Quelle est la particularité de votre mission de défense ? 

Située au cœur de l’Europe dans un pays officiellement créé par le président Raymond Poincaré, la mission de défense (MdD) de Prague reste l’une des plus riches en histoire, en symbole et en liens forts, malgré la modestie affichée caractéristique du peuple tchèque.

La MdD de Prague, qui couvre la Tchéquie et la Slovaquie, a été créée par le général Maurice Pellé et succédé par le général Eugène Mittelhausser. Ces deux généraux ne furent pas seulement mes prédécesseurs attachés de défense, mais également les deux premiers chefs d’état-major des armées aujourd’hui tchèques et slovaques. C’est donc peu dire que la MdD de Prague était d’emblée bien née. Peu de missions de défense peuvent se targuer d’avoir le portrait de deux attachés de défense en tête de cette galerie de portraits souvent et à juste titre très locale.

Comme la plupart de nos MdD dans le monde, la MdD de Prague est composée d’un attaché de défense, un assistant, un agent de droit local (ADL) traducteur et conducteur de la mission. Grâce à ce format d’équipe, nous pouvons suivre globalement l’éventail des missions et ce malgré la situation sécuritaire particulièrement anxiogène dans l’est de ma zone d’intérêt.

A propos, quel autre pays est actuellement ou a été dirigé par un ancien général, francophone, chef d’état-major des armées de son pays, cité et décoré de notre croix de la valeur militaire ? Petr Pavel, l’actuel président de la République tchèque.

Quels sont les grands enjeux de défense de la MDD Prague ?

Les grands enjeux de notre mission de défense peuvent être résumés en trois grands points.

Premièrement, il y a le développement de la relation de défense dans le cadre du soutien indéfectible à l’Ukraine, le renforcement des capacités aéroterrestres et l’empreinte logistique de l’Alliance sur le flanc est. Cela inclut, par exemple, les survols et transits de tous genres suivis par la MdD. Les missions conjointes avec nos alliés sont également une belle illustration, comme le renfort au NATO Air Shielding, qui atteste et participe bien évidemment à cette posture dissuasive.

Deuxièmement, soutenir et promouvoir notre base industrielle et technologique de défense (BITD) reste un enjeu majeur, particulièrement dans un pays historiquement industrieux et couverts de manufactures d’équipements militaires de tous âges, ères et temps. La modernisation des conflits récents est bien prise en compte par Prague comme Bratislava et les demandes d’appui et de soutien divers quasi quotidiens envers notre direction générale de l’armement (DGA). En effet, ces pays se réarment et ont à cœur de prendre leur part de notre défense commune et notamment, en cas de nécessité, la défense de leurs territoires voisins directs de l’Ukraine sur un axe stratégique historique en Europe centrale. Le choix du canon CAESAR n’est pas anodin dans un environnement de fins connaisseurs et de très grande culture en balistique et en artillerie.

Enfin, la transmission mémorielle aux jeunes générations est un axe important de la mission : des soldats et pilotes tchèques et slovaques sont morts pour la libération de la France en juin 1940 ; des soldats et des pilotes sont également morts à Ouistreham ou en Alsace en 1944 ; des français prisonniers des camps nazis ici se sont organisés et ont participé à la libération des deux pays lors du soulèvement national slovaque à Strečno à l’été 1944 ou des combats du pont de Troja à Prague au printemps 1945.

Quels sont les exemples concrets de coopération de défense entre la France et la République tchèque ?

La République tchèque a dès début 2013 partagé une part de notre vision stratégique sur le continent africain et les enjeux qui s’y nouent pour l’Europe et nos deux pays. En 2012, lors de mon passage au CHEM à l’Académie de défense de Brno, je me souviens avoir présenté quelques produits africains de notre CPCO. Cette présentation faisait suite à une demande expresse du CEMA de l’époque, l’Amiral Guillaud et du président de la République tchèque actuelle. Tous deux étaient désireux de comprendre, entre autres, la mécanique de déclenchement de l’opération SERVAL au Mali ou notre appréciation de la menace en RCA. A mon retour en France, le pays avait déjà proposé de nous y rejoindre là-bas à hauteur d’un détachement à 50 pax : un effort notable pour une armée de classe 24 000 non francophone.

Le partage de cette culture expéditionnaire s’est poursuivie et amplifiée avec leur participation et la prise de commandement de missions comme EUTM Mali ou de la Task Force TAKUBA.

Tchéquie et Slovaquie restent préoccupés par les enjeux dans certains pays africains et désireux de poursuivre les partenariats fructueux déjà engagés avec nombre d’entre eux, ou à naître. Notre expérience certaine et nos connaissances étendues dans ce domaine restent un bien précieux très apprécié.

Le projet de future base logistique aéroterrestre en Tchéquie, en bilatéral ou en commun avec certains de nos alliés, reste également un axe majeur de ma mission dans le cadre de notre pleine participation à la réassurance de l’Alliance sur le flanc est.

En temps de crise, les sollicitations de partenariats avec nos forces armées réputées sont légion afin de se moderniser ou de gagner en compétences. Tout comme mes homologues tchèque et slovaque basés à Paris, nous sommes des relais culturels des pays que nous représentons. C’est d’ailleurs le cas pour l’ensemble de nos équipes à Prague et à Bratislava, qui soutiennent les ambassadeurs français dans ces deux pays.

Pour plus de détails : https://cz.ambafrance.org/Presentation-de-la-mission-de