Renseignement militaire : les « yeux d’or » de l’imagerie se challengent
T64, ZTZ 99, 155 K9… Si ces termes sonnent comme des noms d’imprimantes ou de logiciels, il s’agit en réalité d’armements d'armées étrangères. Les connaitre et les reconnaitre fait partie du quotidien des 120 « yeux d’or » qui ont participé il y a quelques jours à un challenge organisé par la Direction du renseignement militaire (DRM), à Brest.
Du centre d'expertise du groupe aérien embarqué de Landivisiau à la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan en passant par le 61e régiment d’artillerie de Chaumont, ils sont venus de toute la France, voire d’Europe - Espagne, Autriche, Belgique, Italie. Certains ont même traversé l’Atlantique, comme la délégation des US Marine Corps ! Au total, 120 "yeux d'or" - un record -, ces analystes images des services de renseignement, se sont retrouvés le 5 juin dernier à Brest pour la 26e Journée internationale de l’imagerie (J2I).
Au programme de ce challenge organisé par le Centre de formation interarmées au renseignement (CFIAR) de la Direction du renseignement militaire : trois séries de questions. La première s’est déroulée sous la forme d’un QCM : une photo montrant un armement était projetée sur un écran géant, avec, à chaque fois, plusieurs réponses possibles. Le candidat bénéficiait alors de quelques secondes pour procéder à son identification. La deuxième série se voulait plus complexe : les candidats devaient écrire en toutes lettres le nom d’un matériel projeté sur un écran - pour les bateaux et les sous-marins, il fallait même indiquer en plus sa nation d’origine ! Pour finir, les compétiteurs ne disposaient que de cinq secondes pour identifier un matériel et de dix secondes pour l’écrire sur leur feuille. De quoi mettre à rude épreuve leurs réflexes cognitifs ! « Le niveau est plus élevé que l’année dernière. La série 2 était vraiment complexe. Nous connaissons les instructeurs qui ont organisé le challenge puisqu’ils nous ont donné des cours au CFIAR. Ils ont voulu nous faire sortir de notre zone de confort », confie l’un des participants.
Ludique et amusant
De manière plus légère, mais toujours avec un objectif renseignement, les organisateurs ont donné aux militaires l’occasion de « souffler » entre les séries avec deux questionnaires ludiques, « Cekelkam » et « Cekoidonc ». Le but pour le premier était d’identifier une armée à partir d’une photo d’uniforme. Pour le second, il s’agissait de retrouver une ville ou une infrastructure particulière à partir d’une image radar très subtile à appréhender. « Cette J2I permet aux participants d’entretenir leurs compétences dans la reconnaissance de matériels. C’est l’un des piliers de notre métier d’analyste images. Ils doivent connaitre beaucoup de matériels. Parfois, ce n’est pas évident. Avec ce challenge, nous essayons de leur apporter un côté ludique et amusant sur quelque chose qui ne l’est pas à la base », expliquent les organisateurs.
A l’issue du challenge, les participants se sont rendus sur la base navale de Brest. Ils ont notamment pu visiter le bâtiment de soutien et d’assistance hauturier Rhône et deux chasseurs de mines. Ils en ont profité pour s’essayer sur un simulateur de tir utilisé par la division entrainement de la Force d’action navale.
Le palmarès
Félicitations au Centre de formation et d’interprétation interarmées de l’imagerie (CF3I), le centre expert de la Direction du renseignement militaire, vainqueur du challenge par équipes et du challenge "individuel expert" !
Du côté des compétiteurs
3 questions à l’adjudant Thomas, analyste images au CF3I, 2e de l’édition 2024 et vainqueur de la catégorie « expert » en 2023
Quel est le quotidien d’un analyste images ?
Adjudant Thomas : Les questions nous viennent des analystes renseignement présents sur les plateaux* de la Direction du renseignement militaire. Nous programmons alors des images satellitaires. Après une vectorisation complète, nous les étudions et les analysons. Cela nous permet alors de produire un compte-rendu précis. Il s’agit à la fois d’identifier du matériel et de décrypter la situation liée.
Comment identifiez-vous du matériel aussi rapidement ? Dans la série 3 du challenge, vous ne disposiez que de cinq secondes pour visualiser l’image !
Nous possédons un certain nombre de critères et nous nous servons du contexte, comme la zone sur laquelle nous sommes référents ou les documentations à notre disposition. Au fil de nos expériences, notre œil s’habitue et déclenche en nous des réflexes d’identification. Il existe des signatures visuelles qui reviennent régulièrement et nous finissons par les connaitre par cœur. Pour le reste, ce que nous ne connaissons pas, nous allons chercher plus loin encore pour gratter l’information.
L’identification ne concerne pas que le matériel de guerre. Quelles sont vos autres cibles en matière de renseignement image ?
Effectivement, au-delà du matériel de guerre, nous travaillons aussi sur les infrastructures militaires, les travaux de tranchées, les usines… A l’instar des athlètes de haut niveau, nous devons donc nous entrainer régulièrement. Nous devons développer nos réflexes visuels. L’ensemble représente une énorme base de connaissances. Celle-ci fluctue avec les nouveaux matériels, mais aussi les anciens puisqu’il n’y a pas d’obsolescence dans cet environnement.
* Thématiques ou géographiques, les plateaux de la DRM rassemblent, en un même lieu, des experts de la recherche du renseignement, de l’analyse, de la donnée et des relations avec nos partenaires.
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