80 ans de mystère, le raid de Wassenaar
Dans la nuit du 26 au 27 février 1944, le lieutenant de vaisseau Charles Trépel commande un raid de reconnaissance sur les côtes néerlandaises, avec sept de ses hommes. Prévu depuis plusieurs mois, celui-ci doit renseigner les Alliés sur les défenses allemandes. Aucun des commandos débarqués n’est revenu à bord.
La rutilante MTB 682, navire de guerre britannique, fend la mer en direction de la plage de Wassenaar, huit kilomètres au nord de Scheveningen, sur la côte néerlandaise. À son bord se trouvent le lieutenant de vaisseau Trépel, le second maître Hagneré et les quartiers-maîtres Rivière, Cabanella, Guy, Devillers, Lallier et Grossi. Tous font partie du 1er bataillon de fusiliers marins (BFM) dirigé par Philippe Kieffer. Ils ont quitté les côtes britanniques dans l’après-midi, pour participer à l’opération Premium. Leur objectif : repérer une usine dans laquelle les Allemands construisent des fusées destinées à être lancées sur Londres, et se renseigner sur leurs défenses. C’est la seconde fois qu’ils entreprennent ce raid. Trois jours plus tôt, ils ont dû faire demi-tour à cause d’un incident technique. Trépel est déterminé. En décembre, son raid sur Berck-plage, destiné à évaluer les défenses de l’ennemi et le tromper sur un éventuel lieu de débarquement, a lui aussi été annulé car jugé trop périlleux. Persévérant, il est parvenu à convaincre les autorités britanniques de lui confier ce nouveau raid. Cette fois, rien ne pourra le faire dévier de sa trajectoire.
Premium lost no news
La vedette arrive sur site avec deux heures de retard. Les hommes partent vers la côte sur un doris (embarcation légère d’environ 3 à 6 mètres, à fond plat, propulsée à la rame) contenant un radeau. Soudain, des fusées rouges en provenance de la rive illuminent le ciel. À 30 mètres de la plage, les commandos montent dans le radeau et s’éloignent vers le rivage. Trois nouvelles fusées sont tirées. Les quartiers-maîtres Lallier et Grossi, restés dans le doris, attendent leur retour. Tout à coup, des aboiements et des cris couvrent le clapotis des vagues. Il est 4 h 30 et les six commandos devraient déjà être rentrés. Ordre de patienter une demi-heure. Les fusées continuent d’éclairer la nuit et des éclats de torches électriques parcourent le ciel. À 5 h, le doris rejoint la vedette. Les six commandos ne rentreront jamais. À Londres, le raid est classé ainsi : Premium lost no news*.
Fausse identité
Le 24 mai 1945, l’enseigne de vaisseau de première classe Mazeau émet un rapport annonçant les pertes du 1er bataillon de fusiliers marins commandos et les recherches infructueuses pour repérer les six disparus. À la Libération, leurs corps sont finalement retrouvés, ils ont été enterrés comme aviateurs alliés inconnus. Dans son rapport d’enquête, l’EV1 Hulot précise que « tous portent sur leur visage l’expression d’avoir terriblement souffert ». Ont-ils été saisis par le froid en voulant regagner le rivage ? Étaient-ils attendus par l’ennemi ? Leur disparition demeure, encore aujourd’hui, un mystère.
* Premium a disparu, aucune nouvelle
Trépel dans les mémoires
« Modèle de l’officier commando, Charles Trépel est une personnalité qui inspire toujours le commando, même de nos jours, affirme le capitaine de corvette Benoît, commandant du commando Trépel. Je fais souvent référence à son dernier raid car il force l’humilité, précise-t-il. Plutôt que d’en tirer des leçons, souvenons-nous de ce que cette opération nous enseigne. Aurions-nous fait différemment aujourd’hui ? Non. L’issue de ce raid est un rappel à l’ordre : il ne peut y avoir de succès tactiques et stratégiques sans prise de risques. »
Carte du raid de Wassenaar
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