Centre de transfusion sanguine des armées : un appui vital pour les forces françaises
À l’occasion des 80 ans du Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA), son directeur, le médecin chef des services hors classe Jean-Jacques Lataillade, explique le rôle du CTSA et son appui dans la gestion des produits sanguins pour les forces armées françaises.
Ce jeudi 22 mai, le médecin chef des services hors classe Jean-Jacques Lataillade est venu présenter le rôle du Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA), au point presse hebdomadaire du ministère des Armées, délocalisé à l’Hôpital national d’instruction des Armées (HNIA) Percy, à Clamart. Cet organisme est essentiel pour aider les forces françaises. Entretien.
Cette année, le Centre de transfusion sanguine des armées fête ses 80 ans. Pouvez-vous nous faire un historique de cet organisme ?
MCSHC Jean-Jacques Lataillade : Le Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) a été créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lors des campagnes d'Afrique du Nord, par le médecin commandant Julliard - qui lui a donné son nom - et le médecin commandant Stora. C'est à ce moment-là que sont nés le concept de transfusion-réanimation et le métier de médecin-transfuseur. A l’époque, on transfusait du sang total, ce qu'on fait moins de nos jours puisqu’on transfuse des produits issus du sang comme des globules rouges, des plaquettes ou du plasma qui sont séparés du sang total. À la fin de la guerre, de retour en France, les deux commandants ont créé à l'hôpital Saint-Antoine une structure mixte de transfusion civilo-militaire qui était dirigée à l'époque par le médecin colonel Tzanck. Au mois de novembre 1945, cette structure s'est séparée : d’un côté, une structure civile qui est devenue le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) ; de l’autre, une structure militaire qui s'appelait le Service central de transfusion et de réanimation de l'armée (SCTRA) et qui est devenu le CTSA en 1972.
Quel est le rôle du CTSA dans la gestion des produits sanguins pour les forces armées françaises, notamment celles engagées en opérations ?
Notre mission est de soutenir en produits sanguins les armées sur le territoire national, c'est-à-dire nos hôpitaux militaires et les militaires qui sont en opération à l'extérieur. Pour cela, nous réalisons la collecte de sang qui se fait dans les unités militaires. Nous préparons ensuite les différents produits sanguins. Nous les qualifions sur le plan biologique, c'est-à-dire que nous veillons à ce que la sécurité transfusionnelle soit bien assurée. Nous vérifions que les produits sont de bonne qualité et nous les stockons et les distribuons. Nos produits sont transportables à 4 degrés dans des caisses isothermes spéciales qui permettent de les conserver pendant sept jours maximum. Nous pouvons ainsi les transporter par voie aérienne à l'autre bout du monde, sans difficulté. Nous avons également une mission de formation. Nous formons tous les acteurs militaires de la transfusion, les médecins, les infirmiers et les techniciens de laboratoire. Tous sont formés à utiliser les produits transfusionnels sur le terrain, sur le théâtre d'opérations, et parfois en situation d'exception.
CTSA : où donner son sang ?
Trouvez facilement l'endroit et le rendez-vous pour donner son sang.
Voir les lieux et dates de collecteEn quoi les innovations technologiques constituent-elles des atouts pour les actions et projets du CTSA ?
Le CTSA a toujours été un lieu d'innovation depuis sa création. Dans les années 50, le médecin général Maupin avait décrit pour la première fois les plaquettes sanguines dans le sang. Il avait mis au point à l'époque les premières méthodes pour isoler les plaquettes du sang. Dans les années 50 toujours, le commandant Hénaff avait mis en place, en France, la lyophilisation du plasma. C'était une technologie qui avait été découverte à la fin de la guerre par les Américains et qui avait été ramenée en France. Cette technologie existe toujours et nous avons su la faire évoluer, malgré les difficultés, notamment le coup d'arrêt qui avait été donné suite à l'affaire du sang contaminé. Nous l’avons adaptée aux nouvelles contraintes réglementaires et de sécurité sanitaire pour en faire le plasma lyophilisé que nous produisons aujourd’hui. Sur le territoire français, seul le CTSA fabrique du plasma lyophilisé*. Par ailleurs, ironie de l'histoire, : les Américains qui possédaient cette technologie à la fin de la guerre l’ont désormais perdue. C’est nous qui la leur vendons.
Ensuite, d’autres innovations sont en cours d'étude. Elles sont guidées par une remise en question permanente de nos connaissances, que nous essayons d'adapter aux évolutions des besoins et des forces d'aujourd'hui, avec les formats de conflits qui ont changé. On ne parle plus de conflits asymétriques, mais plutôt de conflits de haute intensité. Nous travaillons sur de nouvelles approches transfusionnelles, de nouveaux produits plus opérationnels et plus adaptés à ce type de conflits. Par exemple, nous travaillons sur une nouvelle technologie plus agile et plus mobile pour lyophiliser du plasma, ainsi que sur la conservation des plaquettes. Aujourd'hui, les plaquettes se conservent pendant sept jours à température ambiante et on souhaiterait les conserver à 4 degrés, voire même les lyophiliser pour pouvoir les conserver plus longtemps et les apporter sur le terrain pour les opérations. De plus, nous œuvrons sur la réparation tissulaire, avec un épiderme de culture, fruit d’un partenariat d’il y a une dizaine d'années avec L'Oréal. Aujourd'hui, nous sommes prêts à produire cet épiderme de culture pour les grands brûlés.
Enfin, la production de plaquettes et de globules rouges à partir de culture de cellules souches fait partie de nos recherches. C’est ce qui nous permettrait, dans un futur plus ou moins proche, de produire des globules rouges et des plaquettes de synthèse en plus grande quantité pour nos blessés.
*Le plasma lyophilisé est un plasma produit par le Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) sous forme de poudre et conditionné en flacon de verre. Il permet d'assurer un ravitaillement en plasma sous une configuration compatible avec les contraintes opérationnelles.
Contenus associés
Les réservistes du Service de santé des armées : comment se préparer à un conflit de haute intensité ?
Près de Lyon, le camp militaire de La Valbonne accueille, du 19 au 23 mai 2025, jusqu’à 80 réservistes rassemblés pour suivre une formation d’aguerrissement opérationnel Santé, appelée FRAOS. C’est un rendez-vous indispensable avant tout départ en mission opérationnelle. Pour l’édition 2025, la formation connait quelques évolutions : plus de réservistes, plus de scénarios immersifs et réalistes. Rencontre avec le médecin en chef de réserve Vincent, coordinateur pédagogique depuis quatre ans.
27 mai 2025

Tours : déploiement de la première antenne médicale 100% réservistes
Le Service de santé des armées donne une place de choix à ses réservistes avec la création d’une antenne médicale composée exclusivement de soignants réservistes. Cette initiative vise à répondre aux enjeux de demain, face à l’incertitude géopolitique.
07 mai 2025

DEFNET 2025 : le Service de santé des armées face au double défi d’une cyberattaque et du ravitaillement en produits sanguins
Anticipation, coopération et adaptation ont été au cœur des enjeux du Service de santé des armées (SSA) lors de la 11e année de l’exercice cyber DEFNET. Face à une cyberattaque simulée paralysant HEMATOS, un système d’information de qualification des produits sanguins, les acteurs impliqués ont dû mettre en place des solutions alternatives pour garantir l’approvisionnement en produits sanguins des militaires blessés sur un théâtre d’opération fictif.
16 avril 2025
