs.

La Commission met en effet en balance la protection des intérêts fondamentaux de la Nation, notamment la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels, et les missions du service public de la justice. Ces missions comprennent notamment le respect de la présomption d’innocence et des droits de la défense, ainsi que le respect des engagements internationaux de la France.

En vertu de l’article L.2312-8 du code de la défense, le ministre doit, dans les 15 jours de la réception de l’avis, notifier sa décision à la juridiction concernée.

L’avis rendu ne lie pas le ministre mais il est suivi dans la très grande majorité des cas.

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