La colonne vertébrale du GAN

"Une bulle de puissance mobile". La formule claque comme un pavillon au vent. Elle est du commandant du Charles de Gaulle, le capitaine de vaisseau (CV) Georges-Antoine Florentin, pour caractériser le GAN. Agissant au sein du GAN, le porte-avions est à la fois un instrument politique et stratégique de premier plan et un outil tactique incomparable.

Porte-avions Charles de Gaulle © DR

Porte-avions Charles de Gaulle

Plusieurs centaines de tonnes d’ar­mement, une trentaine d’aéronefs, 2 réacteurs nucléaires, 2 catapultes, 3 200 tonnes de carbu­rant pour les avions, soit 2 semaines d’opérations aériennes intensives. Le porte-avions est un mastodonte qui file sur les flots, capable d’avaler 1 000 km par jour pen­dant des mois et dont l’organisation tient de l’« horlogerie fine » selon le chef d’état-major du GAN.

Après plusieurs mois de travaux d’entretien et de modernisation durant son arrêt tech­nique débuté en mai 2023, le Charles a repris la mer le 9 janvier dernier et poursuit sa remon­tée en puissance. L’objectif ? Être fin prêt à prendre part aux opérations du groupe aéro­naval avec l’OTAN au printemps prochain. « Il nous faut faire nos gammes, comme un sportif, d’autant que 25 % des marins embarqués en début d’année n’avaient jamais navigué sur le PA ». Chaque passage à quai est optimisé pour améliorer encore et toujours ses équipe­ments et adapter ses installations pour qu’elles demeurent aux meilleurs standards mon­diaux. « Le passage au bassin du porte-avions a permis de redonner du potentiel aux ins­tallation et d’entretenir la carène, élément clé pour atteindre la vitesse maximale du bâtiment », explique le CV Floren­tin. Parmi les principaux équipements moder­nisés on compte les transmissions, radio (HF) et satellitaires (Syracuse 4), l’hôpital du bord, refondu intégralement, et le changement de deux bouilleurs (pour produire de l’eau pour la consommation humaine et compenser la perte de vapeur à chaque coup de catapulte). « Une attention particulière a été portée sur l’amé­lioration des conditions de vie de l’équipage », précise le CV Florentin. « Les marins doivent pouvoir se régénérer dans leur poste pour être efficaces en opérations ». Question d’attractivité aussi. Les 1 200 marins (sans compter les 500 du GAé et la centaine de l’état-major embar­qué) représentent 30 % de la force d’action navale à Toulon. Il est primordial de les fidé­liser. « Le PA est un bateau très exigeant mais totalement addictif ! ».

Un ambassadeur mobile et très visible

Il faut arrêter de voir le groupe aéronaval comme un porte-avions et son escorte. « Le porte-avions escorte tout autant les autres bâtiments comme une frégate et un sous-ma­rin, qu’il est lui-même escorté », clarifie le CV Coralie, chef d’état-major du GAN. Le porte-avions apporte au groupe naval sa puissance de frappe et son allonge, que ce soit pour frapper l’adversaire au coeur de son territoire ou pour gagner la bataille en mer. Ses avions sont également les premiers défen­seurs de la force navale face à des avions ou des missiles assaillants. Avec le porte-avions, le GAN est le vecteur majeur des missions de projection de puissance et de maîtrise de l’es­pace aéro-maritime menées par la Marine. Il participe aussi au recueil de renseignement et à la dissuasion nucléaire grâce à la capa­cité d’emport du missile aéroporté ASMP-A rénové (air-sol moyenne portée amélioré) sur le Rafale Marine.

Le porte-avions est une pièce maîtresse qui permet à la France de marquer sa volonté et défendre ses intérêts au large. Son autonomie d’action, sa souplesse d’emploi, sa puissance, sa mobilité et son endurance font de lui un dispositif stratégique extrêmement crédible. « Le PA, c’est 42 000 tonnes de détermination française, déployable partout dans le monde ».

Le porte-avions en chiffres

261 mètres de long

64 mètres de large

42 000 tonnes

27 noeuds (de vitesse)

1200 marins (1 800 avec la centaine de l’état-major embarqué et les 500 du groupe aérien embarqué)

2 catapultes à vapeur (pour deux pistes de décollage à l’avant)

3 brins d’arrêt reliés à des presses hydrauliques (pour la zone d’appontage)

Le groupe aérien embarqué

Les ailes du groupe aéronaval

« Le groupe aérien embarqué (GAé) regroupe l’ensemble des aéronefs embarqués sur le porte-avions Charles de Gaulle (PA CDG) : deux flottilles de Rafale Marine (RFM), la 4F avec deux Hawkeye, un détachement de la 31F avec un Caïman et un détachement de la 35F avec des Dauphin. En provenance de Landivisiau, de Lann-Bihoué et de Hyères, cette variété et quantité de vecteurs font du GAé l’un des prin­cipaux pourvoyeurs d’effets du porte-avions Charles de Gaulle, en premier lieu au service de la projection de puissance du groupe aéronaval (GAN), mais également dans le cadre de la lutte anti-aérienne ou anti-surface. Cela correspond à près de 500 personnes sur les 1 800 à 1 900 marins du porte-avions quand il est en mission (équipage, état-major du GAN, et GAé).

Le Charles était indisponible depuis plusieurs mois pour entretien intermédiaire mais la pré­paration opérationnelle du GAé n’en a pas été ralentie. À l’instar des sportifs de haut niveau, l’entraînement est constant : au sein des flot­tilles, en interarmées avec l’armée de l’Air et de l’Espace et l’armée de Terre, ou en interal­liés avec des exercices à l’étranger (par exemple l’exercice trinational Atlantic Trident avec les États-Unis et le Royaume-Uni). En parallèle de cette préparation opérationnelle à la haute intensité, nous assurons également l’avenir, en veillant à la formation constante de nou­veaux pilotes, d’équipier à chef de patrouille. En février dernier, nous avons retrouvé le pont d’envol du PA et poursuivi cette régénération organique à bord. Durant cette période d’école de l’aviation embarquée (EAE), 9 pilotes se sont qualifiés pour l’appontage, 7 ont été qualifiés de jour, 1 de nuit, et 1 à la fois de jour et de nuit.

Le standard Rafale F4 apporte des nouvelles capacités en termes d’armement, développe le combat connecté et intègre de nouveaux cap­teurs. Par ailleurs, une mise à jour est faite sur les systèmes d’information, de logistique et de maintenance avec un travail sur le big data pour faciliter le maintien en condition opéra­tionnelle et améliorer encore la disponibilité de nos appareils. La 17F est la première flottille à être passée complètement sur F4-1, 1er incré­ment du standard F4. Elle sera déployée avec la 11F, toujours sur F3-R. Pour le déploiement suivant, le but sera d’avoir les deux flottilles RFM embarquées au standard F4-1. »

Les ailes du groupe aéronaval © J. Guégan / Marine nationale

Les ailes du groupe aéronaval

Les ailes du groupe aéronaval

Le sous-marin nucléaire d'attaque

Les yeux et les oreilles du commandant de la force

« Lorsque le groupe aéronaval est en mer, il est accompagné d’un SNA. Celui-ci est une paire d’yeux et d’oreilles supplémentaires au profit du groupe aéronaval (GAN). La capa­cité du SNA à rester invisible lui permet d’al­ler en toute discrétion observer loin devant et rendre compte de ce qu’il a vu. D’autant plus avec les SNA de type Suffren, dont les capteurs sont plus performants que ceux de leurs prédécesseurs. Il est ensuite en mesure, en collaboration avec les unités de lutte anti-sous-marine (ASM), d’assurer la protection du GAN contre toute menace de surface ou sous-marine. Notamment lorsque les navires du GAN sont marqués, c’est-à-dire suivis ou observés, par des bâtiments de nations com­pétitrices. Le SNA peut alors s’interposer ou engager une unité qui menacerait le groupe. Depuis leur invention, les sous-marins d’at­taque ont souvent été des chasseurs solitaires, nés pour traquer et détruire des cibles, puis disparaitre dans les profondeurs. Être intégré à un groupe de navires de surface nécessite pour le SNA de s’adapter. Tout d’abord son équipage doit être parfaitement entraîné afin que toutes les actions et éventuelles indiscrétions (radars ou visuelles) soient conduites avec rapidité et efficacité. Il doit ensuite se coordonner avec les forces de surface. À cet effet, une cellule de coordination sous-marine dirigée par un sous-marinier est intégrée à l’état-major du GAN. Elle est l’interface entre la force et le SNA, afin notamment de créer des zones de responsabilité distinctes de celle des frégates ASM pour parer tout risque de méprise. Mais au final, le plus important pour qu’il s’in­tègre parfaitement au GAN, c’est le niveau de confiance réciproque qui doit régner entre le commandement de la force et celui du SNA : plus il est élevé, plus l’action sera efficace. En clair, être intégré au GAN ne bride pas l’action du sous-marin, ça la stimule ! »

Les yeux et les oreilles du commandant de la force © P. Guiot / Marine nationale

Les yeux et les oreilles du commandant de la force

Les yeux et les oreilles du commandant de la force

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