Reddition, capitulation, libération des poches et reconstruction : retour sur les événements historiques
Ce dossier rédigé par le Conseil scientifique et d’orientation de la Mission Libération revient sur les événements majeurs qui ont marqué la fin de la Seconde Guerre mondiale : reddition allemande à Reims, capitulation, libération des dernières poches et premiers pas vers la reconstruction d’une France meurtrie.
VERS LA VICTOIRE
Après les grands débarquements de l’été 1944, les Alliés continuent leurs efforts pour libérer la France et poursuivre les forces allemandes qui se sont repliées vers l’Est ou retranchées dans des places fortes de la côte atlantique. À cette occasion, et tout au long des combats de la fin 1944 et de l’année 1945, les combattants des Forces françaises de l’Intérieur (FFI) sont intégrés aux unités de l’Armée française de la Libération.
La campagne d’Alsace, initiée en septembre 1944, prend fin avec la libération de la poche de Colmar, le 2 février 1945, au prix de combats acharnés et de pertes importantes. Les troupes allemandes sont bien dotées, bien retranchées et surtout dominées par l’idée que les combats sont désormais vitaux pour le Reich. L’Alsace est, à leurs yeux, une province du Reich à défendre. Pour les Alliés français et américains, elle est une région française à libérer. Les conditions météorologiques extrêmes de l’hiver 1944-1945 s’ajoutent à une radicalisation et une intensification de la violence nazie.
Les populations civiles sont durement éprouvées. Elles subissent les conséquences des combats dévastateurs et sont victimes de violentes représailles de la part des troupes allemandes en retraite.
Sur le territoire du Reich, les exécutions massives s’accélèrent, les SS jettent sur les routes des centaines de milliers de prisonniers lors des marches de la mort.
Venues à bout de la contre-offensive allemande dans les Ardennes, les forces alliées franchissent le Rhin à la fin du mois de mars 1945 et encerclent le bassin industriel de la Ruhr. La supériorité tactique et matérielle permet aux Alliés de poursuivre les armées allemandes jusqu’à la Baltique, l’Autriche et la frontière tchécoslovaque.
Les troupes américaines et soviétiques font leur jonction sur les bords de l’Elbe le 25 avril 1945 alors que l’Armée rouge est déjà engagée dans de très violents combats urbains à Berlin. La volonté soviétique de désintégrer l’ensemble du système ennemi se traduit par le traitement brutal de la population civile, notamment par des viols massifs. Le suicide d’Hitler le 30 avril, au moment de la prise du Reichstag, signe la chute définitive du Troisième Reich et la victoire des Alliés.
DU 7 MAI À REIMS AU 8 MAI À BERLIN : REDDITION ET CAPITULATION
En février 1945, le général Eisenhower, chef suprême du corps expéditionnaire allié (SHAEF, selon l’acronyme anglais), avait installé son quartier général avancé à Reims, dans les locaux du collège moderne et technique, aujourd’hui lycée Franklin-Roosevelt.
C’est là, le 7 mai 1945 à 2h41 du matin, que le général allemand Alfred Jodl signe la reddition inconditionnelle des forces armées allemandes. L’acte de reddition est contresigné par le général américain Walter Bedell-Smith, chef d’état-major du SHAEF, le général soviétique Ivan Sousloparov, chef de la mission militaire soviétique auprès du SHAEF, et, à titre de témoin, par le général François Sevez, adjoint du général Juin alors chef d’état-major de la Défense Nationale. Eisenhower n’est pas présent lors de la signature mais reçoit les plénipotentiaires immédiatement après.
La nouvelle de la reddition est transmise tout au long de la journée du 7 mai, d’abord au maréchal Keitel et au grand-amiral Dönitz, puis aux différents états-majors et chefs de corps allemands afin que les armes soient toutes déposées dans la soirée du 8 mai. Le 7 mai à Reims débute ainsi l’application effective et définitive du cessez-le-feu entre les forces alliées et allemandes.
Le matin du 8 mai, la nouvelle est annoncée dans les capitales alliées. En France, les cloches des églises sonnent la fin de la Seconde Guerre mondiale à 15 heures le 8 mai, tandis que le général de Gaulle l’annonce à la radio.
L’explosion de joie du 8 mai 1945 qui suit l’allocution donne lieu à des rassemblements spontanés, populaires et festifs qui durent toute la nuit. Pendant ce temps, le 8 mai à 23h01 (heure de Berlin, soit le 9 mai à 01h01, heure de Moscou), la capitulation sans condition du Troisième Reich entre en vigueur suite à sa ratification par le maréchal Keitel, représentant le haut-commandement allemand, le maréchal soviétique Joukov pour le commandement suprême de l’Armée rouge, le maréchal britannique Tedder au nom du SHAEF, ainsi que le général de Lattre de Tassigny, commandant en chef de la 1ère armée française, et le général américain Spaatz, commandant des forces stratégiques aériennes des États-Unis, à titre de témoins.
LA LIBÉRATION DES POCHES : LES DERNIERS COMBATS
Au moment de la capitulation allemande, le territoire français n’est pourtant pas entièrement libéré. Des « poches » de résistance allemande ou « Festungen » (de l’allemand « forteresses ») demeurent dans les Alpes (massif de l’Authion) et sur les côtes de l’Atlantique et de la Mer du Nord. Sont « empochées » des villes entières, avec des garnisons allemandes qui défendent leurs positions, mais aussi la population civile.
Alors que le SHAEF concentre ses forces en Allemagne, les Forces françaises de l’Ouest (FFO) sous le commandement du général de Larminat, sont chargées de libérer les poches de l’Atlantique. La prise des poches littorales est un objectif stratégique et politique majeur pour le général de Gaulle : elle symbolise le retour de la souveraineté républicaine en France.
Les sièges de plusieurs mois mènent à des combats violents et destructeurs. À Royan, entièrement détruite par un bombardement allié en janvier 1945, l’opération Vénérable (du 14 au 20 avril 1945) voit plus de 30 000 hommes issus de la Résistance, de bataillons d’infanterie des Antilles et de l’Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine), évoluer dans des ruines face à des garnisons allemandes jusqu’au-boutistes. Le 17 avril l’amiral Michahelles, commandant allemand de la place de Royan, est capturé. Le 18 avril, une dernière vague de bombardements emporte la reddition des bunkers de la forêt de la Coubre. La Pointe de Grave, de l’autre côté de l’estuaire de Gironde, est libérée le 20 avril.
Les dernières villes libérées de France le sont sans combat au lendemain de la capitulation. À Saint-Nazaire, la garnison allemande se rend aux Français le 11 mai.
La chronologie de la libération des poches de l’Atlantique est la suivante : Royan le 17 avril, Pointe de Grave le 20 avril, l’île d’Oléron le 30 avril, La Rochelle et l’île de Ré les 8 et 9 mai, Dunkerque le 9 mai, Lorient le 10 mai, Saint-Nazaire le 11 mai.
SORTIR DE LA GUERRE
Après des années de conflit, d’occupation et de combats violents pour la Libération, les efforts à entreprendre pour sortir véritablement la France de la guerre sont conséquents. Il faut reconstruire les villes, les infrastructures et les industries détruites par les bombardements, relancer l’économie, rétablir les institutions républicaines mais aussi soigner les corps et les esprits.
Le rationnement, mis en place sous l’Occupation, demeure et ne disparaîtra entièrement que le 1er décembre 1949. Les destructions matérielles sont considérables : 452 000 immeubles sont totalement détruits (deux fois plus qu’au Royaume-Uni) et 1 436 000 partiellement. Près de 20% du parc immobilier français est touché et l’on estime à 5 millions le nombre de personnes sinistrées. Les tâches d’identification des sinistres, de construction de logements provisoires, de planification urbaine et de production de logements modernes sont confiées à un nouveau ministère : celui de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) créé en novembre 1944.
Avant de reconstruire, il faut déminer les 13 millions de mines et d’engins non-explosés encore présents sur près de 500 000 hectares du territoire métropolitain (notamment dans les Bouches-du-Rhône et le Calvados). Sous la direction de Raymond Aubrac, ingénieur et résistant, un service dédié voit le jour. 3 000 volontaires mais aussi 48 000 prisonniers allemands effectuent le désamorçage.
Les mois d’avril et de mai 1945 sont également marqués par les vagues de retours. Au moment de la capitulation allemande, on estime à plus de 20 millions le nombre de personnes déplacées par la guerre à l’échelle du continent européen. 1,8 million d’entre elles sont rapatriées vers la France : 1 million de prisonniers de guerre, 650 000 jeunes hommes transférés de force sur le territoire du Reich au titre du Service du Travail Obligatoire (STO) mais aussi les survivants des plus de 166 000 hommes et femmes déportés de France pendant la guerre. Reviennent en France environ 47 000 victimes de la politique de répression nazie (sur plus de 90 000 déportés de répression) et à peine plus de 5% des 76 000 personnes, dont 11 000 enfants, persécutées et déportées parce que juives.
Le ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés d’Henri Frenay met en place une quarantaine de centres de rapatriement pour accueillir des rapatriés se trouvant pour beaucoup dans une grande détresse physique, psychologique et matérielle. À Paris, la gare d’Orsay et l’hôtel Lutetia sont les théâtres de retours très attendus mais aussi douloureux. Dans une France en reconstruction, il faut tenter de reprendre une vie normale en dépit des traumatismes, du deuil et des conditions économiques désastreuses.
L’année 1945 est en France une période de réforme profonde des structures économiques et sociales. Relayés par les comités départementaux de Libération, élus et citoyens rédigent des cahiers de doléances dans lesquels ils expriment leurs souhaits et préoccupations. En avril pour les élections municipales, en septembre pour les cantonales puis en octobre pour les élections constituantes, les femmes sont pour la première fois électrices, éligibles et élues.
À la planification urbaine s’ajoute la planification économique, des vagues de nationalisations des grandes entreprises industrielles, des transports ferroviaires et aériens, du secteur bancaire, des compagnies d’électricité et de gaz. Le régime de la Sécurité sociale est institué par ordonnance le 19 octobre 1945 . La veille, le 18 octobre 1945, une autre marque importante de la souveraineté retrouvée de la France voit le jour : le Commissariat à l’énergie atomique.
APRÈS DES PERTES IMMENSES, CONSTRUIRE LA PAIX
Si le 8 mai 1945 marque la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, le conflit continue sur le théâtre asiatique. Au large de Rangoon (ex-Birmanie), le cuirassé Richelieu participe aux opérations aéronavales du mois de mai au sein de la Royal Navy.
En Indochine française, le Japon prend directement le pouvoir par un violent coup de force le 9 mars 1945 et encourage les mouvements indépendantistes afin de fragiliser les puissances européennes dans la région. Les idées indépendantistes et anticolonialistes se font jour aussi en Algérie où des manifestations organisées le 8 mai sont violemment réprimées.
Les bombardements atomiques des 6 et 9 août 1945 rayent Hiroshima et Nagasaki de la carte. L’ampleur des destructions est inédite, symbole d’une guerre ayant atteint son paroxysme. L’homme possède désormais une arme de destruction massive.
Les bombardements et, au même moment, l’invasion soviétique de la Mandchourie mènent à la reddition du pays. L’empereur Hirohito l’annonce à la radio le 15 août. Le 2 septembre, les actes de capitulation du Japon sont signés à bord du cuirassé américain Missouri amarré dans la baie de Tokyo. Le général Leclerc y représente la France.
La Seconde Guerre mondiale s’achève. Soixante à soixante-dix millions d’êtres humains y ont trouvé la mort. Il faut souligner que les pertes civiles, estimées entre quarante-quatre et cinquante millions de morts, représentent les deux tiers du bilan humain, conséquence des exactions de toutes natures, des occupations et des déplacements massifs de population, des génocides ou des bombardements aériens.
Pour les pertes militaires, qui représentent vingt-et-un à vingt-trois millions de morts, le front de l’Est et le théâtre Pacifique ont été les plus meurtriers. Quatre millions de prisonniers de guerre furent tués durant le conflit. Marque de l’intensification et de la radicalisation du conflit, les années 1944-1945 voient les plus fortes pertes.
Enfin, de grandes disparités géographiques s’observent : les pertes de l’URSS (environ 26 millions) et de la Chine (14 à 20 millions) représentent pratiquement à elles seules les deux tiers de l’ensemble des morts du conflit.
À l’instar de la guerre qui s’est achevée, la construction de la paix est un enjeu mondial.
Le traumatisme physique et moral de la guerre, la découverte des camps de la mort et les tragédies constatées dans les pays occupés par l’Allemagne nazie et le Japon dictent la nécessité de voir juger et condamner les criminels de guerre. La notion de « crime contre l’humanité » introduite lors des procès de Nuremberg (d’octobre 1945 à octobre 1946) et de Tokyo (de janvier 1946 à novembre 1948) constitue un jalon majeur de la justice internationale.
Un nouvel ordre international chargé de promouvoir la paix et la réconciliation émerge à la fin du conflit mondial. L’Organisation des Nations Unies (ONU) voit le jour le 24 octobre 1945 suite à la ratification de la Charte des Nations Unies préparée en juin 1945 à San Francisco. En préambule de la Charte fondatrice, les peuples des Nations Unies se déclarent « résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances […] à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ».
L’ONU place la promotion du multilatéralisme, de la sécurité collective et des droits fondamentaux au centre de son action. Elle adopte la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme le 10 décembre 1948.
Alors qu’est déjà tombé sur l’Europe le « rideau de fer » annoncé par Churchill, le besoin de défendre les valeurs véhiculées par la Déclaration universelle motive la création d’autres organisations : l’OTAN et le Conseil de l’Europe sont créés respectivement en avril et mai 1949. C’est encore Churchill qui, dès 1946, en appelle aux « États-Unis d’Europe » : « Les peuples d’Europe peuvent-ils s’élever à la hauteur de l’âme, de l’instinct et de l’esprit de l’homme ? Il faut cet acte de foi dans la famille européenne. C’est pourquoi je vous dis : que l’Europe se lève ! »
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