Diplomatie de défense : rencontre avec le général de corps d’armée Jérôme G., représentant militaire à l’OTAN.
La DGRIS assure la tutelle du réseau bilatéral diplomatique de défense, qui comprend aujourd’hui 90 missions près les ambassades de France à l’étranger ainsi que les représentations militaires de défense (RMD) auprès de l’OTAN, de l’ONU, de l’Union européenne... Le Général de corps d’armée Jérôme G., représentant militaire de la France à l’OTAN, nous éclaire sur l’implication de la France au sein des opérations de cette organisation.
Quel est le rôle des forces françaises au sein des opérations actuelles de l’OTAN ?
Le rôle des forces françaises au sein des opérations actuelles de l’OTAN est très important. En réalité, le terme « opérations » recouvre l’ensemble des activités militaires de l’Alliance visant à mettre en place une posture stratégique de Défense et de dissuasion. Ces opérations sont destinées à envoyer un double message :
- A vocation interne pour envoyer un signal d’assurance aux membres du « flanc est » et ainsi les rassurer sur la détermination de l’Alliance à assurer leur défense en cas de besoin. C’est le cas de l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie.
- A vocation de dissuasion envers la Russie, afin de montrer la détermination et la préparation (‘preparedness’) de l’Alliance toute entière à s’opposer à toute agression armée en s’appuyant sur ses forces pré déployées :
- Exercices interalliés et interarmées ;
- Déploiements navals dans les mers ou la marine russe déploie ses propres moyens ;
- Vols réguliers pour assurer la police du ciel sur le flanc Est ;
- Toutes ces actions ont pour objectif de recueillir du renseignement et de démontrer une capacité d’action et de réaction immédiate aux autorités russes.
La contribution de la France à ces déploiements est quantitativement et qualitativement très importante. Les forces terrestres assurent le commandement et l’ossature principale d’un bataillon multinational déployé, dans le cadre de cette posture, en Roumanie. Ce bataillon compte plus d’un millier d’hommes et de femmes et dispose de matériels blindés lourds.
Les forces terrestres contribuent également, à hauteurs de 400 militaires de notre armée de Terre, à la mise sur pied d’un bataillon similaire en Estonie. Dans ce cas-ci, c’est le Royaume-Uni qui en assume le commandement.
Au niveau aérien, les chasseurs (Rafales ou Mirages) de notre armée de l’Air et de l’Espace (AAE) assurent de nombreux « créneaux » de police du ciel au-dessus des états baltes : activités de vigilance, missions de collecte de renseignement, notamment en mer Noire où nous sommes quasiment les seuls à encore voler.
L’AAE complète également le dispositif au sol en Roumanie aux côtés des forces terrestres par le déploiement d’un système antiaérien sur les rives de la mer Noire, qui protège l’espace aérien de ce pays alliés – régulièrement violé par des aéronefs et des drones russes.
Enfin, en mer, nos bâtiments de la Marine nationale jouent leur rôle :
- En multipliant les participations aux exercices des forces navales permanentes de l’Alliance ;
- En partageant avec l’OTAN des renseignements parfois issus de missions menées sous commandement national, par exemple le « marquage » des sous-marins russes.
La contribution des forces françaises est reconnue par nos alliés : nos armées sont des forces éprouvées au combat, entrainées et équipées de matériels modernes, permettant à la France d’adopter une posture crédible et déterminée au sein de l’OTAN.
Et qu’en est-il du rôle de la DGRIS ?
Le rôle de la DGRIS est moins direct évidemment car c’est bien l’État-major des Armées (EMA) qui déploie et commande les forces. La DGRIS contribue, sous la responsabilité du ministre des Armées, avec l’EMA et en coordination avec notre diplomatie, à définir les objectifs de cette contribution de nos armées et des tous ces déploiements. Elle joue également un rôle dans la communication qui entoure ces déploiements en relai/appui de la communication stratégique de l’Alliance.
La DGRIS travaille en coordination avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en vue des négociations politico-militaires en cours à l’OTAN, et peut provoquer le cas échéant des arbitrages au niveau politique. De plus, elle rédige des documents à portée stratégique de plus long terme sur des sujets identifiés en vue de fournir une image la plus réaliste possible des enjeux à venir, à destination du cabinet du ministre et/ou des grands décideurs du ministère des Armées.
Quels défis principaux l’OTAN rencontre-t-elle dans le contexte sécuritaire actuel des relations internationales ?
L’OTAN est confrontée actuellement à un triple défi : militaire, capacitaire et « de cohésion ».
- Le défi militaire
Il s’agit du défi le plus évident et c’est celui pour lequel l’Alliance a vu le jour, mais dont elle s’était progressivement déshabituée lors des 30 dernières années. L’OTAN est aujourd’hui de nouveau confrontée à une menace militaire directe, très clairement identifiée par le nouveau concept stratégique dont elle s’est dotée lors du sommet de Madrid en 2022 : la Russie.
Si la Russie n’est pas l’unique menace qui pèse sur la sécurité et la stabilité de la zone euro-atlantique, elle est incontestablement la plus visible : guerre d’agression en Ukraine, réarmement, mouvements et exercices de ses forces armées, etc. La Russie se remarque surtout par ses déclarations intempestives et menaçantes de ses chefs et le recours quasi quotidien à la rhétorique nucléaire par son président.
- Le défi capacitaire
Les travaux, notamment ceux de planification opérationnelle, menés au sein de l’OTAN pour répondre à ce défi militaire ont mis en exergue le défi capacitaire.
Après des décennies de désinvestissement dans la défense de la part de la très grande majorité des pays de l’Alliance, - sur fond fantasmé de « fin de l’histoire » et de « dividendes de la paix » - les dépenses militaires ont été réorientées vers l’acquisition et le développement d’outils de gestion militaire des crises, au détriment des capacités militaires létales plus « musclées ».
Ce défi capacitaire doit néanmoins composer avec les ponctions faites sur les arsenaux et les stocks que les alliés se sont imposés, depuis le 24 février 2022, pour céder à l’Ukraine les moyens dont elle a besoin pour se défendre.
L’Alliance doit donc conserver des capacités de gestion de crises pour un scénario qui ne relève pas de la défense collective, tout en continuant d’investir suffisamment dans l’innovation et les technologies émergentes : intelligence artificielle, quantique, robotique, dronisation, transformation numérique etc.
Le défi capacitaire ne peut donc s’appréhender qu’en une priorisant les besoins et les délais incompressibles et réalistes , notamment liés au « réarmement industriel », qui est un paramètre indispensable.
- Le défi « de cohésion ».
Le 3e défi est un défi permanent qui prend aujourd’hui une acuité et une difficulté inédite avec les soubresauts de la situation stratégique : la préservation de l’unité et de la cohésion de l’Alliance.
La poursuite du soutien à l’Ukraine, la pression des Etats-Unis sur un l’exigence d’un rééquilibrage du partage du fardeau au sein de l’OTAN ou encore la situation au Proche-Orient depuis le 7 octobre 2023 sont autant de situations qui peuvent mettre en danger la cohésion entre les 32 membres de l’Alliance, en raison des différences d’appréciation de chacun.
Pouvez-vous nous parler de l’engagement de l’OTAN dans le maintien de la paix dans les zones de crises ?
Du fait du retour de l’Alliance atlantique sur sa vocation historique initiale qu’est la défense collective du continent européen et de l’Atlantique Nord (article V du Traité de l’Atlantique Nord), l’Alliance a nécessairement un rôle plus discret depuis quelques années dans la gestion de crise et le « maintien de la paix dans les zones de crises », pour reprendre les termes de la question.
Pour autant, l’Alliance reste engagée dans des opérations qui sont parfois les « queues de comète » d’opérations qui furent jadis massives ; comme c’est le cas au Kosovo où la KFOR (Kosovo Force) continue de mobiliser plus de 5 000 soldats alliés sous bannière OTAN. Cette force a pour but de préserver un environnement sécuritaire apaisé et propice au règlement des questions politiques et diplomatiques qui y restent encore en suspens. De même, la Mission de l’OTAN en Irak (NMI NATO Mission Iraq) continue, avec quelques 500 hommes déployés à Bagdad, à accompagner le leadership irakien de ses conseils et de son expertise.
Même si elle est résiduelle pour le moment, la capacité de l’Alliance à se projeter dans ce qu’on appelle des opérations de gestion de crise non article V (NA5CROs Non-Article 5 Crisis Response Operations) existe encore et constitue même une des trois tâches fondamentales de l’OTAN, avec la dissuasion / défense et la « sécurité coopérative ».
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