Revue Médecine et Armées : « Le « pied du soldat » fait l’objet d’une grande attention »
Trois questions au Professeur Jean-Jacques Morand, professeur agrégé du Val-de-Grâce (Paris), et chef du service de dermatologie de l’Hôpital d’Instruction des armées Sainte-Anne (Toulon), sur la pratique de la dermatologie en milieu militaire.
Propos recueillis par Bojidarka Hild, de la revue Médecine et Armées
La pratique de la dermatologie rencontre-t-elle des spécificités en milieu militaire ?
Professeur Jean-Jacques Morand : Il n’existe pas de réelles spécificités en milieu militaire comparativement à la dermatologie de la population civile. Ce sont plutôt des particularités qui relèvent d’une part de l’âge moyen des militaires, le plus souvent de jeunes adultes, d’autre part du sexe ratio à prédominance encore masculine et, enfin, du phototype plutôt clair des militaires en métropole. De plus, le type d’activité et le déploiement outre-mer favorisent telle ou telle pathologie.
« Le « pied du soldat » fait d’ailleurs l’objet d’une grande attention de la part du dermatologue, car il est fragilisé par les conditions extrêmes de température et d’hygrométrie et les microtraumatismes répétés lors de marches prolongées. »

Quelles sont les particularités des missions d’un dermatologue en opération extérieure ?
Professeur Jean-Jacques Morand : En opérations extérieures, le dermatologue est avant tout un médecin interniste qui gère l’ensemble des pathologies médicales, mais les motifs cutanéo-muqueux peuvent atteindre un quart des consultations en milieu tropical si l’on prend en compte les piqûres d’arthropodes et leur surinfection, les plaies et les brûlures superficielles. En outre, la plupart des infections tropicales comportent une symptomatologie cutanée parfois révélatrice (arboviroses et exanthème fébrile prurigineux, par exemple). La particularité des dermatoses est qu’elles sont habituellement visibles ; cela explique que la téléexpertise ait été particulièrement développée dans notre spécialité, notamment en milieu militaire où notre service a été précurseur en ce domaine. Elle permet de réagir rapidement à une alerte, le dermatologue devenant une véritable sentinelle des épidémies (exemple du Monkeypox).
Quel est, selon vous, l’avenir pour la dermatologie en milieu militaire ?
Professeur Jean-Jacques Morand : Notre spécialité est fragile, car les effectifs sont très faibles du fait d’un recrutement insuffisant durant de nombreuses années, mais pas seulement en milieu militaire. Or, le nombre de tumeurs cutanées malignes est important et en augmentation, y compris chez le militaire. Et, nul mieux que le dermatologue n’est en mesure d’en faire le diagnostic différentiel précis (notamment grâce au dermoscope), d’en pratiquer l’exérèse chirurgicale avec des marges adéquates ou la destruction par d’autres méthodes. Grâce à l’immunothérapie, inventée à l’origine pour lutter contre le mélanome, la survie a nettement progressé. Le dépistage est essentiel. La prévention concerne aussi les infections sexuellement transmissibles, les dermatoses allergiques professionnelles. Les grandes dermatoses chroniques (dermatite atopique, psoriasis, urticaire, hidrosadénite suppurée, etc.) ont bénéficié des biothérapies qui ont révolutionné la prise en charge des malades et leur qualité de vie qui en était profondément altérée ; bientôt le vitiligo, la pelade et nombre de pathologies auto-immunes pourront être traités efficacement sans iatrogénie.
La dermatologie est résolument moderne et polyvalente et demeure une spécialité indispensable au système hospitalier militaire pour assurer la prise en charge et l’expertise des nombreuses affections cutanéo-muqueuses qui peuvent toucher nos militaires.
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