« Exhumations dans la France de la Libération » : le nouveau numéro de la Revue historique des armées

Direction : SGA / Publié le : 02 avril 2025

Découvrez le nouveau numéro de la revue trimestrielle La revue historique des armées. Éditée par le Service historique de la Défense, richement illustrée grâce à ses collections iconographiques, ce n°316 réunit les auteurs Raphaële Balu, Jean-Marc Dreyfus, Déborah Sautel et Thomas Vaisset.

« Exhumations dans la France de la Libération » : nouveau numéro de la Revue historique des armées © SGA/COM

« Exhumations dans la France de la Libération » : nouveau numéro de la Revue historique des armées

Éditorial de Gilles Ferragu, rédacteur en chef adjoint.

Un jour, les combats s’arrêtent. Ce moment met-il pour autant fin à une guerre ? Les sociétés, les États entrent alors dans cette période incertaine que l’on appelle l’après-guerre, une transition entre deux états des relations internationales, une zone grise dans laquelle le paysage et le peuple de la guerre subsistent, hors la bataille et le fracas des armes. Cette période indécise fait depuis quelques années l’objet des attentions des chercheurs en histoire comme en science politique. On citera à cet égard le collectif dirigé par Claire Miot, Thomas Vaisset et Paul Vo-Ha, Cessez le feu, cesser les combats (presses du Septentrion, 2022) qui revendique une « approche transactionnelle de la guerre » et un regard au plus proche du terrain et des soldats.

Cette analyse est d’un intérêt majeur pour des armées qui continuent d’assurer, une fois les canons muselés, nombre de missions essentielles pour conforter la paix à venir et sortir de la guerre. Il s’agit notamment de veiller sur les vivants, mais aussi sur les morts, ceux qui sont tombés au service de la patrie. Dans le contexte de la commémoration de la Libération et de ses combats, cette fonction est d’autant moins anodine : restaurer l’ordre nécessaire à la sortie de guerre suppose de rassembler le pays auprès de ses morts, d’élaborer un récit autour duquel la nation puisse se rallier et se refonder, faire parler les corps pour retrouver, au-delà des victimes des combats, de la Collaboration ou de la barbarie nazie, les individus et leur histoire dans le chaos de la guerre mondiale, et finalement, inscrire leur histoire sur le territoire national via une mémoire monumentale.

Tel est l’objet du beau colloque porté par trois grands spécialistes de ces questions, les historiens Jean-Marc Dreyfus, Taline Garibian et Benoit Pouget, dont la RHA se félicite de publier aujourd’hui les actes, et qui rassemble des historiens autour d’un objet à la fois singulier et pourtant important dans ce contexte d’après-guerre : les exhumations des corps de soldats, de résistants ou de déportés tués, des corps qu’il convient désormais de trouver, d’identifier, puis d’enterrer, mais aussi d’honorer ou même simplement de décompter. Cette réflexion, innovante, s’inscrit dans un axe désormais rôdé de l’historiographie militaire, le « forensic turn » — l’utilisation des sciences médico-légales à des fins de recherche historique — qui va de pair avec une autre approche récente — la battlefield archeology — apparue dans le monde anglo-saxon au détour des années 90 et dont Vincent Carpentier avait brillamment résumé les apports dans Pour une archéologie de la Seconde Guerre mondiale (La Découverte, 2022). Une approche originale du fait militaire, soulignée encore récemment lors des états généraux de l’Histoire militaire (2023) portés par le Service historique de la Défense et dont les résultats sont en cours de publication. L’exhumation, comme métaphore de la recherche historique qui met au jour des histoires et des faits, trouve ici sa manifestation matérielle autant que scientifique et historiographique.

Cette publication marque également une étape dans l’évolution de la Revue : portée à faire connaître et rayonner l’histoire militaire nationale et internationale auprès d’un public francophone, la RHA s’attache à accueillir articles et travaux sur le fait guerrier et l’objet militaire, qu’ils émanent de chercheurs confirmés ou débutants, comme d’amateurs d’histoire que la plume a fini par démanger. La revue, qui mobilise de riches archives, s’attache à produire un discours scientifique. Passant par le crible des processus de validation élaborés pour garantir la qualité des travaux publiés, ces articles s’insèrent ainsi dans une historiographie ample, régulièrement renouvelée. Mais une part de ce renouvellement assuré par la recherche académique s’estompe, faute de rayonnement ou de transfert à un public plus élargi que celui d’une manifestation scientifique ponctuelle. Aussi le projet d’une publication qui s’ajouterait à la RHA, et qui serait spécialement dédiée à l’édition de colloques en histoire militaire, a émergé, autour d’une appellation qui ferait le trait d’union entre la revue et ce type de production : les cahiers de la RHA. Il ne s’agit pas d’une publication régulière, mais d’une nouvelle possibilité offerte, à des travaux considérés comme novateurs, de trouver un public.

Outre ce riche dossier scientifique dirigé par les promoteurs mêmes du colloque, la revue propose comme d’habitude ses rubriques, à commencer par un article « varia » issu d’un autre beau colloque, « Faire face à la défaite », et qui interroge également l’après-guerre selon une autre méthode, la prosopographie, et avec un autre objet, celui de la carrière d’officiers français de l’armée impériale après une défaite, celle de 1870, défaite d’une armée et d’un régime politique. En suivant quelques officiers engagés au service de la Sublime porte, l’Empire ottoman, ci-devant homme malade de l’Europe, Jean-Marie Delaroche observe les dilemmes d’officiers à la fois attachés à la mère patrie et au service d’une puissance autre, une ambiguïté que le « concert des puissances » du dix-neuvième siècle souligne et renforce. Dans la rubrique « archives et sources », Régis Baty, gendarme historien et grand spécialiste de la campagne de Russie, éclaire une autre campagne, celle d’Indochine, en suivant les décès enregistrés au sein de la première légion de la garde républicaine à l’aune d’une source peu exploitée des archives de la Gendarmerie : il peut ainsi, efficacement, nuancer et préciser les diverses causes de décès, en posant la question, toujours pertinente du rapport entre la donnée statistique lorsqu’elle est restreinte et la réalité du terrain. Le dossier scientifique trouve également un écho avec la rubrique phaléristique, qui revient sur l’attribution à titre posthume de décorations militaires. Ces « égards d’outre-tombe », selon une belle formule du capitaine Pierre Vermeersch, sont une autre manière d’exhumer symboliquement des individus morts pour la patrie.

Ce numéro s’inscrit dans le cycle des commémorations de 1945, il présente de la guerre passée un tableau dur, autour d’une réalité crue, celle des morts et des cadavres qu’il faut retrouver, identifier et honorer. Mais il se place aussi dans un moment où l’espoir doit renaître, celui où la guerre s’achève.


 

« Exhumations dans la France de la Libération » : nouveau numéro de la Revue historique des armées © SGA/COM

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