Retour sur la Conférence mondiale des radiocommunications 2023 (CMR 23)
Enjeux, bilan et perspectives de la Conférence mondiale des radiocommunications 2023 (CMR 23) qui s’est tenue à Dubaï, du 20 novembre au 15 décembre 2023.
Après quatre ans de travaux de préparatoires, la conférence mondiale des radiocommunications de 2023 s'est tenue à Dubaï du 20 novembre au 15 décembre. Durant quatre semaines, les 193 pays de l'union internationale des télécommunications et ses près de 4 000 représentants ont âprement la mise à jour du règlement des radiocommunications (RR). Ce document, à valeur de traité international, établit les règles régissant l'accès au spectre radioélectrique, conditionnant la capacité à opérer la majorité des systèmes de défense en France et à travers le monde. Les enjeux militaires de cette conférence étaient multiples tant en perspective de gain qu'en terme risque de perte d'accès au spectre.
Sous la direction de l'officier général chargé des fréquences, quatre représentants du bureau de la gouvernance des fréquences de la DGNUM, renforcé par un personnel du bureau du numérique et des SIC (BNUM) de l'Etat-major de l'Armée de l'air et de l'espace (EMAAE) et insérés au sein de la délégation française composé de près de 90 personnes ont travaillés avec succès à la préservation des intérêts du ministère des Armées. Leur contribution a également permis l'acquisition de nouveaux droits règlementaires dont pourront bénéficier des futurs systèmes militaires de communication.
Les enjeux des CMR et du règlement des radiocommunications (RR)
Le secteur des radiocommunications de l'union Internationale des Télécommunications (UIT-R) assure "l'utilisation rationnelle, équitable, efficace et économique du spectre des fréquences radioélectriques par tous les services de radiocommunication, y compris ceux qui utilisent les orbites de satellite". Cette instance est à l'origine du règlement des radiocommunications (RR), texte ayant valeur de traité international ratifié par les 193 pays de l'UIT-R. Celui-ci définit les règles mondiales concernant l'accès au spectre radioélectrique pour tous les systèmes utilisant des fréquences. Les systèmes militaires ne dérogent pas à ce règlement.
Pour répondre aux besoins en spectre croissants des nouvelles technologies telles que la 5G, 6G (demain), le spatial, ce règlement fait l'objet d'évolutions décidées lors des conférences mondiales des radiocommunications (CMR) successives qui concluent des cycles de préparation de trois à quatre années. Les bandes de fréquences "utiles" étant déjà toutes utilisées, l'introduction de nouveaux services, s'établit le plus souvent en définissant de nouvelles conditions de partage du spectre, au risque d'affecter négativement les utilisations existantes.
Les CMR présentent ainsi systématiquement des enjeux majeurs pour les capacités militaires nécessitant un accès au spectre radioélectriques.
Les enjeux particuliers de la CMR-23
L'agenda de la CMR-23 était constitué de 28 points d'agenda dont certains menaçaient des capacités militaires : Radars en bandes S et X, radio de combat en VHF, liaisons C2 de drones en bande C, liaisons de données (LD) en bande Ku.
En parallèle, cette conférence pouvait ouvrir de possibilités d'accès à de nouvelles bandes de fréquences pour les systèmes de communication dans les bandes utilisées actuellement par la TNT, pour des LD aéronautiques ou encore de définir des nouvelles modalités d'utilisation de service existants pour des LD de drones par satellite ou encore des liaisons inter-satellites.
Quatre ans de préparation
La préparation de la CMR-23 a fait l'objet de quatre années de préparation.
Au niveau national, l'agence nationale des fréquences (ANFR) dirige ces travaux techniques et règlementaires visant à définir une position sur chacun des points d'agenda de la conférence, en concertation avec les parties prenantes du spectre, notamment l'affectataire Défense représenté par la DGNUM. Simultanément, elle influence les positions qui sont définies au sein de diverses instances internationales.
Au terme de ces travaux, l'Union européenne a adopté une position sous la forme d'une décision du Conseil de l'Union Européenne, des propositions communes sont adoptées par les 46 membres de la Conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications (CEPT) et l'OTAN a établit également des positions adoptées in fine par le conseil de l'Atlantique Nord. Toutes ces positions sont construites par itérations successives permettant une convergence globale au niveau du continent européen.
Enfin, ces travaux nationaux et européens alimentent des études techniques réalisées au niveau des commissions d'étude de l'UIT-R et de ses sous-groupes qui font l'objet d'un rapport de synthèse substantiel (1200 pages pour le cycle passé).
Quatre semaines de négociations
Les 4 semaines de la CMR-23 de longues négociations ont été affectées par le contexte géopolitique tendu, rendant complexe l'établissement du consensus usuel sur les décisions à adopter. Ainsi, dès lors qu'un point d'agenda pouvait être perçu comme d'intérêt militaire pour l'Europe ou l'OTAN, une opposition systématique de la part de pays usuellement adverses se manifestait, ces derniers ralliant à leurs faveurs des alliés de circonstance. D'une manière générale, les pays de l'OTAN auxquels se sont joints, selon les points d'agenda, des pays partenaires tels que l'Australie, la Corée du Sud ou la Nouvelle Zélande ont pu faire front commun.
En pratique, si la première semaine a été calme et consacrée à l'examen des contributions des différents pays et entités régionales, les travaux se sont très rapidement densifiés en nombre de réunions de commissions, groupes de travail, sous-groupes et groupes ad-hoc. Le crescendo de l'activité s'est traduit par des agendas quotidiens extrêmement denses sur des plages horaires, au pic de l'activité débutant à 8h00 pour se terminer à 3h00 du matin du jour suivant. Le dernier week-end de la conférence avec ses horaires "de bureau" donnait alors l'illusion de jours de repos.
Un bilan très satisfaisant
Sur l'ensemble des sujets d'intérêt défense, les résultats sont satisfaisants voire très satisfaisants selon les cas.
En terme de gains sur les possibilités d'accès au spectre :
- Ouverture de droit au service mobile dans les bandes UHF de la TNT permettant à terme des accès d'opportunité à ces bandes de fréquences pour des systèmes radio ayant déjà une capacité à accéder à ces fréquences ou pour des développement futurs (point d'agenda 1.5);
- Ouverture de droits pour des utilisations de communications aéronautiques à l'échelle mondiale ou régionale (Europe-Afrique), respectivement à 22 et 15 GHz (point d'agenda 1.10);
- Ouverture de droits pour des liaisons inter satellites dans certaines bandes de fréquences (point d'agenda 1.17) pouvant permettre à des satellites d’observation de décharger leurs données vers une terrienne parfaitement maitrisée (en territoire français), dès qu’il seront en visibilité d’un satellite géostationnaire patrimonial servant de relais.
La perspective règlementaire très controversée du pilotage des drones en usant des liens satellites commerciaux et évoluant dans les espaces aériens règlementés a été préservée in extremis grâce à une proposition de dernière minute de la France et sera réexaminée lors de la prochaine CMR. Son avenir dépendra des travaux de l'aviation civile internationale.
En terme de menaces déjouées :
- Contrairement aux attentes de l'industrie de la téléphonie mobile pour la 5G aujourd'hui et la 6G demain, le RR n'a pas été modifié (point d'agenda 1.1) pour la partie supérieure de la bandes C OTAN (utilisée pour des liaisons LOS C2 de drones) et à la marge seulement pour la bande S radar (point d'agenda 1.2), limitant de fait le développement d'écosystèmes de téléphonie mobile dans des "bandes militaires" susceptible de porter préjudice aux systèmes de défense. De même, pour la bande X radar, si la téléphonie mobile est autorisée dans une sous-bande dans la région 2 (Amériques), les conditions techniques restrictives permettant son utilisation ne devraient pas donner lieu à un intérêt commercial significatif ;
- En bande VHF, les systèmes spatiaux de radars sondeurs sont autorisés (point d'agenda 1.12) avec des contraintes techniques donnant une assurance sur leur innocuité vis-à-vis de systèmes dits de radio de combat;
- Enfin, sans préjudice pour les usages défense à 15 GHz, le service de recherche spatiale voit son statut rehaussé.
Un agenda pour la CMR 2027 à fort risque
Si les résultats de la CMR de 2023 se sont avérés très satisfaisants, l'agenda de la prochaine conférence (2027) est chargé d'enjeux et de menaces concernant d'autres bandes de fréquences d'intérêt militaire, convoitées notamment par la téléphonie mobile ou les acteurs des communications spatiales commerciales.
Ce début d'année 2024 sera consacré, dans un premier temps par l'analyse des enjeux associés à cet agenda, puis à l'organisation interne au ministère des premiers travaux à conduire et à l'identification des acteurs devant y être associés (interne au MINARM, autres affectataires nationaux, partenaires industriels et alliés à l’international) afin d'être au rendez-vous des livrables attendus au sein des instances internationales, dont l'échéance des premiers est fixée à la fin de l'année.
Contenus associés
Architecte de solutions Edge (Capitaine à Lieutenant-colonel)
Rejoignez la réserve opérationnelle numérique !Si vous avez plus de 17 ans, de nationalité française, le ministère des Armées, porteur de sens et de valeurs fortes, vous offrira une expérience unique qui vous permettra de contribuer d’une part, à l’effort de défense nationale et d’autre part d’enrichir votre parcours professionnel.
02 avril 2025

Responsable déploiement des applications (commandant)
Rejoignez la réserve opérationnelle numérique !Si vous avez plus de 17 ans, de nationalité française, le ministère des Armées, porteur de sens et de valeurs fortes, vous offrira une expérience unique qui vous permettra de contribuer d’une part, à l’effort de défense nationale et d’autre part d’enrichir votre parcours professionnel.
25 mars 2025

Architecte des systèmes d'information (Capitaine à Lieutenant-colonel)
Rejoignez la réserve opérationnelle numérique !Si vous avez plus de 17 ans, de nationalité française, le ministère des Armées, porteur de sens et de valeurs fortes, vous offrira une expérience unique qui vous permettra de contribuer d’une part, à l’effort de défense nationale et d’autre part d’enrichir votre parcours professionnel.
25 mars 2025
