Interview : le Régiment Médical, spécialiste de la logistique opérationnelle « Santé »
À la Valbonne, le VEC Demoncheaux a quitté, jeudi 27 juin 2024, ses fonctions de chef de corps du Régiment Médical (RMED), l’une des unités phare de la brigade logistique créée en mars 2024. Premier vétérinaire à la tête de cette formation de l’armée de Terre, il dresse le bilan de trois années riches en défis. Questions à chaud.
Propos recueillis : Virginie Gradella, https://latelierdumot.fr;
Comment décririez-vous le Régiment Médical en quelques mots ?
Le RMED est un régiment unique. Dans sa nature tout d’abord, car c’est l’un des plus importants en effectifs avec 1100 personnel d’active et 200 réservistes, et commandé par un officier du Service de santé des armées (SSA). C’est aussi l’un des plus féminisés avec 45 % de personnel féminin. Il est unique également d’un point de vue opérationnel, car il est le seul capable d’intégrer les capacités médico-chirurgicales du SSA à la manœuvre de l’armée de Terre et ce, sur tous les théâtres d’engagement opérationnel. Concrètement, il déploie, met en œuvre, arme et protège les unités médicales opérationnelles du SSA au profit des troupes au sol. Ses trois missions consistent à transporter, monter et démonter des structures telles que les antennes chirurgicales ; à gérer les flux de blessés en les évacuant, une fois les premiers soins donnés, de la ligne de front vers l’arrière tout en permettant au personnel du SSA d’assurer la continuité des soins ; mais également à participer à la décontamination médicale en cas d’attaques NRBC. C’est un régiment performant, adaptable et réactif, spécialisé dans la logistique santé et le ramassage des blessés, et dont le fonctionnement parfaitement huilé permet de relever n’importe quel défi de terrain, quel que soit le milieu de déploiement, du premier au dernier kilomètre.
« Le RMED déploie, met en œuvre, arme et protège les unités médicales opérationnelles du SSA au profit des troupes au sol. C’est un régiment performant dont le fonctionnement relève n'importe quel défi de terrain quel que soit le milieu de déploiement. »

Quel est le positionnement du RMED dans la chaîne de soutien médical ?
Le RMED est un maillon clef de ce soutien médical car l’enjeu de son déploiement est la préservation de la vie en bout de chaîne. A sa disposition, deux atouts maîtres : une réactivité opérationnelle permanente et des soldats polyvalents.
D’une part, le RMED est en capacité de répondre présent au coup de sifflet bref pour intervenir au profit de missions opérationnelles (OPEX, MCD…), d’opérations intérieures comme Sentinelle ou encore, de missions d’urgence à caractère humanitaire, pour se rendre au secours des populations victimes de catastrophes naturelles ou de crises sanitaires.
D’autre part, pour garantir cette disponibilité sur le territoire français comme sur tout autre point du globe, le RMED regroupe des hommes et des femmes à l’expertise pluridisciplinaire. Ce sont à la fois des combattants aguerris aux gestes de combat et entraînés à la protection d’un convoi médical tactique, ainsi que des techniciens spécialistes du sauvetage au combat appelés auxiliaires sanitaires. Grâce à cette double compétence, la chaîne de soutien médical s’intègre naturellement dans la chaîne de soutien logistique, faisant du RMED le spécialiste de la logistique opérationnelle santé.
« RMED regroupe des hommes et des femmes à l’expertise pluridisciplinaire : des combattants aguerris aux gestes de combat et entraînés à la protection d’un convoi médical tactique et des techniciens spécialistes du sauvetage au combat appelés Aux San. »

Pendant votre mandat, quels ont été les défis relevés et les crises confrontées ?
A peine arrivé en poste en 2021, je me suis trouvé dans la continuité opérationnelle de mon prédécesseur. Nous étions en pleine crise Covid et le RMED devait fournir du personnel pour armer les modules militaires de réanimation en outre-mer et, globalement, poursuivre sa contribution à l’offre de vaccination.
L’exercice ORION 2023 a ensuite été l’occasion de déployer, pour la première fois, le poste de commandement de zone fonctionnelle soutien médical, qui est l’échelon de coordination du soutien logistique santé au niveau divisionnaire.
En fin d’année dernière, suite aux tragiques événements dans la bande de Gaza, nous avons accompagné la montée en puissance, en urgence, d’une offre de soins aux blessés sur place. En moins de 48 heures, nous étions aux côtés du SSA à Toulon pour embarquer sur le porte-hélicoptères Dixmude. Sans aucune donnée tactique à notre disposition, nous nous sommes préparés à tous les scénarios possibles en matière de protection, de transport de blessés et de ravitaillement médical. Il s’agissait en outre d’une action interarmes combinant un éventail de moyens, ce qui a demandé une coordination précise. Le commandement du détachement Terre a été pris par un officier du RMED, une première dans ce type d’intervention.
Toujours dans le registre des premières fois, j’ai également proposé à ma hiérarchie de prendre le commandement d’un état-major tactique sur l’opération Sentinelle. En février 2024, un détachement entièrement composé de soldats du RMED était à pied d’œuvre, en Alsace, pour assurer la mission de protection du territoire national, en appui des forces de sécurité intérieure.
Quels enjeux pour le soutien médical face aux défis des conflits modernes ?
Suite aux derniers événements sur la scène internationale, il a clairement été établi que le combat avait évolué de « asymétrique » en « symétrique ». Aujourd’hui, nous sommes face à une menace entraînée, équipée et très motivée, avec une nécessité de gérer des flux massifs de blessés. Les OPEX laissent peu à peu la place à des conflits dits de haute intensité, un changement d’échelle qui impose de revoir intégralement notre mode de pensée et d’agir, ainsi que d’adapter nos équipements en conséquence, voire d’innover.
Comment le RMED répond-il à cette nouvelle menace ?
En modernisant ses capacités de combat ! Avec le remplacement progressif de son parc de blindés sanitaires par des Griffons dans leur version médicalisée (Griffon SAN) d’ici 2035, le RMED se dote d’un véhicule nouvelle génération qui répond aux exigences des combats futurs. La version SAN dispose de tous les éléments communs aux Griffons en matière de mobilité, d’armement, de protection et de connectivité. Il est équipé, en plus, d’un module médicalisé, d’aménagements adaptés au rangement des équipements médicaux, d’un système d’aide au chargement des blessés tandis que sa configuration intérieure permet d’accueillir des blessés assis ou couchés avec une capacité de quatre brancards. Entre cette capacité d’emport doublée, son aménagement optimisé et son aptitude à l’autoprotection, le Griffon SAN est un engin plus confortable et ergonomique, aussi bien pour l’équipage que pour l’équipe soignante. Une excellente nouvelle lorsque l’on sait que ce sont les évacuations terrestres qui ont la préférence par rapport aux voies aérienne et maritime sur les engagements de grande envergure !
Quel bilan faites-vous de votre mandat de chef de corps, qui plus est de spécialité vétérinaire ?
J’ai vécu une formidable aventure au sein du RMED. C’est probablement ma plus belle affectation bien qu’également la plus exigeante car il a fallu faire preuve de disponibilité, de réactivité, de hauteur de vue et de profondeur dans un contexte où les missions se multiplient, où la charge opérationnelle s’intensifie et où les contraintes financières et RH se tendent.
« Historiquement, le chef de corps du RMED est un médecin mais je suis en effet le premier vétérinaire à le commander, ce qui est un honneur pour le corps des vétérinaires. »

Pour autant, commander n’est heureusement plus considéré comme du ressort unique de nos camarades médecins, mais potentiellement de tous les praticiens des armées. L’aptitude à commander s’apprend au fil du temps et de l’expérience, un profil de chef se développant naturellement -ou non- au cours d’une carrière.
Le rôle du chef de corps du RMED est à l’image de celui des autres commandants de l’armée de terre. Être chef de corps, c’est être un leader, un guide, un père de famille même, parfois, pour une communauté d’hommes et de femmes, tous soldats mais tous différents. L’objectif est de maintenir un équilibre subtil entre fermeté et bienveillance, de s’adapter à chacun tout en fédérant l’ensemble grâce à un esprit de corps et à l’honneur de servir. Commander est un acte complexe mais j’étais volontaire et j’ai été comblé. L’expérience a dépassé mes attentes. Mon plus gros cadeau a été la loyauté que m’ont accordée les hommes et les femmes qui composent cette magnifique unité qu’est le Régiment Médical.
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