Après le premier posé sur terrain sommaire et par temps froid au Canada il y a tout juste un mois, c’est au tour de l’aérodrome de Maripasoula, à l’issue de plusieurs mois de travaux de réfection, d’accueillir l’avion de transport stratégique et tactique A400M Atlas. L’aéronef de 83 tonnes effectuait lundi 24 février son premier atterrissage à vide sur une piste revêtue aux confins du département français.

Une zone reculée au cœur de l’Amazonie

Dans les profondeurs du parc amazonien de Guyane, la commune de Maripasoula, véritable écrin de verdure bordé par une forêt équatoriale dense, est uniquement accessible par le fleuve Maroni ou par voie aérienne. Déployé en Guyane française dans le cadre de la mission BUBO 25 en appui logistique, l’A400M profite de sa présence sur le territoire pour mener des missions de soutien aux populations d’outre-mer, notamment dans le cadre d’opérations d’assistance humanitaire et de secours en cas de catastrophe.

Pilote sur A400M à l’escadron 1/61 « Touraine » de la base aérienne 123 d’Orléans et commandant de bord de la mission, le capitaine Yann témoigne : « Aujourd’hui, nous avons effectué le premier trajet à vide de l’A400M pour réaliser un essai dans l’optique d’acheminer plus tard du fret en cas de besoin à la population sur place. » Une véritable prouesse technique qui a permis de valider l’accessibilité de l’avion pour pouvoir acheminer, à terme, jusqu’à 30 tonnes de charge offerte en cas de nécessité. Au-delà de la préparation technique, une coordination administrative rigoureuse était également nécessaire, impliquant les Forces armées en Guyane (FAG) et les autorités locales responsables de la gestion de la plateforme aéronautique. L'obtention de l’accord pour cet atterrissage marque une étape clé, rendant désormais possible l’utilisation de l’aérodrome de Maripasoula par l’A400M.

Tester les capacités de l’A400M

Habilité à accueillir des avions légers, tels que les avions tactiques Casa stationnés sur la base aérienne 367 de Cayenne, l’aérodrome a réceptionné l’A400M, mais non sans contraintes sur ce terrain difficile d’accès. « Avec une largeur de seulement 24 mètres, cette piste, particulièrement étroite, représente un défi pour la manœuvrabilité de l’A400M. Cela a nécessité une grande maîtrise et une expertise technique pour effectuer un demi-tour sur piste », explique l’adjudant Loïc, mécanicien navigant sur A400M. Avec une masse à vide de 83 tonnes, l’avion a été allégé au maximum pour cette première expérimentation. Toutefois, l’appareil a dû surmonter une autre contrainte majeure : la résistance de la piste, qui, jusqu’à présent, ne permettait pas son atterrissage.

Œuvrant à la création, au rétablissement et au maintien en condition des plateformes aéronautiques de l’AAE, la section expertise du 25^e régiment du génie de l’Air est intervenue sur la piste de Maripasoula en septembre 2024. Sur place, les militaires ont réalisé un travail de rétro-ingénierie afin d’estimer l’admissibilité de la piste de l’aérodrome dans l’accueil de l’aéronef. « Nous avons étudié et analysé les archives de la construction de la piste et des différentes études de sol effectuées. Nous avons pu tirer comme conclusion que l’A400m pouvait atterrir en toute sécurité. L’expérimentation de ce premier posé est une excellente nouvelle », a réagi le lieutenant-colonel Édouard, chef du bureau opération instruction (BOI) du 25^e RGA.

Assurer la protection des populations ultramarines

Cet atterrissage à vide revêt une importance particulière, car il démontre la capacité de l’A400M à accéder aux terrains les plus reculés du territoire français afin d’apporter une aide logistique et humanitaire en cas de besoin. Après les cyclones Irma, Belal ou encore Chido, la capacité de projection et la puissance de l’A400M depuis la métropole garantissent une réponse rapide et efficace pour soutenir les populations locales et assurer leur sécurité. « C’est une excellente nouvelle, car l’A400M permettra d’apporter un flux logistique important dans cette zone enclavée, jusqu’ici accessible uniquement en pirogue », s’est réjoui le lieutenant-colonel Édouard. En octobre dernier, la Guyane française subissait un épisode de sécheresse sans précédent, provoquant une baisse historique du niveau des fleuves et entraînant l’interruption du transport fluvial vers les communes et villages les plus isolés. Face à ces défis, l’AAE joue un rôle clé en assurant le secours des populations grâce à sa capacité de projection rapide et à la résilience de ses Aviateurs, toujours prêts à intervenir face aux crises sécuritaires et environnementales d’aujourd’hui et de demain.

« Il s’agit d’une première, et cette réussite a démontré toutes les capacités de l’A400M, qui a su se poser sur la piste de Maripasoula avec une parfaite maîtrise de l’atterrissage, témoignant d’une organisation et d’une gestion exemplaires. Le plan ORSEC "eau" en Guyane, déclenché en octobre 2024 face à une sécheresse historique ayant isolé plusieurs communes, a mobilisé les forces armées pour acheminer eau, vivres et carburant. Le Casa a ainsi réalisé plus de 100 rotations et permis le transport de 300 tonnes de fret. L’A400M, quant à lui, offre une capacité bien supérieure, pouvant transporter entre 25 et 30 tonnes en une seule rotation. Face aux phénomènes climatiques extrêmes qui pourraient survenir dans les années à venir, cet avion constitue un atout stratégique essentiel pour les opérations de secours et de logistique. »

Général de division aérienne Marc Le Bouil, commandant supérieur des Forces armées en Guyane (COMSUP)