« Au tour des enfants d’aujourd’hui de réaliser leurs rêves et de s’engager »

Direction : Ministère des Armées / Publié le : 03 juillet 2023

[Esprit défense n°8] Son rôle au sein de la Patrouille de France, la manière dont la figure inédite « 70 » a été dessinée dans le ciel pour fêter les 70 ans de l’unité, la préparation de l’ouverture du défilé du 14 Juillet, sa perception du lien armées-Nation et ses échanges avec les jeunes… : le commandant Aurélien Declercq, leader de la Patrouille de France, est l’invité d’Esprit défense.

Lors de l’entretien avec Esprit défense, le 28 mai 2023. © SCH Christian Hamilcaro/Dicod/Défense

Chaque année de la PAF est unique puisque son équipe est en partie renouvelée, tout comme sa démonstration de voltige dans les airs. Néanmoins, être leader l’année des 70 ans, c’est forcément un peu différent, non ?

Oui. En règle générale, la PAF célèbre chaque décennie et les anniversaires particuliers. C’est évidemment un honneur et une fierté d’en être le leader pour ses 70 ans. 2023 est donc une année très spéciale, notamment en termes d’engagement médiatique. Au-delà de moi, toute l’équipe est concernée. Les autres pilotes, bien sûr, mais aussi les mécaniciens, le personnel de la logistique ou celui de la communication. Cela amène également davantage de pression, mais une pression positive.

Le rôle du leader est notamment de créer la « série »1 que le public admirera lors de chaque représentation. Comment avez-vous appréhendé cette mission? Êtes-vous parti d’une feuille blanche ou vous êtes-vous inspiré de vos prédécesseurs ?

Notre liberté de création est totale. Néanmoins, nous ne pouvons pas modifier une donnée : le temps pour préparer l’équipe à la série. Comme nous ne disposons que des six mois de la période hivernale avant celle des festivals, il est impossible de proposer du « 100 % nouveau ». Nous nous inspirons d’éléments anciens, qui n’ont pas été utilisés depuis cinq ou six ans. Nous changeons aussi l’ordre des figures, éventuellement l’axe de présentation, avec à chaque fois l’objectif d’insérer de nouveaux défis techniques. Et puis, bien sûr, chaque nouvelle équipe tient à offrir un bel inédit au public. C’est ce que nous avons accompli cette année avec le nombre 70 dessiné dans le ciel.

La figure inédite « 70 », imaginée par le commandant Declercq et par son équipe, le 6 mai 2023. © SGT Jean-Baptiste Pasquet/armée de l’Air et de l’Espace/Défense

D’un point de vue technique, comment avez-vous construit cette figure inédite ?

Mon idée initiale - dessiner le 70 dans un plan purement vertical - était un peu trop ambitieuse en termes de pilotage. Avec Athos 5 et Athos 72, nous l’avons donc adaptée dans un plan oblique. D’un point de vue technique, cela permet aux avions qui dessinent le 7 de conserver de la manœuvrabilité. D’un point de vue esthétique, nous voulions que ce soit le plus visuel et le plus impressionnant possible. Pour ce faire, les huit avions doivent participer à la manœuvre.

Il a ensuite fallu réfléchir à la manière de les positionner pour que la figure puisse être réalisée quelle que soit la météo. Nous avons ainsi mixé les couleurs au sein des deux chiffres. Si le ciel est bleu, le 70 sera en blanc. Si les nuages prédominent, il sera en couleurs. Mais afin de l’équilibrer visuellement dans ce cas, nous avons modifié la position des équipiers pour disposer d’un avion capable de « fumer » bleu et un autre de « fumer » rouge sur chaque élément du 70. Nous avons donc dû créer une nouvelle formation de vol. À partir de la formation dite « Manta », nous avons reculé le placement des appareils extérieurs pour, ensuite, pouvoir les séparer. Dans tous les cas, quatre avions dessinent le 0, deux la barre horizontale du 7 et deux la barre oblique. Toute l’équipe est donc impliquée.

Le 14 Juillet, vous ouvrirez comme chaque année le défilé aérien au-dessus des Champs-Élysées en formation Big Nine, une formation à neuf pilotes rarement utilisée.

C’est en effet une formation très particulière réservée au Président de la République et aux très grandes occasions. Elle est logiquement peu volée, et donc assez exigeante. À titre personnel, la première fois que je l’ai pratiquée, c’était l’an passé pour ma première année au sein de la PAF. Comme nous ne pouvons pas la tester avant lors d’un meeting, elle représente un beau défi. Sur le plan technique, ce Big Nine est très impressionnant et très massif puisque nous cherchons à placer les avions de front. Cela permet ensuite de disposer du plus grand drapeau tricolore possible lorsque nous lâchons les fumées.

Outre Paris, parmi tous les lieux que vous avez déjà survolés avec la PAF3, lequel vous a le plus marqué ?

Comme je suis originaire de Toulon, j’ai découvert la PAF quand j’étais gamin lors de ses passages au-dessus de la rade. La « graine » a forcément été plantée en moi ces jours-là. J’ai ainsi ressenti une forte émotion quand nous avons défilé au-dessus de la ville le 15 août 2022 pour l’anniversaire du débarquement en Provence. Il est prévu que nous y retournions cette année. Cela sera encore très émouvant de survoler ce lieu emblématique. Je pense qu’il est très important de rappeler qu’il y a 15 ou 20 ans, nous étions, nous les pilotes de 2023, de jeunes enfants au regard plein d’étoiles. Au tour des enfants d’aujourd’hui de réaliser leurs rêves et de s’engager.

Dans les meetings, vous allez justement à la rencontre du public. Que répondez-vous à ces jeunes qui ne manquent pas de vous demander ce qu’ils doivent réaliser pour être un jour à votre place ?

Que, pour voler dans notre armée de l’Air et de l’Espace (AAE), pour voler à la PAF ou pour effectuer n’importe quel autre métier, il faut justement croire en ses rêves, aller au bout de ses envies et s’en donner les moyens. C’est évidemment du travail et de la rigueur, mais aussi des moments de partage et d’échange avec ceux qui ont suivi cette voie précédemment et qui peuvent vous épauler dans les moments plus difficiles. Au-delà du monde militaire, c’est applicable au monde civil : il faut aller au bout de ses passions pour ne pas nourrir de regrets.

La PAF est également partenaire de l’association Rêves, qui vient en aide aux enfants malades. Que tentez-vous de leur apporter ?

Les membres de cette association s’emploient à donner une vague de fraîcheur à des enfants dont le quotidien n’est pas facile, en organisant par exemple des rencontres avec l’équipe. À notre humble niveau, nous essayons de faire découvrir à ces jeunes nos avions et nos métiers en leur permettant d’accéder au tarmac lors de nos déplacements. Bien souvent, nous avons le sentiment que ce sont eux qui nous apportent énormément, par leur énergie, leur combativité et leur foi en la vie.

Échange avec des enfants malades de l’association Rêves, lors du meeting de Montbéliard. © ADC Michel Jouary/armée de l'Air et de l'Espace/Défense

Le dossier central de ce numéro d’Esprit défense est consacré au lien armées-Nation, dont la PAF est souvent présentée comme l’un des moteurs. Avec le contexte stratégique actuel, percevez-vous un changement dans le comportement des spectateurs ?

Oui. Nous sentons effectivement quelque chose de différent, en mieux. Les personnes avec qui j’ai la possibilité de discuter reconnaissaient déjà la compétence des armées françaises. Mais ce lien se renforce, car le contexte international proche et récent conduit ces personnes à être plus attentives au travail de leurs armées. Ce travail, lui, n’a pas changé; il est toujours aussi rigoureux et vise l’excellence. Mais le regard de la population a été un petit peu modifié depuis un an et demi. Une anecdote à ce sujet : récemment, un élu est venu nous voir après un meeting. Il nous a félicités pour le spectacle aérien et pour notre temps d’échange avec le public. Et il a poursuivi en nous remerciant d’être « les ambassadeurs de [nos] frères d’armes ». Or, souvent, si les gens apprécient la PAF, ils n’ont pas forcément le réflexe de se dire : « Ses pilotes sont avant tout des militaires et ils sont donc là pour représenter les aviateurs qui, au quotidien, travaillent pour nous. » Lui a eu ce réflexe de louer l’ensemble de l’AAE.

À la fin de la saison, vous quitterez la PAF et ses Alphajet pour commander le futur escadron de chasse Rafale qui s’installera sur la base aérienne d’Orange. Un retour à vos premières amours puisque vous avez piloté sur Rafale.

Nous en parlions au début de cet entretien : la force et la particularité de la PAF, c’est vraiment ce renouvellement permanent. Il faut donc accepter d’en partir et de passer le flambeau au suivant, sans nostalgie. En arrivant, nous savons que l’expérience Patrouille de France ne représentera qu’une parenthèse assez courte. Cette affectation à Orange est aussi une belle preuve de confiance de l’AAE à mon égard puisqu’elle me renvoie dans une unité de combat, nouvelle qui plus est. Je pourrai y partager toute mon expérience acquise à la PAF avec les membres de mon futur escadron.

Votre surnom est « Buzz ». Pourquoi ?

Pour « Buzz Declercq », un jeu de mots entre Buzz l’Éclair et mon nom de famille (rires). Cela remonte à ma formation à l’aviation de chasse, à Cognac, au début des années 2010. J’ai ensuite vécu l’expérience d’être foudroyé en plein vol. Cela a scellé ce surnom ! (rires) En escadron, nous en possédons d’ailleurs presque tous un afin d’échanger plus rapidement à la radio et de nous parler sans avoir de doute sur telle ou telle identité.

Un surnom cependant peu utilisé ici à la PAF…

Tout à fait. Nous nous interpellons avec notre numéro, accolé à Athos, l’indicatif générique de la PAF en référence à notre devise, « Un pour tous, tous pour un ». Au-delà du clin d’œil aux Trois Mousquetaires, notre réussite collective, d’Athos 1 à Athos 8, est en effet poussée à l’extrême. Nous pouvons être sept pilotes à accomplir le meilleur vol de notre vie ; si le huitième rate le sien, le public considérera que la mission est ratée. Et il aura raison, car l’erreur de l’un de nous, c’est l’erreur de tous. À l’inverse, la réussite ne peut donc être que collective. Et elle implique aussi tous ceux qui travaillent au sol avec nous.

Au-delà de la passion pour votre métier, quels sont vos autres centres d’intérêt ?

Comme j’ai grandi à Toulon, j’aime faire un peu de voile. Lorsque j’étais plus jeune, j’ai aussi joué au rugby comme ailier ou centre. Mais j’ai surtout pratiqué le basket, un sport très noble. Là, j’étais très souvent meneur. Mais ma taille ne m’a pas permis de percer. Il me manquait quelques précieux centimètres pour exceller dans le domaine ! Je suis un grand fan de Tony Parker. Au-delà de son talent sportif, il est aussi un excellent ambassadeur de la France à l’étranger.

De nombreux films mettent en scène des pilotes de chasse, réels ou fictifs. Être acteur ou assurer le rôle de consultant technique pour le cinéma comme certains militaires en ont eu l’occasion, cela vous tenterait ?

Ça me plairait, évidemment. À l’instar de la PAF, qui nourrit chez de nombreux enfants le projet d’intégrer les armées, le cinéma est aussi indispensable pour créer des vocations. Il est donc important pour les armées de savoir s’exporter via des œuvres cinématographiques. Quant à la fonction, je pense que je m’adapterais mieux au costume de consultant technique qu’à celui d’acteur (rires).

1 Nom donné à la démonstration de voltige créée chaque année par la PAF.

2 Ces deux cadres de l’équipe possèdent un an d’expérience de plus que le leader. Leur rôle est notamment de l’assister dans la création de la série.

3 Chaque année, la PAF participe à une trentaine de rencontres aériennes, en France et à l’étranger.

 

Recueilli par Fabrice Aubert

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