De la fraternité d'armes
La cérémonie de fin d’année qui s’est déroulée le 11 juillet à Balard a été pour moi l’occasion de m’adresser aux soldats de l’armée de Terre une dernière fois avant le 14 juillet, les jeux olympiques et à quelques encâblures des permissions ou mutations estivales.
J’ai voulu parler de la fraternité d’armes qui nous unit tous et qui est indispensable au succès de la mission. Voici l’ordre du jour que je leur ai livré :
Au cœur de Balard, siège de l’état-major de l’armée de Terre, des soldats viennent de recevoir la récompense de leurs mérites. Le détachement du 2e régiment de hussards sur les rangs derrière son chef de corps et son étendard rappelle la vocation de nos états-majors :
- garantir à la Nation des unités prêtes à s’engager en opération et à vaincre au combat.
Un drapeau, un chef, une troupe : une allégorie de la fraternité d’armes
La cohésion naît au sein d’une équipe ; la solidarité s’exprime dans une communauté ; l’amitié unit un groupe ; la fraternité d’armes fait d’une troupe un outil de combat. La fraternité d’armes est une singularité militaire car elle procède d’une finalité guerrière : livrer bataille, donner la mort pour vaincre, et accepter de la recevoir. Ensemble.
Les jeunes soldats qui rejoignent les rangs découvrent ce supplément d’âme qui transcende la troupe. Les plus anciens ont appris le sens de la fraternité d’armes dans les coups durs. Ceux qui l’ont éprouvée au combat connaissent la valeur du mot « camarade ». Ceux qui ont quitté le service se souviennent avec nostalgie du sentiment de puissance qui se dégage d’unités où chacun, à sa place, donne le meilleur de lui-même pour le succès de la mission.
L’histoire de l’armée française est riche d’exemples de cette fraternité d’armes :
- ce sont les poilus de toutes les régions de France s’entraidant dans les tranchées ;
- ce sont les maquisards résistant dans les massifs des Glières et du Vercors au-delà des diversités d’origine et de condition ;
- ce sont les combattants de la France libre et ceux de l’armée d’Afrique qui s’amalgament pour former le corps expéditionnaire français en Italie en 1944 ;
- ce sont les parachutistes réalisant leur premier saut de nuit sur la cuvette de Dien Bien Phu pour partager le sort de leurs camarades.
La fraternité d’armes est d’abord expérience humaine
Elle est acceptation d’une dépendance mutuelle. Dans la vie de combat, même le chef est faible et a besoin d’être protégé par ses hommes. Dans la vie de combat, même le héros est fatigué et a besoin de dormir sous la protection de ses camarades. Les frères connaissent leurs faiblesses mutuelles et savent qu’ils se doivent assistance.
La fraternité d’armes est aussi ambition collective
Elle est contraire à la logique de communauté, de club ou de secte. Pas plus qu’on ne choisit ses frères, le soldat ne choisit ses compagnons d’armes, qu’il soit chef, camarade ou subordonné. Les unités de l’armée française ont à bâtir leur cohésion à partir des hommes et des femmes qui leur sont affectés, sans en exclure aucun. A chaque membre un juste rôle au service de la mission commune. A la manière d’une famille où chacun apporte son talent et a droit à sa juste place, les unités font corps.
La fraternité d’armes est surtout finalité opérationnelle
Elle sous-tend le succès de la mission. Elle est esprit guerrier alliant loyauté, détermination et audace. Elle rappelle au soldat son impératif de victoire : il n’a pas d’obligation de moyens mais de résultat. Dans la violence et le désordre du combat, la confiance en ses pairs et ses chefs est indispensable pour agir malgré la peur et les dangers. La camaraderie, le sentiment d’appartenance et la conviction de contribuer à plus grand que soi poussent au dépassement.
La fraternité d’armes dans nos armées est discipline
La hiérarchie est exacte :
- les chefs sont chargés de commander ;
- les subordonnés ont le devoir d’obéir. Ils le font selon des règles et des codes.
Davantage qu’un modus vivendi qui permettrait une cohabitation acceptable, plus que l’égalité d’une cogestion, ou que l’unanimité d’une uniformité utopique, la discipline règle la diversité, assure la cohérence de l’unité et son efficacité en toute circonstance. Forte de son histoire et des épreuves qu’elle a traversées, l’armée de Terre sait que la discipline librement consentie fonde sa valeur opérationnelle. Elle sait que la cohésion naît de la tension vers un but commun ; que l’effort partagé est ferment d’unité et révélateur des caractères.
La fraternité d’armes est méthode
Elle ne va pas de soi. Elle n’est pas un slogan que l’on invoque pour se rassurer. Elle ne se décrète pas. Elle n’est jamais définitivement acquise. Elle se décide, s’apprend, s’entretient et se renforce. Elle a besoin de s’éprouver. Elle a besoin de se prouver. Elle est un combat car elle doit dépasser des réflexes inévitables au sein d’un groupe humain : jalousie, corporatisme, effet de bande et exclusion sont des poisons pernicieux. Nier ces tendances serait aussi vain que les ériger en obstacles rédhibitoires. La fraternité d’armes appelle avant tout la considération. Commander et faire travailler ensemble des hommes et des femmes aux aspirations différentes, aux compétences inégales, aux convictions diverses et aux origines variées constitue une gageure qui suppose éducation, maturité et intelligence collective.
Ce qui unit les formations de l’armée de Terre est plus grand que ce qui les divise. Les drapeaux et étendards des régiments en sont le symbole.
La devise de notre pays le clame
Liberté – Egalité – Fraternité.
L’armée de Terre a l’ambition et le devoir d’offrir à la Nation la plus belle image d’elle-même :
- celle d’une troupe unie par des liens fraternels ;
- celle d’une jeunesse qui se lève, prête à servir jusqu’à la victoire, même au prix du sacrifice suprême.
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