Qui sont les pionniers des services secrets français ?

Comment est née la DGSE ? Qui sont les tout premiers espions français et qu'ont-ils accompli ? Découvrez dans ce grand format tous nos reportages, vidéos et entretiens sur les pionniers des services secrets français.

Qui sont les pionniers des services secrets français ? © SGA/COM

Qui sont les pionniers des services secrets français ? 

« La DGSE n’existerait pas sans le colonel Passy » : entretien croisé avec Nicolas Lerner et Marie Dewavrin

Le 3 décembre 2024, la famille d’André Dewavrin alias colonel Passy, père des services de renseignement français, a fait don d’objets ayant appartenus à ce dernier à la DGSE. Marie Dewavrin, sa petite-fille, et Nicolas Lerner, directeur général du renseignement, nous ont reçus dans les locaux du service secret français.

Marie Dewavrin et Nicolas Lerner © SGA/COM

Marie Dewavrin et Nicolas Lerner

Marie Dewavrin et Nicolas Lerner

Propos recueillis par Marguerite Silve Dautremer

 

Marie Dewavrin, vous faites don à la DGSE de nombreux effets personnels de votre grand-père, André Dewavrin, fondateur et chef des services secrets de la France Libre, le BCRA*. Que représente cette donation pour vous-même et votre famille ? Et pour les donataires ?

Ces objets représentent l’engagement de mon aïeul pour son pays pendant la Seconde Guerre mondiale et tous les risques qu’il a été prêt à encourir au péril sa vie. En témoigne par exemple la chevalière à chaton mobile, dans laquelle il avait caché sa pilule de cyanure lors de sa mission « Arquebuse-Brumaire ». Pour la DGSE, cette donation est je le pense un symbole très important puisqu’elle illustre sa filiation avec le BCRA. En tant que famille, il était important pour nous que ces objets puissent servir d’inspiration pour ses agents : appareil photo miniature, plaque d’identité militaire, médailles… Nous avons également fait don en 2024 de toutes les archives écrites du colonel Passy au Service Historique de la Défense (SHD). Cela doit permettre à la communauté scientifique de travailler sur l’ensemble des archives disponibles. Certaines archives ont été exposées en mai dernier à l’Assemblée Nationale dans le cadre d’une exposition « Les plans secrets du débarquement », en partenariat avec la DGSE.

N'est-ce pas un « crève-cœur » de se séparer de ces objets ? vous les conservez dans votre famille depuis longtemps…

Ces objets étaient chez mon grand-père jusqu’à sa mort puis chez mon père, décédé il y a quelques mois. Je les ai ensuite récupérés. D’un côté, oui, en tant que famille nous sommes évidemment émus de nous en séparer. Ils sont uniques et nous ont toujours reliés à l’engagement profond de mon aïeul pour son pays. Néanmoins nous sommes apaisés et sereins de savoir qu’ils sont à leur place, à la DGSE. Le colonel Passy en serait assurément heureux. Il est en quelque sorte « le père fondateur » de la DGSE, du moins dans son mode de fonctionnement, c’est-à-dire une structure qui allie renseignements et actions clandestines, héritée du BCRA qu’il fonda en 1940.

Comment la relation entre vous et la DGSE s’est-elle instaurée ?

En 2017, Sylvie Pierre Brossolette et moi-même avons été à l’initiative d’un documentaire sur la mission Arquebuse-Brumaire, « Les espions du Général »*. Nous sommes allées voir France Télévisions qui recherchait des projets pour le 80e anniversaire de l’appel du 18 juin. Avec l’agence de production Capa, nous avons validé toutes les étapes du script aux côtés du réalisateur Richard Puech. Nous avons rencontré la DGSE dans ce contexte, notre but étant de les associer à ce projet. Bernard Emié, directeur de la DGSE à l’époque et la directrice du service des archives de la DGSE nous ont soutenues tout au long du projet. Notre relation s’est poursuivie en 2022, année mémorielle des 80 ans du BCRA et des 40 ans de la DGSE. Nous nous sommes vus à de très nombreuses reprises autour d’évènements organisés pour affirmer cet ancrage BCRA-DGSE. Une place au nom de mon grand-père a notamment été inaugurée à Neuilly-sur-Seine, là où il a vécu et où il repose désormais. La DGSE et la DGSI, avec son directeur de l’époque Nicolas Lerner, étaient présentes.

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Espion sous l'occupation : l'équipement secret du colonel Passy

Découvrez dans cette vidéo les objets et décorations ayant appartenus à André Dewavrin alias colonel Passy, fondateur du BCRA, l’ancêtre de la DGSE. Appareil photo miniature, chevalière à chaton mobile pour dissimuler une capsule de cyanure… Objets uniques à la valeur symbolique très forte, ils furent utilisés pendant la périlleuse mission « Arquebuse-Brumaire » en 1940, en zone occupée. Ces objets ont été offerts au prestigieux service secret français en 2024 par la famille Dewavrin.

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Espion sous l'occupation : l'équipement secret du colonel Passy

Le Service historique de la Défense achève un déménagement hors norme

Plus de 70 kilomètres linéaires d’archives, jusque-là localisés au Fort Neuf de Vincennes, ont été déplacés d’octobre 2022 à décembre 2024, soit l’équivalent de deux fois le périphérique parisien.

700 000 boîtes d’archives papier et 110 000 ouvrages ont été déplacés © Erwan Rabot

700 000 boîtes d’archives papier et 110 000 ouvrages ont été déplacés

700 000 boîtes d’archives papier et 110 000 ouvrages ont été déplacés

La mission : déménager 700 000 boîtes d’archives papier et 110 000 ouvrages, soit la moitié des fonds et collections du Service Historique de la Défense (SHD) conservés en Île-de-France ! Dans des conditions strictes de sécurité et de préservation, le SHD a réussi ce défi logistique et organisationnel d’ampleur, et ceci dans les temps impartis. 

Ce déménagement inédit et hors norme s’inscrit dans le cadre de la réaffectation du Fort Neuf qui deviendra le nouveau siège de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) en 2031.

 Cette « Manœuvre Braibant » a nécessité une planification rigoureuse et une coordination entre plusieurs équipes spécialisées. Les archives ont été acheminées par camions vers les trois sites d’Île-de-France : le château de Vincennes, la caserne Mortier à Paris et le Fort de l’Est à Saint-Denis ainsi que vers toutes les antennes du SHD dans l’Hexagone.

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Les « héros de l’ombre », combattants de la France libre : André Dewavrin, alias "Passy"

André Dewavrin naît dans une famille d'industriels du Nord. Reçu à l'École polytechnique en 1932, il rejoint le 1er juillet 1940 le général de Gaulle à Londres. Il est pendant trois ans l'organisateur et le chef des services secrets de la France libre. Il est Grand-croix de la Légion d'honneur, Croix de guerre 1939-1945, et a reçu la Médaille de la Résistance française. Comme d’autres membres du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), André Dewavrin (Passy) avait choisi pour pseudonyme de résistant un nom de station de la ligne Nation-Étoile, (devenue la ligne 6) du métro parisien. Ces hommes sont désormais surnommés les « Sentinelles de la ligne 6 ».

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Les « héros de l’ombre », combattants de la France libre : André Dewavrin, alias "Passy"

Remerciements : Service historique de la Défense (SHD), Fondation de la France Libre

Les « héros de l’ombre », combattants de la France libre : Maurice Duclos, alias "Saint-Jacques"

Maurice Duclos est affecté en 1939 comme lieutenant de tir au 10ème régiment d'artillerie coloniale. Le 1er juillet 1940, il rallie la France libre du général de Gaulle, sous les ordres du Colonel Passy, affecté au Service de renseignements au 2ème Bureau. Il est Officier de la Légion d'honneur, Croix de guerre 1939-1945 et a reçu la Médaille commémorative des services volontaires dans la France libre. Comme d’autres membres du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), Maurice Duclos (Saint-Jacques) avait choisi pour pseudonyme de résistant un nom de station de la ligne Nation-Étoile (devenue la ligne 6) du métro parisien. Ces hommes sont désormais surnommés les « Sentinelles de la ligne 6 ».

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Les « héros de l’ombre », combattants de la France libre : Maurice Duclos, alias "Saint-Jacques"

 

 

Remerciements : Service historique de la Défense (SHD), Fondation de la France Libre

Les « héros de l’ombre », combattants de la France libre : Alexandre Beresnikoff, alias "Corvisart"

Né en 1908, à Novorossisk, Alexandre Beresnikoff est issu d'une vieille famille de la noblesse russe. Immigré en France, il choisit la carrière militaire. En juillet 1940, il rejoint Londres et propose ses services au général de Gaulle. Alexandre Beresnikoff est Officier de la Légion d'Honneur, Médaillé de l’Ordre du mérite et il a reçu la Médaille militaire (1939-1945). Ses faits d'armes lui valent une Croix de Guerre à titre exceptionnel. Comme d’autres membres du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), Alexandre Beresnikoff (Corvisart) avait choisi pour pseudonyme de résistant un nom de station de la ligne Nation-Étoile, (devenue la ligne 6) du métro parisien. Ces hommes sont désormais surnommés les « Sentinelles de la ligne 6 ».

Les « héros de l’ombre », combattants de la France libre : Alexandre Beresnikoff, alias "Corvisart"

 

Les « héros de l’ombre », combattants de la France libre : Raymond Lagier, alias "Bienvenüe"

Fils d’un industriel, il est diplômé de l’École supérieure de commerce de Paris. En 1940, Raymond Lagier intègre les chasseurs alpins et devient lieutenant. En juillet de la même année, il rejoint Londres et est appelé par le Colonel Passy pour intégrer son 2ème Bureau en tant qu’officier. Nommé capitaine, il devient le chef de la section Action du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA). Il est Officier de la Légion d’honneur, Commandeur de l’Ordre national du Mérite et Croix de guerre 1939-1945. Comme d’autres membres du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), Raymond Lagier (Passy) avait choisi pour pseudonyme de résistant un nom de station de la ligne Nation-Étoile (devenue la ligne 6) du métro parisien. Ces hommes sont désormais surnommés les « Sentinelles de la ligne 6 ».

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Les « héros de l’ombre », combattants de la France libre : Raymond Lagier, alias "Bienvenüe"

 

Remerciements : Service historique de la Défense (SHD), Fondation de la France Libre

Cécile Beresnikoff : « mon projet est un parcours hommage aux Sentinelles de la ligne 6 »

Arrière petite-fille du résistant Alexandre Beresnikoff dit « Corvisart », Cécile Beresnikoff, étudiante en mastère 2 de tourisme et patrimoine à l’IESA, consacre son projet universitaire de fin d’année à un groupe de quatre hommes, tous membres du Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), basé à Londres auprès du général de Gaulle lors de la Seconde Guerre mondiale. Ils s’étaient choisis pour pseudonymes des noms de stations du métro parisien.

Cécile Beresnikoff © Cécile Beresnikoff

Cécile Beresnikoff 

Cécile Beresnikoff 

Pourquoi avoir consacré un projet d’étude à votre arrière-grand-père ?

J’ai voulu rebondir sur mon histoire familiale, riche et forte en émotions, et sur la commémoration des 80 ans de la Libération pour monter ce projet. Alexandre Beresnikoff était un « Russe blanc » naturalisé français en 1932. C’était quelqu’un de très discret et humble, il ne parlait jamais de ses exploits. Nous avons appris beaucoup de choses sur lui après sa mort, comme le fait qu’il ait sauté en parachute pour la première fois de sa vie lors du siège de Narvik en Norvège, de surcroît en pleine nuit et dans la neige. Ou encore, que cet intellectuel avide de lectures et de grandes balades en solitaire, a dû échapper aux Allemands lors de la première mission effectuée sur le sol français. Et bien qu’il ait noté au jour le jour ses activités durant la guerre dans des carnets que nous avons récupérés, beaucoup de choses restent encore floues et demeurent dans l’inconnu. Nous espérons que la remise de ces archives au Service Historique de la Défense (SHD) permettra d’éclaircir des zones d’ombre encore tenaces.

Il fait partie de ce groupe que vous avez baptisé les « Sentinelles de la ligne 6 ». En quoi consiste ce concept ?

Au début, je ne pensais parler que de mon arrière-grand-père, mais je me suis rendu compte que je manquais de matériaux. Je savais que plusieurs autres membres du BCRA (Bureau central de renseignements et d’action) avaient choisi comme pseudonymes de résistant des stations de métro de la ligne Nation- Étoile, devenue la ligne 6 : André Dewavrin (Passy), Maurice Duclos (Saint-Jacques), Raymond Lagier (Bienvenüe) et donc Alexandre Beresnikoff (Corvisart). Ils avaient rejoint très tôt le général de Gaulle à Londres pour former ce qui allait devenir le BCRA, ce service de renseignement qui, depuis Londres, agissait dans la France occupée. Passy était le chef du bureau, Corvisart celui de la section « Évasion » et Bienvenüe celui de la section « Action ». J’ai choisi ce terme de « Sentinelle » qui évoque une personne dans l’ombre, aux aguets, ce qui est le propre des agents secrets. Mon idée a été de créer un parcours hommage pour ces résistants des renseignements, qui étaient jusque-là un peu les oubliés de la commémoration des 80 ans et peu connus du grand public. J’ai ainsi pu rencontrer Nathalie Genet-Rouffiac, à l’époque conservatrice en chef au SHD. Elle s’est montrée tout de suite intéressée par l’idée que je portais car cela correspondait à un manque de reconnaissance qu’elle avait identifié. Grâce à elle, j’ai pu construire ce parcours main dans la main avec le SHD.

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