Marins des débarquements

André-Georges Lemonnier, capitaine de corvette Hubert Amyot d'Inville, groupe naval d'assaut

 

L'amiral Lemonnier inspecte des unités navales françaises libres à Portsmouth © OFIC/DE 2007 ZC 18 112444/SHD

L'amiral Lemonnier inspecte des unités navales françaises libres à Portsmouth

Vétéran des deux guerres mondiales, ayant participé aux deux débarquements de 1944, l’amiral André-Georges Lemonnier est né le 24 février 1896 à Guingamp. A l’âge de 17 ans, il est admis à l’École navale en 1913 et en sort major de promotion. Dès la Première Guerre mondiale, il sert à bord de divers navires et sous-marins. Capitaine de frégate en 1933, il prend le commandement du contre-torpilleur Le Malin. En 1940, il est capitaine de vaisseau et commande le croiseur léger Georges Leygues.

Après l’armistice, il reçoit l’ordre de rejoindre Libreville, mais se retrouve bloqué à Dakar. Il se rallie au général de Gaulle en novembre 1942 qui le nomme chef d’état-major de la Marine en juillet 1943.

En Normandie …

L’amiral Lemonnier dirige dès 1943 les opérations navales de la libération de la Corse puis s’emploie à réconcilier les marins de l’armée d’armistice et ceux des FNFL. « Un seul principe nous guidait : nous voulions que nos navires fussent au premier rang, à l’heure de l’assaut », écrit l’amiral dans son ouvrage Paisible Normandie. Lors du Débarquement, l’état-major allié avait prévu d’inclure seulement quelques bâtiments français légers. Lemonnier réussit à convaincre le First Sea Lord d’accorder une place plus importante à la Marine française. Une dizaine de navires français seront du D Day dont le Georges Leygues et le Montcalm.

… comme en Provence

À la tête de l’escadre française en tant qu’adjoint de l’amiral américain Hewitt, André-Georges Lemonnier est directement impliqué dans le débarquement de Provence, le 15 août 1944. « Le choix de la zone d’assaut ne demande pas de longues études…, détaille l’amiral français dans Cap sur la Provence, récit qu’il fit du débarquement de 1944. Il ne reste qu’un secteur convenable : la région de Saint-Tropez – Saint-Raphaël […], la décision est vite prise. » Lemonnier entre dans le port de Toulon le 13 septembre à bord du Georges Leygues, accompagné du reste de l’escadre française. Au lendemain du conflit, il occupera les fonctions de directeur du Collège de défense de l’OTAN et d’adjoint naval du général Eisenhower au grand quartier général des forces alliées en Europe (SHAPE). Secrétaire perpétuel de l’Académie de Marine, il termine sa carrière en 1956 au grade d’amiral et s’éteint à Cherbourg le 30 mai 1963 à l’âge de 67 ans.

Le 10 juin 1944, au volant de sa Jeep, le capitaine de corvette Hubert Amyot d’Inville, commandant du 1er régiment de fusiliers marins (RFM), file sur les routes en direction de Montefiascone, ville italienne à 80 kilomètres au nord de Rome. Il n’atteindra jamais la ligne de front. Son véhicule saute sur une mine, et il meurt sur le coup. Il avait 35 ans. Cet ancien capitaine au long cours de la Marine marchande est incorporé, en 1940 comme enseigne de vaisseau de réserve. Il prend le commandement du dragueur de mines La Trombe avec lequel il participe à la bataille de Dunkerque. Son navire y est coulé. Il en réchappe et réussit à rallier Londres pour s’engager dans les forces navales françaises libres (FNFL). Affecté au 1er bataillon de fusiliers marins (BFM), il est présent à Dakar lors des affrontements qui opposent la marine britannique et quatre navires des FNFL à des troupes du gouvernement de Vichy. Lors de la campagne de Syrie en juin 1941, son commandant, le lieutenant de vaisseau Détroyat, est tué. Amyot d’Inville lui succède. Il mène ses hommes lors des batailles de Bir Hakeim et d’El-Alamein en 1942, puis pendant la campagne de Tunisie en 1943. Désormais capitaine de corvette et à la tête d’un régiment (le 1er BFM est devenu le 1er RFM), il s’engage dans son ultime campagne en Italie. 80 ans plus tard, la Fondation de la France Libre lui a rendu hommage en faisant installer, lors d’un voyage mémoriel le 19 mai 2024, une plaque commémorative à l’endroit où il est tombé. Les autorités françaises, italiennes ainsi que l’amicale nationale des fusiliers marins étaient présentes. Sa mémoire perdure aussi à travers le bataillon de fusiliers marins basé à Brest qui porte son nom depuis 2020.

Hubert Amyot d'Inville lors de la bataille de Bir Hakeim © SHDGR-GR 2 K 119 0002/SHD

Hubert Amyot d'Inville lors de la bataille de Bir Hakeim

Hubert Amyot d'Inville lors de la bataille de Bir Hakeim

Le plus jeune, Pierre Dourous, venait d’avoir 20 ans. Son chef, le capitaine de corvette Géraud Marche, en avait 39 : commandant du groupe naval d’assaut de Corse, il avait été officier des sports à l’École navale. Avec son équipe de rugby, il avait même raflé le titre de champion de France de la Marine. Le 15 août 1944 à minuit quinze, tous deux sautent sur des mines allemandes dissimulées dans la roche ferrugineuse de la pointe de l’Esquillon. Un décor paradisiaque pour un scénario de film d’horreur. Sur les 67 hommes du commando, onze sont tués sur le coup, des dizaines laissés dans un état grave et de nombreux hommes faits prisonniers.

Tous volontaires, ils appartenaient au groupe naval d’assaut créé en 1943 par le contre-amiral Robert Battet pour collecter des renseignements, en particulier sur les côtes italiennes. Il incombe au groupe de débarquer personnel et matériel, de nuit, sur des radeaux pneumatiques. En ce 15 août, leur but est de se frayer un passage au travers des défenses allemandes et de gagner la corniche d’or (route nationale 98) proche et la route nationale 7 distante, elle, de plus de cinq kilomètres. Ces deux voies sont vitales : il faut empêcher les Allemands de gagner Saint-Raphaël et Fréjus, où la 36e division d’infanterie américaine va débarquer. Malheureusement, la mission se solde par un échec.

Dans le Cols bleus n° 363 du 28 août 1954, l’un des survivants, l’ingénieur mécanicien en chef Chaffiotte, avait décrit la mission très périlleuse de ces marins ayant mis un pied sur la côte varoise, avant toutes les autres unités débarquées : « Le 14 août, nos vedettes stoppaient à 1 500 mètres dans le sud du Trayas, à l’ouest de Cannes […] Nous étions fiers d’être les premiers à reconquérir le sol de notre pays. […]. La première route à atteindre était environ à deux cents mètres. La progression se faisait silencieuse, rapide. Déjà, l’officier en tête de la colonne, l’ORIC (officiers de réserve interprète et du chiffre, NDLR) Auboyneau avait parcouru une centaine de mètres, quand il sauta sur une première mine. »

80 ans plus tard, Paul Meyere a voulu « mettre un visage sur les noms inscrits dans la stèle érigée au-dessus de la calanque des deux frères à Théoule ». Aidé de Benoît Senne, ancien commando Marine, et de Paul Catania, il a contacté une quarantaine de familles de vétérans ou de marins disparus. Un ouvrage devrait bientôt paraître en hommage à ces hommes morts pour la France.

Contenus associés