Cyclone Chido : la résilience des soignants du Service de santé des armées

Direction : Santé / Publié le : 29 janvier 2025

Après le passage du cyclone Chido, qui a frappé Mayotte le 14 décembre 2024, les soignants du Service de santé des armées ont été mobilisés face à une situation de crise, sur le territoire national, d’une intensité inédite. Évacuations médicales, assistance psychologique, organisation logistique… Ils racontent leurs missions pour répondre à l’urgence médicale.

Medevac médecin chef Clémentine

Un sang-froid exemplaire. Les soignants du Service de santé des armées (SSA) ont été mobilisés pendant plusieurs semaines sur des missions d’assistance, mises en place après le passage du cyclone Chido qui a, le samedi 14 décembre 2024, dévasté Mayotte et engendré de nombreuses victimes et des dégâts considérables.

Bien que préparés à gérer des opérations complexes, les soignants militaires impliqués dans cette mission ont été frappés par la résonance particulière de l’événement. « L’intensité de l’urgence était marquante car cette crise, qui a touché le territoire national, a non seulement affecté des citoyens, mais aussi l’ensemble des services de l’Etat», explique le médecin en chef (MC) Vincent M., directeur de la Direction interarmées du service de santé (DIASS) de La Réunion-Mayotte et directeur médical de l’opération.

Pour répondre à cette urgence médicale délicate, le MC Vincent M. a co-organisé, en lien avec l’Etat-major du Service de santé des armées, le déploiement d’un dispositif d’assistance constitué notamment de trois équipes médicales mobiles, « une provenant des forces armées de la zone sud de l’Océan Indien (FAZSOI) à La Réunion et deux autres de l’hexagone, détaille-t-il, chacune composée d’un médecin, un infirmier et un auxiliaire sanitaire ». L’assistance médicale a aussi été renforcée par la présence d’une cellule vétérinaire chargée, entre autres, de veiller sur « les eaux destinées à la consommation humaine, l’hygiène alimentaire ».

Enfin, le dispositif de soutien a été complété par la mise en place d’une cellule médico-psychologique. Un dispositif courant mais nécessaire, alors que de nombreux habitants dont des militaires ont souffert personnellement des conséquences désastreuses du cyclone. « Parmi eux, certains ont perdu partiellement ou totalement leur logement, leurs biens et des souvenirs qu’ils chérissaient, précise le MC Vincent M. Ils ont œuvré au profit des sinistrés et des blessés tout en gardant un moral exemplaire ».

Malgré l’impact émotionnel et matériel du cyclone, les soignants militaires ont redoublé d’efforts. Avec un dévouement sans faille, ils ont assuré soins et évacuations médicales dans un délai parfois exceptionnel, répondant à l’urgence avec efficacité.

Chido Mayotte

Rapidité et fluidité

Trois semaines après le passage de Chido, le médecin en chef Brice S., référent médecine aéronautique, a été mobilisé sur l’évacuation médicale d’un gendarme gravement blessé à bord de l’avion militaire médicalisé de type CASA. « Un personnel s’est trouvé en urgence fonctionnelle, après avoir été victime d’une explosion de grenade », raconte le médecin en chef.

Le centre hospitalier de Mayotte (CHM) ne disposant pas de capacités d’évacuation et de prise en charge adaptés à la situation, « nous avons décidé, en accord avec la régulation du SAMU, de déclencher cette évacuation médicale, indique-t-il, les délais d’évacuation par les moyens civils impactaient directement le pronostic fonctionnel du gendarme qui était blessé à la main ». « Chaque heure passée diminuait ses chances de récupération », complète, de son côté, le directeur médical.

L’organisation déployée a donc assuré une évacuation médicalisée par voie aérienne (MEDEVAC) en un temps record ! « Une évacuation par les moyens civils n’était possible que le lendemain. L’usage de l’avion CASA et la réactivité de l’équipage ont considérablement réduit le temps nécessaire à son évacuation », observe le médecin. Et d’ajouter, « c’est rarement aussi rapide : l’alerte classique CASA MEDEVAC peut prendre jusqu’à 6 heures en heures non ouvrées. Dans ce cas précis, nous avons décollé en moins de 1h30 de nuit, en plein milieu du week-end », analyse le référent. La réussite de l’opération tenait à un élément : l’implication totale de la chaîne de travail, de l’opératif, au tactique, en passant par le stratégique.

Le MC Clémentine C. a aussi constaté l’importance du travail collaboratif, particulièrement entre civils et militaires, dans le succès de la manœuvre. Médecin à l’antenne médicale de Saint-Denis depuis deux ans, le médecin en chef était d’astreinte la semaine qui a suivi le cyclone. Accompagnée de trois infirmiers et un médecin supplémentaire, elle a été mobilisée pendant une journée, pour réaliser l’évacuation médicale de trois blessés allongés civils. « C’était la première fois de ma carrière que j’ai eu à réaliser une évacuation de cette ampleur », se souvient-elle.

L’un des patients souffrait d’une fracture vertébrale : « il se trouvait sur un terrain glissant lors du passage du cyclone et est tombé de plusieurs mètres sur le parpaing », explique le MC Clémentine C. Et de préciser, « il est resté enseveli pendant quelques heures ». Son cas, nécessitant une neurochirurgie, impliquait une escale à Pierrefonds dans le sud de l’île de La Réunion. Parmi ses patients, le médecin en chef et son équipe comptait aussi deux femmes enceintes, un polytraumatisé et une patiente en état de réanimation à la suite d’un accident vasculaire cérébral. « Son état n’était pas une conséquence du cyclone, mais nous l’avons prise en charge pour soulager le CHM, dont la structure avait souffert des vents de la tempête », explique le MC Clémentine C.

Les évacuations sanitaires concernaient également certains militaires et leurs familles. « Certaines personnes ont eu peur pour leurs vies et pour celles de leurs proches, et à juste titre, surtout lorsque nous connaissons les détails », évoque le MC Vincent M. La cellule médico-psychologique, composante nécessaire dans ce type d’intervention, a ainsi eu un rôle particulier à Mayotte.

Médecin militaire Mayotte

Plus d’une centaine de consultations

Dès le mercredi 18 décembre 2024, quatre jours après le passage de Chido, des professionnels militaires de la psychologie sont progressivement arrivés dans le département ultra-marin. « Le commandement se préoccupait de l’état du personnel et des ayants-droits. Il se demandait quel serait le bon accompagnement à mettre en place », explique le MC Laëtitia M., psychiatre rattachée à l’hôpital national d’instruction des armées Percy de Clamart.

À son tour, la soignante a finalement été projetée sur le territoire mahorais, le vendredi 20 décembre 2024. Enjeu : assurer une écoute et une présence préventive, dans un climat détérioré. « J’ai dû m’intégrer au sein d’une antenne médicale fortement détruite par le cyclone », détaille la professionnelle de santé. Je ne m’attendais pas à découvrir un environnement autant affecté, comme en opérations extérieures ».

Sur place, le MC Laëtitia M et sa binôme ont accompagné plusieurs familles de militaires. Au totale, elles ont réalisé 120 consultations. « C’était un flot continu de patients qui se présentaient quotidiennement », analyse le MC Laëtitia M. Troubles anxieux, problèmes de sommeil, état de stress aigu… elle s’est confrontée aux problématiques courantes dans le cadre d’événements à forte potentialité traumatique. « J’ai fourni une écoute et parfois des médications transitoires pour aider les sinistrés à mieux passer ce cap », raconte le médecin en chef. La psychiatre a aussi joué un rôle de conseil, auprès du commandement. « Nous avons fait un point sur les possibilités d’accompagnement par le Service de santé des armées et par le commandement des ressortissants impliqués », évoque-t-elle.

Exit le confort d’un bureau équipé : à Mayotte, le médecin en chef a misé sur l’adaptabilité et la rusticité. « Ayant plusieurs opérations extérieures à mon actif, j’ai réussi à poser un cadre de travail résilient. Nous n’avions pas toujours de l’électricité ou du réseau, mais ça n’a pas gêné, détaille-t-elle, les patients étaient très compréhensifs de ces conditions dégradées ». À l’instar des MC Brice S. et Clémentine C., Laëtitia M. salue la flexibilité et l’aisance des échanges entre toutes les chaînes impliquées. « Les patients ont rapidement pris connaissance des informations, grâce aux points de situations avec le commandement », indique-t-elle. Une continuité de l’échange jusqu’en terre métropolitaine. Sur les bases aériennes d’Istres et d’Orléans, des psychologues accueillaient sur le tarmac les familles évacuées. « Nous avons pu faire le relai avec les psychologues et psychiatres des régions où allaient arriver certaines familles, explique le MC Laëtitia M., la grande majorité d’entre eux pouvaient solliciter l’antenne médicale des armées la plus proche pour poursuivre leur accompagnement ».

« Il y a eu une vraie volonté d’accompagner les sinistrés, dans toutes les composantes de leur vie », explique le MC Elise B., chef du bureau « condition de vie du personnel » du Service de santé des armées. Trouver des hébergements d’urgence, gérer les affiliations à la sécurité sociale, informer les ayants-droits… le Service de santé des armées continue, un mois après la catastrophe, à mobiliser cet accompagnement.


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