#FiersdeNosRéservistes : Les coulisses de la formation post-attentats pour les soignants civils
Réserviste à la 5e antenne médicale du 1er centre médical des armées au Fort de Nogent, le médecin en chef (R) Nicolas Poirot, urgentiste à l’hôpital Necker, a coordonné des équipes médicales lors des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Grâce à son retour d’expériences marquantes, l’urgentiste a co-créé une formation unique pour préparer les soignants civils aux défis de la prise en charge des afflux de blessés de guerre. Interview
Propos recueillis par Emmanuelle NDOUDI.
Quel regard portez-vous sur les attentats du 13 novembre 2015 ?
Le médecin en chef (MC) ® Nicolas Poirot : J’ai réalisé qu’un changement d’époque était en cours, à partir de 2015. En janvier, la France a d’abord été frappée par les attentats de Charlie-Hebdo et de l’Hypercasher. Mon SAMU a participé à la réponse médicale et lors du retour d’expériences, nous nous sommes rendus compte du déplacement de paradigme et de la nécessité d’apporter une réponse médicale adaptée à cette évolution. Désormais, le danger ne se concentrait plus sur un seul, mais plusieurs sites, et les équipes de secours pouvaient aussi être prises à partie. Il était donc urgent de se mettre à la page.
Cette réflexion nous a accompagnés tout au long de l’année 2015. Nous avons repensé notre doctrine d’emploi, acquis des équipements adaptés comme des garrots ou des pansements compressifs et réalisé de nombreux exercices interservices pour se préparer, avec la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et les services d’accueil des hôpitaux.
Comment la formation spécialisée de « mise en condition de survie du blessé victime d’un attentat par arme de guerre » est-elle née ?
Le MC ® Nicolas Poirot : Le vendredi 13 novembre 2015, nous avions justement passé la journée à réaliser des exercices de simulation d’attaque terroriste, des réflexions sur table pour tester notre nouvelle doctrine de sauvetage en cas d’attaques « multisites ».
J’étais de garde, le soir des attaques. Les événements nous apparaissaient très opaques, au départ et nous pensions même être confrontés à un exercice surprise. Toutefois, lorsque nous avons compris que la situation était réelle, nous avons tout mis en œuvre pour nous organiser techniquement et médicalement. Ouverture de la salle de crise, alerte des hôpitaux, renfort du personnel : nous étions réactifs et n’avons pas subi la situation.
Je suis ensuite allé en renfort sur le terrain, initialement rue de Charonne sur les terrasses. Arrivé sur le site des attaques, nous avons dû attendre 30 minutes afin que la police sécurise le secteur. La situation nous forçait à nous débrouiller avec de maigres moyens, contraints par l’instabilité et l’incertitude de la situation sécuritaire. Ma formation de réserviste au Service de santé des armées m’a été alors d’un grand soutien. Tous les soins et les techniques que j’avais appliqués sur les sites attaqués étaient tirés de la médecine de guerre. Je suis ensuite en renfort, sur le site du Bataclan.
Fort de cette expérience douloureuse, j’ai décidé, en accord avec mon chef de service le Professeur Pierre Carli, de prendre attache avec le médecin g inspecteur et professeur François PONS, alors directeur de l’École du Val-de-Grâce (EVDG). Nous avions un grand besoin d’apprendre aux côtés de ceux qui savent pour maîtriser les bonnes techniques. Je suis ensuite entré en contact avec le médecin en chef Sébastien Ramade (co-créateur du projet, ndlr), qui à l’EVDG pilotait au Centre d’enseignement et de simulation à la médecine opérationnelle (CeSimMO) la formations « mise en condition de survie du blessé de guerre » (MCSBG) à destination des médecins et infirmiers du Service de santé des armées. Nous avons adapté cette formation aux nouveaux besoins de la population civile. La première session a eu lieu en avril 2016.
Quels objectifs visent-elles ?
Le MC ® Nicolas Poirot : Avec l’appui d’une douzaine de médecins et d’infirmiers militaires, d’active et de réserve, nous les formons aux techniques de sauvetage au combat tirés de la médecine de guerre en particulier la méthode SAFE MARCHE RYAN. Dans un second temps, ils se forment grâce à des simulations pratiques, qui montent rapidement en intensité.
Nous avons notamment mis au point des ateliers spécifiques comme la « lessiveuse » : dans une mise en scène fictive, les équipes de soignants disposent chacun de dix minutes maximum pour identifier les blessures létales et assurer rapidement les soins de sauvetage sur plusieurs victimes dont la mort est évitable. En quittant le stage, les médecins et infirmiers formés doivent maîtriser les premiers gestes de secourisme, le triage de blessés sévères, dans un environnement sécuritaire précaire avec des contraintes de temps majeures.
La formation met l’accent sur l’organisation de la prise en charge de blessés de guerre (plaies balistiques ou explosions par exemple) avec un matériel réduit et en environnement instable. Ces situations extrêmes restent rares en pratique civile, mais il faut se tenir prêt à y faire face.
La plupart des personnes formées, sont déjà formateurs ou référents situation sanitaire exceptionnel dans leurs structures. L’objectif final est qu’ils diffusent, à leur tour, les savoirs acquis dans leurs services.
Après huit ans d’expérience, comment voyez-vous l’évolution de cette formation post–attentats ?
Le MC ® Nicolas Poirot : Le stage a beaucoup évolué depuis ses débuts. Nous l’avons adapté aux demandes des stagiaires, qui sont nombreux à revenir comme encadrants et pour certains comme réservistes.
Nous voulons désormais développer d’autres thématiques d’actualité comme l’afflux de blessés de guerre dans les hôpitaux civils en cas de conflit majeur en haute intensité ou déployer des outils pérennes de collaboration civilo-militaire.
Tous ces projets participent à une transmission de l’expertise du Service de santé des armées, notamment auprès de la nouvelle génération de soignants, moins proche de cette culture militaire depuis l’arrêt du service national.
Le stage renforce le lien historique entre la médecine civile et la médecine militaire.
A la une
1ère édition du Collège des capitaines pour réfléchir au Service de santé des armées de demain
Pendant le Collège des capitaines, une soixantaine de jeunes cadres du Service de santé des armées ont réfléchi, pe...
06 juin 2025

Mixité-égalité : l’engagement des référents du Service de santé des armées
Les référents « mixité-égalité » du Service de santé des armées sont des acteurs incontournables de proximité pour ...
03 juin 2025

Fin de mission Clemenceau 25 : le regard d’un chirurgien orthopédiste embarqué
À l’issue de la mission Clemenceau 25, le médecin principal Nicolas, chirurgien orthopédiste à l’hôpital national d...
03 juin 2025
